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23/06/2025 | FRANCE | N°24MA03278

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 23 juin 2025, 24MA03278


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :





M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 22 décembre 2017 par laquelle le maire d'Auriol a rejeté sa demande tendant au rétablissement de la circulation publique sur le chemin de Vède aux Estiennes et, d'autre part, d'enjoindre à la commune d'Auriol de rétablir l'assiette intégrale du chemin jusqu'à son extrémité et sa jonction avec le chemin des Estiennes, ainsi que d'autoriser le passage sur la to

talité de ce chemin, de le remettre en état pour permettre le passage des véhicules à moteur et de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 22 décembre 2017 par laquelle le maire d'Auriol a rejeté sa demande tendant au rétablissement de la circulation publique sur le chemin de Vède aux Estiennes et, d'autre part, d'enjoindre à la commune d'Auriol de rétablir l'assiette intégrale du chemin jusqu'à son extrémité et sa jonction avec le chemin des Estiennes, ainsi que d'autoriser le passage sur la totalité de ce chemin, de le remettre en état pour permettre le passage des véhicules à moteur et de remplacer le panneau de signalisation installé à l'entrée du chemin des Estiennes qui n'est pas conforme à sa dénomination.

Par un jugement n° 1801537 du 16 avril 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 20MA02011 du 23 septembre 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M. D..., d'une part, annulé ce jugement et la décision du 22 décembre 2017 du maire d'Auriol et, d'autre part, enjoint au maire d'Auriol de faire usage de ses pouvoirs de police afin de rétablir la circulation sur le chemin rural au droit des parcelles cadastrées n° 110, 54, 55 et 60, dans un délai de deux mois.

Par une décision n° 469108, 469129 du 20 décembre 2024, le Conseil d'Etat, saisi de pourvois, d'une part, de la commune d'Auriol et, d'autre part, de M. et Mme C..., propriétaires des parcelles cadastrées n° 110, 54, 55 et 60, a annulé l'arrêt précité de la Cour du 23 septembre 2022 et lui a renvoyé l'affaire.

Procédure après renvoi de cassation :

Par un mémoire enregistré le 29 janvier 2025, la commune d'Auriol, représentée par Me Guillet, demande à la Cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête de M. D... ;

2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer après avoir adressé au juge judiciaire une question préjudicielle ;

3°) de mettre à la charge de M. D... le paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- M. D... n'a pas d'intérêt pour agir ;

- le chemin litigieux est un chemin d'exploitation sur lequel le maire n'a aucun pouvoir de police et non un chemin rural.

Par mémoires enregistrés les 22 avril 2025 et 5 mai 2025, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. B... D..., représenté par Me Boulisset, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1801537 du 16 avril 2020 du tribunal administratif de Marseille, ensemble la décision du maire de la commune d'Auriol du 22 décembre 2017 ;

2°) d'enjoindre au maire de la commune d'Auriol de rétablir l'assiette intégrale du chemin rural jusqu'à son extrémité située sur la parcelle cadastrée CV 110 en procédant à l'élimination de tout obstacle empêchant la circulation sur ce chemin et en respectant une zone de recul, de procéder à la remise en état du chemin de manière à en permettre le passage en véhicule à moteur, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Auriol le paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le chemin litigieux est un chemin rural.

Par un mémoire enregistré le 23 avril 2025, M. A... C... et Mme F... C..., représentés par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, demandent à la Cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête de M. D... ;

2 °) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer après avoir adressé au juge judiciaire une question préjudicielle ;

3°) de mettre à la charge de M. D... le paiement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que le chemin litigieux est un chemin d'exploitation.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vincent,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Boulisset pour M. D....

Considérant ce qui suit :

1. Par une lettre en date du 28 janvier 2013, M. D... a présenté au maire de la commune d'Auriol une demande tendant au rétablissement de la circulation publique sur une portion de chemin qu'il considère comme faisant partie du chemin de Vède aux Estiennes, située sur le territoire de ladite commune. Un refus lui a été opposé le 31 janvier 2013. M. D... a demandé au tribunal administratif de Marseille l'annulation de cette décision. Par un jugement n° 1302419 en date du 15 octobre 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 15MA04912 du 27 octobre 2017, la cour administrative d'appel de Marseille, d'une part, a annulé la décision du 31 janvier 2013 du maire de la commune ainsi que le jugement précité du tribunal de Marseille, et d'autre part, enjoint à la commune de procéder au réexamen de la demande de M. D.... Par une décision du 22 décembre 2017, le maire de la commune a rejeté une nouvelle fois la demande de M. D.... Par un jugement n° 1801537 du 16 avril 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les conclusions de M. D... tendant à l'annulation de la décision du 22 décembre 2017 et à ce qu'il soit enjoint à la commune d'Auriol de rétablir l'assiette intégrale du chemin rural jusqu'à son extrémité, soit la parcelle 110, et sa jonction avec le chemin des Estiennes, de permettre le passage sur le chemin litigieux jusqu'à son extrémité, de remettre en état le chemin pour permettre le passage des véhicules à moteur et de remplacer le panneau de signalisation installé à l'entrée du chemin des Estiennes qui ne serait pas conforme à sa dénomination. Par un arrêt n° 20MA02011 du 23 septembre 2022 la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M. D..., d'une part, annulé ce jugement et la décision du 22 décembre 2017 du maire d'Auriol et, d'autre part, enjoint au maire d'Auriol de faire usage de ses pouvoirs de police afin de rétablir la circulation sur le chemin rural au droit des parcelles cadastrées n° 110, 54, 55 et 60, dans un délai de deux mois. Par une décision n° 469108, 469129 du 20 décembre 2024, le Conseil d'Etat, saisi de pourvois, d'une part, de la commune d'Auriol et, d'autre part, de M. et Mme C..., propriétaires des parcelles cadastrées n° 110, 54, 55 et 60, a annulé l'arrêt précité de la Cour du 23 septembre 2022 et lui a renvoyé l'affaire.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune. " Selon l'article L. 161-2 du même code : " L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale. (...) ". En vertu de l'article L. 161-3 du même code : " Tout chemin affecté à l'usage du public est présumé, jusqu'à preuve du contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé ". L'article L. 161-4 du même code dispose : " Les contestations qui peuvent être élevées par toute partie intéressée sur la propriété ou sur la possession totale ou partielle des chemins ruraux sont jugées par les tribunaux de l'ordre judiciaire ". Enfin, selon l'article L. 161-5 du même code : " L'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 162-1 du même code : " Les chemins et sentiers d'exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds, ou à leur exploitation. Ils sont, en l'absence de titre, présumés appartenir aux propriétaires riverains, chacun en droit soi, mais l'usage en est commun à tous les intéressés. L'usage de ces chemins peut être interdit au public " et, en vertu de l'article L. 162-5 de ce code : " Les contestations relatives à la propriété et à la suppression des chemins et sentiers d'exploitation ainsi que les difficultés relatives aux travaux prévus à l'article L. 162-2 sont jugées par les tribunaux de l'ordre judiciaire ".

