Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une requête, enregistrée sous le n° 2106060, Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, de désigner un expert afin d'évaluer les préjudices qu'elle a subis à la suite de sa prise en charge par le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud ; à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud à lui payer la somme de 67 094,40 euros en réparation du préjudice résultant de sa prise en charge médicale à compter du 14 septembre 2015.
Par une requête, enregistrée sous le n° 2201843, le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud a demandé au tribunal administratif de Marseille que la société Axa France Iard soit appelée en garantie de toute condamnation prononcée à son encontre dans le cadre de l'instance enregistrée sous le numéro 2106060.
Par un jugement n°s 2106060, 2201843 du 10 février 2023, le tribunal administratif de Marseille, après avoir joint les deux requêtes, a :
- condamné le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud à payer à Mme D... la somme de 23 166,40 euros en réparation des préjudices subis, à la caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes les sommes, assorties des intérêts légaux, de 34 768,48 euros au titre des débours et de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion,
- condamné la société Axa France Iard à garantir le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud des sommes mises à sa charge ;
- mis à la charge du centre hospitalier les frais d'expertise ainsi que les sommes de 1 500 euros et de 800 euros à payer respectivement à Mme D... et à la caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête et trois mémoires, enregistrés les 28 mars 2023, 6 novembre 2023, 12 décembre 2023 et 28 décembre 2023, la société Axa France Iard, représentée par la SELARL Boizard Eustache Guillemot associés, agissant par Me Boizard, demande à la cour :
1°) à titre principal, de réformer le jugement du tribunal administratif de Marseille du 10 février 2023 en tant qu'il l'a condamnée à garantir le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud des condamnations prononcées à son encontre ;
2°) à titre subsidiaire, de limiter le montant des condamnations auquel elle doit être appelée à garantir le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud à la somme maximale de 5 042,50 euros ou, à défaut, de 11 583,20 euros, correspondant aux conséquences des seuls dommages résultant de l'intervention du 18 septembre 2015, et à la somme de 10 836,84 euros, s'agissant des sommes à payer à la caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud les dépens et la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les clauses d'exclusion de garantie incluses dans le contrat d'assurance la liant au centre hospitalier sont applicables aux dommages causés à Mme D... en ce qui concerne l'intervention de cimentoplastie et sont de nature à rendre infondé l'appel en garantie présenté par son assuré ;
- le montant de sa condamnation ne saurait excéder, à titre principal, la somme de 5 042,50 euros, correspondant aux seuls dommages résultant de l'intervention de discectomie, ou, à titre subsidiaire, la somme de 11 583,20 euros, compte tenu de la part de 50 % imputable aux dommages résultant de l'intervention de cimentoplastie ;
- la demande de contre-expertise médicale est infondée ;
- les demandes de la caisse concernant les remboursements des sommes de 9 120 euros et de 3 974,80 euros sont injustifiées ; le montant de sa créance doit être ramené à la somme de 10 836,84 euros.
Par un mémoire, enregistré le 20 avril 2023, Mme D..., représentée par Me Lebrun, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal en ce qu'il n'a fait droit que partiellement à sa demande ;
2°) à titre principal, de désigner un expert exerçant à Lyon afin d'évaluer les préjudices qu'elle a subis à la suite de sa prise en charge par le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud à lui payer la somme totale de 67 094,40 euros en réparation des préjudices résultant de sa prise en charge médicale à compter du 14 septembre 2015 ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud les dépens et la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la responsabilité du centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud à raison d'un manquement au devoir d'information et des fautes médicales commises doit être confirmée ;
- elle est fondée à demander, à titre principal, une contre-expertise médicale en raison des insuffisances du rapport initial sur l'évaluation de ses préjudices ;
- elle est fondée à demander, à titre subsidiaire, l'indemnisation de ses préjudices comme suit :
15 000 euros au titre du manquement au devoir d'information ;
15 000 euros au titre du préjudice d'impréparation ;
59,40 euros au titre des frais divers ;
3 795 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, ;
20 000 euros au titre des souffrances endurées ;
9 240 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;
4 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent.
