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03/07/2025 | FRANCE | N°24MA00172

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 1ère chambre, 03 juillet 2025, 24MA00172


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision tacite de non-opposition à la déclaration préalable déposée par M. C... en vue de l'édification d'un portillon dans une clôture sur un terrain situé 300 chemin du Refuge, parcelle cadastrée section BN n° 349 à Mougins, révélée par l'affichage du certificat de non-opposition à déclaration préalable en date du 14 janvier 2020, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieu

x formé le 16 mars 2020.



Par un jugement n° 2002804 du 30 novembre 2023, le tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision tacite de non-opposition à la déclaration préalable déposée par M. C... en vue de l'édification d'un portillon dans une clôture sur un terrain situé 300 chemin du Refuge, parcelle cadastrée section BN n° 349 à Mougins, révélée par l'affichage du certificat de non-opposition à déclaration préalable en date du 14 janvier 2020, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 16 mars 2020.

Par un jugement n° 2002804 du 30 novembre 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 26 janvier 2024, le 10 octobre 2024, le 29 octobre 2024, et un mémoire récapitulatif produit en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistré le 24 mars 2025, Mme D... A..., représentée par Me Gimalac, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 30 novembre 2023 ;

2°) d'annuler la décision de non-opposition à déclaration préalable tacite délivrée à M. C... ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Mougins la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a intérêt à agir à l'encontre de la décision de non-opposition litigieuse dès lors qu'elle établit avoir la qualité de propriétaire indivis des chemins mitoyens situés au nord de sa propriété, sur lesquels elle a conservé ses droits réels et dont elle a l'usage exclusif, sans que les fonds voisins puissent se prévaloir d'une servitude de passage, ni d'une ouverture à la circulation publique et, par ailleurs, être en possession de la parcelle cadastrée section BN 152 depuis plusieurs décennies, qu'elle a ainsi acquis par prescription ;

- le dossier de déclaration préalable était incomplet, en ne comportant pas de véritable plan de situation et en occultant des informations essentielles, dont la présence d'un bassin écrêteur derrière la clôture sur laquelle le portail doit être installé, cette présentation lacunaire étant constitutive d'une manœuvre frauduleuse ; le service instructeur aurait dû solliciter des pièces complémentaires pour justifier de l'absence d'incidence du projet sur le fonctionnement, la structure et la sécurité des installations d'eaux pluviales et exiger que soient produit les certificats justifiant d'une nouvelle déclaration " loi sur l'eau " ;

- l'installation d'un portail sur la clôture existante est susceptible d'affecter le fonctionnement des installations d'eaux pluviales du bassin versant de Campane et aurait dû faire l'objet d'un permis d'aménager ou d'un permis de construire en application des articles L. 421-1 et L. 421-2 du code de l'urbanisme ; la présentation du projet est sur ce point trompeuse ; le dossier était également incomplet en ce que n'y figurait aucune autorisation de l'assemblée syndicale libre du lotissement du Clos du Refuge ; de ce fait, la non-opposition à déclaration préalable litigieuse méconnaît également les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- la présentation du projet présente également une lacune importante quant à la localisation du portail alors que la restanque sur laquelle la clôture est implantée est mitoyenne ; cette lacune a faussé l'appréciation de l'autorité administrative sur la conformité du projet aux règles d'urbanisme ;

- le projet repose sur des constructions existantes irrégulières, les installations d'eaux pluviales du lotissement " Clos du Refuge " présentant de nombreuses non-conformités et dysfonctionnements, le pétitionnaire ayant lui-même procédé à des travaux et aménagements sans autorisation.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 juin 2024, le 14 août 2024, le 14 octobre 2024 et le 12 novembre 2024, et un mémoire récapitulatif produit en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistré le 23 mars 2025, M. E... C..., représenté par Me Eydoux, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de Mme A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- Mme A... ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir à l'encontre de la décision de non-opposition litigieuse, alors qu'elle n'établit pas posséder la parcelle cadastrée section BN n° 152 par la voie de la prescription acquisitive, ni les chemins d'accès du secteur, notamment celui séparant cette dernière parcelle de celles qui lui appartiennent ; elle n'établit pas davantage un risque d'inondation lié au projet, le bassin sec aménagé sur la parcelle cadastrée section BN n° 349, où doit s'implanter le portail, n'ayant pas pour vocation directe de protéger la parcelle cadastrée section BN n° 152, qui n'est pas raccordée au réseau d'eaux pluviales du lotissement " le Clos du Refuge ", et donc à ce bassin, d'un risque d'inondation ; au demeurant, elle ne fait valoir aucun élément de nature à démontrer que l'installation d'un portillon de 45 centimètres de large serait de nature à affecter les conditions d'occupation et de jouissance de cette parcelle, ni des parcelles cadastrées section n° 340, 164 et 373 dont elle est propriétaire ;

- le moyen tiré de ce que le projet prend appui sur des constructions irrégulières, invoqués pour la première fois dans le mémoire de l'appelante du 10 octobre 2024, est irrecevable en application de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme, le premier mémoire en défense ayant été communiqué le 24 juin 2024 ;