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le litige porte sur une fraction de chemin reliant le chemin des Estiennes, au sud-ouest, et le chemin de Vède aux Estiennes, au nord, traversant le hameau des Estiennes et longeant à l'ouest les parcelles cadastrées n° 54, 55 et 110 appartenant à M. et Mme C.... La fraction de chemin litigieux passe, plus précisément, au sud de la bastide des Estiennes, forme un coude vers l'ouest puis descend vers le sud, à l'ouest des parcelles n° 55, 54 et 110 pour rejoindre le chemin des Estiennes. Il suit de là que le chemin litigieux n'est pas le chemin de Vède aux Estiennes qui, dans le cadre d'un contentieux entre l'association des usagers du chemin rural de Vède aux Estiennes et la commune d'Auriol, avait été qualifié de chemin rural par jugement du tribunal de grande instance de Marseille en date du 26 octobre 1988, dont M. D... n'est, dès lors, pas fondé à se prévaloir. Par ailleurs, les plans cadastraux produits ne constituent qu'un indice à défaut d'être une preuve irréfragable de la propriété.

4. En deuxième lieu, il résulte de la lecture combinée d'un arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en Provence en date du 17 janvier 2012, confirmé par la Cour de cassation le 17 décembre 2013, nouvellement produits après renvoi de cassation, ainsi que d'un arrêt de la même Cour rendu le 27 septembre 2006, auquel le premier se réfère, et confirmé également par la Cour de cassation le 6 février 2008, qu'en 1993, M. et Mme E..., qui étaient alors propriétaires des parcelles n° 55, 54 et 110 ont, après avoir obtenu l'accord des propriétaires riverains, modifié l'assiette du chemin tel qu'il était alors positionné à l'ouest des parcelles pour le déplacer à l'est de celles-ci, ce qui permettait ainsi de relier le chemin des Vèdes aux Estiennes au nord au chemin de la fontaine de Ravel au sud-est. Il en résulte également que la Cour d'appel d'Aix, après avoir relevé que le chemin situé à l'ouest des parcelles litigieuses avait pour but exclusif de permettre, aux termes d'un acte de partage du 22 août 1811, la communication entre divers fonds appartenant aux membres d'une même famille, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime, a qualifié celui-ci de chemin d'exploitation et a rejeté les conclusions présentées devant elle tendant à ce que le chemin soit rétabli à l'ouest sur son ancienne assiette. Il suit de là, sans qu'il soit, par suite, besoin de saisir le juge judiciaire d'une question préjudicielle, que la question de la propriété du chemin litigieux a été définitivement tranchée par le juge judiciaire, lequel a jugé que celui-ci devait être qualifié de chemin d'exploitation appartenant, dès lors, aux différents propriétaires riverains, cette qualification excluant celle de chemin rural.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la commune d'Auriol, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a refusé de qualifier le chemin litigieux de chemin rural et a, en conséquence, rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de la décision du 22 décembre 2017 ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce que le maire de la commune exerce son pouvoir de police sur ledit chemin.

Sur les frais d'instance :

6. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par M. D... doivent, dès lors, être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. D... le paiement de la somme globale de 2 000 euros qui sera versée pour moitié à la commune d'Auriol et pour l'autre moitié à M. et Mme C... en application des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : M. D... versera la somme de 1 000 euros à la commune d'Auriol et celle de 1 000 euros à M. et Mme C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à la commune d'Auriol, à M. A... C... et à Mme F... C....

Délibéré après l'audience du 4 juin 2025, où siégeaient :

- M. Duchon-Doris, président de la Cour,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Poullain, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 juin 2025.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA03278
Date de la décision : 23/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

71-02-01-05 Voirie. - Régime juridique de la voirie. - Entretien de la voirie. - Voies privées.


Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : BOULISSET

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-23;24ma03278 ?
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