Par un mémoire, enregistré le 16 mai 2023, la caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes, représentée par Me Arnaud, demande à la cour de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud la somme de 34 768,48 euros au titre de ses débours avec intérêts au taux légal à compter du 6 septembre 2021, la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, et la somme de 960 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le jugement attaqué doit être confirmé en ce qu'il a fait droit à sa demande de remboursement de ses débours ;
- elle a droit au paiement de la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Par un mémoire, enregistré le 8 novembre 2023, le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud, représenté par le cabinet Pezet et associés, agissant par Me Pezet, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de la société Axa France Iard ;
2°) de mettre à la charge de la société Axa France Iard la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les clauses d'exclusion de garantie invoquées par la société Axa France Iard ne s'appliquent pas dans le cas d'espèce.
Par lettre du 9 mai 2025, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de se fonder sur le moyen relevé d'office tiré de ce que les conclusions d'appel provoqué de Mme D... sont irrecevables en l'absence d'aggravation de sa situation que l'admission de l'appel principal entraînerait pour elle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'arrêté du 15 décembre 2022 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2023 ;
- l'arrêté du 18 décembre 2023 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2024 ;
- l'arrêté du 23 décembre 2024 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2025 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la cour a désigné Mme Rigaud, présidente assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Danveau,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- les observations de Me Guillemot, représentant la société Axa France Iard, et celles de Me Thomas Aubergier, représentant le centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud.
Considérant ce qui suit :
1. Souffrant de douleurs lombalgiques persistantes, Mme D..., née le 30 décembre 1953, a été hospitalisée au service de rhumatologie du centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud (CHICAS) le 14 septembre 2015 et a été opérée le 18 septembre suivant d'une sciatique sur hernie discale. Une intervention de discectomie a à cette occasion été effectuée. En raison de la persistance des douleurs, une cimentoplastie discale a été pratiquée le 11 octobre 2015 du côté droit en L5-S1 et en L4-L5 extra-foraminale. Cependant, un scanner réalisé le 12 octobre 2015 a constaté des fuites de ciment dans les disques L4-L5 et L5-S1 et des fuites épidurales. L'intéressée a été de nouveau opérée le 17 octobre 2015 afin de libérer les deux racines L5 et d'extraire le ciment au niveau de ces racines. Souffrant de douleurs neuropathiques séquellaires et estimant que sa prise en charge au sein du CHICAS a été fautive, Mme D... a sollicité, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, une expertise. Le rapport des deux experts désignés a été remis le 3 juillet 2020. L'intéressée a ensuite saisi le CHICAS d'une demande indemnitaire préalable datée du 18 mars 2021 qui a été rejetée implicitement. Par un jugement du 10 février 2023, le tribunal administratif de Marseille a condamné le CHICAS à payer à Mme D... la somme de 23 166,40 euros en réparation des préjudices subis, et à la caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes les sommes de 34 768,48 euros au titre des débours et de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Il a par ailleurs condamné la société Axa France Iard, assureure du CHICAS, à garantir le centre hospitalier des sommes mises à sa charge. La société Axa France Iard relève appel de ce jugement en ce qu'il a fait droit à l'appel en garantie du CHICAS. Par la voie de l'appel provoqué, Mme D... demande à la cour une meilleure indemnisation de ses préjudices.
Sur l'appel principal :
En ce qui concerne la responsabilité :
2. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise établi par un neurochirurgien et un chirurgien orthopédiste, que les deux interventions subies par Mme D... les 18 septembre 2015 et 11 octobre 2015, pour lesquelles les experts soulignent en outre que la patiente n'a pas reçu l'information prévue par les dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, ne se sont pas déroulées dans des conditions conformes aux données acquises de la science médicale. D'une part, les experts notent que l'intervention de discectomie n'était ni justifiée par l'état de santé de la patiente ni par une urgence particulière, et que des examens d'imagerie complémentaires auraient dû être réalisés avant d'effectuer un geste chirurgical, eu égard aux discordances entre les résultats de l'imagerie effectuée initialement, montrant une sténose L4-L5, et les douleurs sciatiques préexistantes au niveau S1. D'autre part, les douleurs récidivantes ressenties suite à l'opération aurait dû conduire à réaliser une imagerie par résonance médicale cérébrale pour s'assurer de l'absence de complications, avant toute reprise chirurgicale. L'opération de cimentoplastie discale réalisée le 11 octobre 2015, ayant au demeurant donné lieu à un arrêt de l'injection en raison d'une fuite extra-foraminale, n'était pas indiquée, relevant d'une technique expérimentale non reconnue par la communauté médicale. Enfin, cette injection intradiscale de ciment, à l'origine de séquelles telles qu'une sciatique S1 droite et une aggravation de sa sciatique S1 gauche, a nécessité une nouvelle intervention chirurgicale, pour la réalisation d'une laminectomie L5 et l'extraction d'une partie du ciment qui avait fuité. Par suite, ces éléments, au demeurant non contestés, sont de nature à établir l'existence de fautes médicales commises par le CHICAS de nature à engager sa responsabilité et à justifier la réparation intégrale des préjudices en résultant, comme l'a retenu à bon droit le tribunal.