- les moyens invoqués par Mme A... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2024, la commune de Mougins, représentée par Me Grech, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de Mme A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- Mme A... ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir à l'encontre de la décision de non-opposition litigieuse dès lors qu'elle ne produit aucun des documents visés par l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme de nature à établir un droit quelconque sur la parcelle cadastrée section BN n° 152, ni qu'elle aurait acquis cette parcelle par prescription par l'acte déclaratif établi par son père le 10 juin 1981, alors que seul le juge judiciaire peut en établir l'existence sur le fondement de l'article 2261 du code civil ; le chemin qui sépare cette parcelle de celles dont elle est propriétaire est un chemin d'exploitation au sens du code rural et de la pêche ; elle ne fait état d'aucun élément démontrant que l'installation du portail objet de la décision de non-opposition litigieuse serait de nature à affecter les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien ;

- les moyens invoqués par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Claudé-Mougel,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Grech, représentant la commune de Mougins.

Une note en délibéré présentée par Mme A... a été enregistrée le 20 juin 2025 et n'a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... a déposé une déclaration préalable de travaux en vue de la création d'un portillon dans une clôture sur la parcelle cadastrée section BN n° 349, située 300 chemin du Refuge, dont il est propriétaire sur le territoire de la commune de Mougins. En l'absence de réponse à sa demande, est née une décision tacite de non-opposition et le maire de Mougins a délivré, le 14 janvier 2020, un certificat de non-opposition tacite au déclarant. Mme A... relève appel du jugement du 30 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision tacite de non-opposition.

2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. " Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

3. Il ressort des pièces du dossier que le portail objet de l'arrêté litigieux doit s'insérer dans une clôture implantée sur le côté est de la parcelle cadastrée section BN n° 349 appartenant à M. C... que longe un chemin qui sépare cette parcelle de la parcelle cadastrée section BN n° 152. Si Mme A... soutient que ce chemin, auquel le portail projeté doit donc donner accès, lui appartient et qu'elle en détient l'usage exclusif, elle ne l'établit par aucun des actes notariés ou des plans de géomètre qu'elle produit. Au contraire, il en ressort, notamment de l'acte de vente du 13 mai 2002 par les propriétaires indivisaires des parcelles cadastrées BN n° 342 à 356, dont faisait partie la mère de Mme A..., à la société à responsabilité limitée (SARL) le " clos du Refuge ", que ce chemin, qui borde au nord les parcelles cadastrées section BN n° 340, 164 et 173 appartenant à l'appelante, et sur lesquelles sont implantées sa maison d'habitation et sa piscine, et la parcelle cadastrée section BN n° 152 au sud, est un chemin mitoyen, grevé d'une servitude de passage au bénéfice notamment du lotissement le " Clos du Refuge " créé par cette société, et dont fait partie la parcelle cadastrée section BN n° 349. Au demeurant, la déclaration préalable déposée le 2 août 2018 par Mme A... pour la pose d'un portillon sur le côté nord de la clôture délimitant sa propriété qualifie le chemin en cause de chemin d'exploitation mitoyen. Ainsi, l'usage exclusif ou la propriété du chemin auquel le portail projeté donnerait accès dont Mme A... se prévaut sans l'établir, et sans que cela soulève une difficulté sérieuse, ne peut justifier de son intérêt à agir. De même, si Mme A... soutient avoir acquis par prescription la parcelle cadastrée section BN n° 152 située au-delà de ce chemin, et auquel le portail projeté donnerait également accès, l'acte déclaratif établi par son père, M. B... A..., devant témoins le 10 juin 1981 n'est pas susceptible de l'établir, et elle ne produit aucune décision du juge judiciaire qui peut seul se prononcer sur l'acquisition de cette parcelle par ce biais. Enfin, Mme A... ne saurait sérieusement soutenir que la seule pose d'un portillon sur une clôture grillagée existante emporte un risque d'inondation de ses parcelles au motif de la présence d'un bassin écrêteur sur la parcelle appartenant à M. C..., sans produire un quelconque élément susceptible d'établir l'existence d'un tel risque. Alors que Mme A... ne fait état d'aucun autre élément de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien, ni même relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction, elle ne justifie d'aucun intérêt lui donnant qualité pour agir à l'encontre de la décision de non-opposition litigieuse.

4. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision tacite de non-opposition en litige.

Sur l'amende pour recours abusif :

5. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ".

6. En l'espèce, la requête d'appel de Mme A... présente un caractère abusif qui justifie que lui soit infligée une amende qu'il y a lieu de fixer à 1 000 euros.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Mougins, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser une quelconque somme à Mme A.... Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens et une somme de 1 000 euros à verser à la commune de Mougins au même titre.

D É C I D E

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Mme A... est condamnée à payer une amende pour recours abusif de 1 000 euros.

Article 3 : Mme A... versera une somme de 1 000 euros à M. C... et une somme de 1 000 euros à la commune de Mougins en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A..., à la commune de Mougins et à M. E... C....

Délibéré après l'audience du 19 juin 2025, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- Mme Courbon, présidente-assesseure,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juillet 2025.

2

N° 24MA00172

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00172
Date de la décision : 03/07/2025

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Autorisations d`utilisation des sols diverses - Régimes de déclaration préalable.

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles de procédure contentieuse spéciales - Introduction de l'instance - Intérêt à agir.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : POSTIC

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-03;24ma00172 ?
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