En ce qui concerne l'exclusion de garantie :
3. Aux termes de l'article L. 1121-1 du code de la santé publique dans sa rédaction applicable au litige : " Les recherches organisées et pratiquées sur l'être humain en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales sont autorisées dans les conditions prévues au présent livre et sont désignées ci-après par les termes " recherche biomédicale ". / (...) La personne physique ou la personne morale qui prend l'initiative d'une recherche biomédicale sur l'être humain, qui en assure la gestion et qui vérifie que son financement est prévu, est dénommée le promoteur. Celui-ci ou son représentant légal doit être établi dans l'Union européenne. Lorsque plusieurs personnes prennent l'initiative d'une même recherche biomédicale, elles désignent une personne physique ou morale qui aura la qualité de promoteur et assumera les obligations correspondantes en application du présent livre. (...) ".
4. La société Axa France Iard soutient que l'intervention de cimentoplastie discale pratiquée sur Mme D... constitue une activité de recherche biomédicale. Par voie de conséquence, elle soutient que le CHICAS n'était pas fondé à l'appeler en garantie des condamnations prononcées à son encontre par le jugement attaqué, dès lors que les stipulations du contrat d'assurance de responsabilité civile de l'établissement hospitalier prévoient une exclusion de garantie pour les dommages résultant de toute activité de promoteur de recherches, biomédicales, d'essais et d'expérimentations. Cependant, il ne résulte pas de l'instruction que l'intervention subie par Mme D... s'inscrirait dans le cadre d'une telle activité au sens des dispositions précitées du code de la santé publique, dont le chirurgien concerné aurait la qualité de promoteur, et excèderait ainsi une simple démarche individuelle de soins. La seule circonstance que le chirurgien ait fait usage d'une technique non reconnue médicalement ne peut suffire à admettre que la prise en charge de l'intéressée s'inscrirait dans le cadre de recherches, d'essais ou d'expérimentations organisés et pratiqués sur l'être humain en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales, ce qu'a, au demeurant, reconnu le jugement du tribunal judiciaire de Gap du 9 juin 2022 prononçant la relaxe du praticien au motif qu'il ne pouvait être regardé comme étant intervenu sur le terrain de la recherche biomédicale. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à invoquer, à l'encontre du CHICAS, l'application de cette clause contractuelle d'exclusion de garantie.
5. Aux termes des deux premiers alinéas de l'article 16-1 du code civil : " Chacun a droit au respect de son corps. / Le corps humain est inviolable. ". Aux termes de l'article 16-3 du même code : " Il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l'intérêt thérapeutique d'autrui. / Le consentement de l'intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de consentir. ". Aux termes de l'article L. 1111-2 du même code : " I. - Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) ". Aux termes de l'article L. 1111-4 du même code : " (...) Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment (...). ". Enfin, aux termes de l'article R. 4127-32 de ce code : " Dès lors qu'il a accepté de répondre à une demande, le médecin s'engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s'il y a lieu, à l'aide de tiers compétents. ".
6. La société AXA France Iard soutient que l'intervention de cimentoplastie discale pratiquée sur Mme D... relève d'un procédé expérimental non reconnu par la communauté scientifique et effectué sans le consentement préalable de la patiente. Par voie de conséquence, elle soutient que le CHICAS n'était pas fondé à l'appeler en garantie des condamnations prononcées à son encontre par le jugement attaqué, dès lors que les stipulations du contrat d'assurance de responsabilité civile de l'établissement hospitalier prévoient une exclusion de garantie pour les dommages résultant de " tout acte médical prohibé par la loi, lorsque ces actes sont pratiqués à la connaissance de l'assuré ". Toutefois, la pratique d'un acte médical en méconnaissance du devoir d'information de la patiente et en l'absence de consentement de cette dernière, si elle constitue une faute déontologique au sens du code de la santé publique, ne permet pas de reconnaître que l'acte médical effectué est en tant que tel prohibé par la loi. La circonstance que le chirurgien ait employé, dans le cadre des soins dispensés à sa patiente, une technique qui n'était pas validée par la communauté scientifique à la date à laquelle elle a été pratiquée, ne suffit pas davantage à établir que l'acte en cause relèverait d'une interdiction prévue par la loi, laquelle ne ressort en tout état de cause d'aucune des dispositions invoquées par la requérante, telles que celles citées au point précédent. Par suite, la société Axa France Iard n'est pas fondée à invoquer l'application de cette clause d'exclusion de garantie à raison des fautes résultant de l'intervention de cimentoplastie discale réalisée le 11 octobre 2015.
7. Présentent le caractère d'une faute personnelle détachable des fonctions, des faits qui révèlent des préoccupations d'ordre privé, qui procèdent d'un comportement incompatible avec les obligations qui s'imposent dans l'exercice de fonctions publiques ou qui, eu égard à leur nature et aux conditions dans lesquelles ils ont été commis, revêtent une particulière gravité. En revanche ni la qualification retenue par le juge pénal ni le caractère intentionnel des faits retenus contre l'intéressé, ne suffisent, par eux-mêmes, à regarder une faute comme étant détachable des fonctions.
8. La requérante se prévaut de la clause contractuelle du contrat d'assurance conclu avec le CHICAS, prévoyant l'exclusion de la garantie pour les conséquences de toute faute détachable du service, lorsque celle-ci est déclarée comme telle par les juridictions administratives ou judiciaires compétentes. Toutefois, s'il résulte des éléments qui précèdent que le chirurgien en cause a commis une faute personnelle en employant une technique expérimentale non reconnue par la communauté médicale, et a été interdit d'exercer temporairement ses fonctions en raison des manquements déontologiques qui lui étaient reprochés à ce sujet, cette faute a été commise dans l'exercice de ses fonctions de médecin du CHICAS à l'occasion des soins apportés à sa patiente. Ainsi, et alors même qu'elle serait détachable du service assuré par l'établissement hospitalier, elle n'est pas dépourvue de tout lien avec le service et est, ainsi qu'il est décrit au point 2, de nature à engager la responsabilité du CHICAS. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Marseille n'a pas retenu cette clause d'exclusion de garantie prévue au contrat d'assurance liant la société Axa France Iard au CHICAS.
9. Il suit de là que la société Axa France Iard n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à garantir intégralement le CHICAS du paiement des sommes mises à sa charge.
10. Eu égard à ce qui précède, les conclusions présentées à titre subsidiaire par la société Axa France Iard, tendant à ce que celle-ci ne soit condamnée à garantir que la somme de 5 042,50 euros ou, à défaut, de 11 583,20 euros, correspondant aux conséquences des seuls dommages en lien avec l'intervention de discectomie du 18 septembre 2015, ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les droits de la caisse :
11. La caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes produit un relevé de ses débours et une attestation d'imputabilité du médecin conseil du service médical des Bouches-du-Rhône, détaillant l'ensemble des dépenses de santé assurées pour le compte de Mme D... avant et après la consolidation de son état de santé fixée au 13 décembre 2016, pour un montant total de 34 768,48 euros. La société Axa France Iard se limite à contester une partie de ces dépenses, à savoir les frais d'hospitalisation du 14 septembre 2015 au 22 septembre 2015 d'un montant de 9 120 euros et les dépenses de soins exposées postérieurement à la consolidation de l'état de santé de Mme D..., d'un montant de 3 974,80 euros, en soutenant qu'elles ne sont pas imputables aux fautes commises par le CHICAS. Toutefois, et si l'expert note que Mme D... souffrait de lombalgies et d'une sciatique S1 gauche d'évolution chronique avant son hospitalisation le 14 septembre 2015 au CHICAS, celui-ci relève, ainsi qu'il a été dit, que l'intervention de discectomie pratiquée le 17 septembre suivant n'était ni justifiée par l'état de santé de la patiente ni par une urgence particulière. L'opération n'a en tout état de cause abouti à aucun résultat clinique satisfaisant, la patiente ayant été de nouveau hospitalisée le 9 octobre 2015 et sa sciatique S1 gauche s'étant aggravée dans les suites de la seconde opération subie le 11 octobre de la même année. Par ailleurs, les dépenses de santé exposées postérieurement à la consolidation de l'état de santé de Mme D..., consistant en plusieurs consultations médicales, des frais d'appareillage, d'imagerie médicale, d'électromyogramme, de kinésithérapie, et d'hospitalisation, doivent être regardées comme étant en lien avec les interventions chirurgicales fautives subies au CHICAS, lesquelles ont entraîné des séquelles telles qu'une sciatique S1 droite et une aggravation de sa sciatique S1 gauche.
Le rapport d'expertise décrit à cet égard le parcours de soins suivi par Mme D... postérieurement au 13 décembre 2016, soulignant les douleurs lombaires persistantes et les chirurgies proposant notamment l'ablation de ciment. Au vu de l'ensemble de ces éléments, la société Axa France Iard n'est pas fondée à soutenir, à titre subsidiaire, que la caisse commune de sécurité sociale ne peut prétendre au remboursement de ses débours d'un montant de 9 120 euros et de 3 974,80 euros et qu'elle ne saurait être appelée à garantir le CHICAS du paiement de ces sommes.
12. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de confirmer la somme, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 septembre 2021, de 34 768,48 euros retenue par les premiers juges mise à la charge du CHICAS au titre de l'ensemble des débours exposés pour la prise en charge fautive de Mme D.... Il y a, par ailleurs, lieu de confirmer la condamnation de la société Axa France Iard à garantir l'établissement hospitalier à hauteur de ce montant.
13. Le jugement attaqué du tribunal administratif, qui a fixé à 34 768,48 euros le montant des indemnités dues à la caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes au titre des prestations versées à Mme D..., a accordé à la caisse, au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, la somme de 1 162 euros correspondant au plafond fixé par l'arrêté du 15 décembre 2022 alors en vigueur. Si ce plafond a été réévalué par la suite par des arrêtés du 18 décembre 2023 et du 23 décembre 2024, la caisse ne peut prétendre à une augmentation du montant de l'indemnité forfaitaire de gestion dès lors qu'elle ne prétend pas, dans ses conclusions, à la majoration des sommes qui lui sont dues au titre des prestations versées à Mme D....
Sur les conclusions d'appel provoqué de Mme D... :
14. Les conclusions de Mme D... tendant, à titre principal, à la désignation d'un nouvel expert, à titre subsidiaire, à la condamnation du CHICAS à lui payer une indemnité d'un montant total de 67 094,40 euros ont été présentées après l'expiration du délai d'appel. Ces conclusions d'appel provoqué ne peuvent ainsi être recevables qu'au cas et dans la mesure où la décision prise sur l'appel principal de la société Axa France Iard aurait pour effet d'aggraver la situation de Mme D.... Or, il résulte de ce qui précède que l'appel principal de la société Axa France Iard a été rejeté et que la situation de Mme D... n'est pas aggravée par le présent arrêt. Il s'ensuit que les conclusions d'appel provoqué de Mme D... dirigées contre le CHICAS sont irrecevables et doivent, par suite et en tout état de cause, être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
15. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge définitive du CHICAS les frais d'expertise du docteur C... et du docteur B..., respectivement liquidés et taxés aux sommes de 1 163,88 euros et de 800 euros par ordonnances du président du tribunal du 23 septembre 2020.
16. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E
Article 1er : La requête de la société Axa France Iard est rejetée.
Article 2 : Le surplus des conclusions de Mme D..., de la caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes et du centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Axa France Iard, au centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud, à la caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes et à Mme A... D....
Copie en sera adressée à M. C... et à M. B..., experts.
Délibéré après l'audience du 12 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Rigaud, présidente assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Mahmouti, premier conseiller,
- M. Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 juin 2025.
N° 23MA00752