Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 27 juin 2022 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté le recours gracieux présenté à l'encontre de la décision du 14 octobre 2021 refusant de faire droit à sa demande de regroupement familial au bénéfice de son époux, M. A... B....
Par un jugement n° 2203872 du 11 juin 2024, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande regardée comme dirigée contre les deux décisions, des 14 octobre 2021 et 27 juin 2022.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 juillet 2024, Mme C... représentée par Me Rossler, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 11 juin 2024 ;
2°) d'annuler la décision du préfet des Alpes-Maritimes du 27 juin 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, à titre principal, de faire droit à sa demande de regroupement familial au bénéfice de son époux, et subsidiairement, de procéder à un nouvel examen de sa demande, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif a méconnu le principe du contradictoire en lui opposant un défaut de justification de ses ressources, alors que le préfet ne conteste pas, dans la décision attaquée, la suffisance de celles-ci ;
- la décision du 27 juin 2022, par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté le recours gracieux dirigé à l'encontre de la décision du 14 octobre 2021, se substitue à cette dernière ;
- le préfet ne conteste pas qu'elle satisfait aux conditions de ressources et de logement applicables ;
- sa décision est entachée d'une erreur de fait dès lors que, contrairement à ce qu'il mentionne, son époux ne réside pas en France.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Poullain a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., de nationalité ukrainienne, séjourne régulièrement en France sous couvert d'une carte de résident de longue durée valable jusqu'au 19 avril 2027. Elle relève appel du jugement du 11 juin 2024, par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande regardée comme dirigée contre la décision du 14 octobre 2021 du préfet des Alpes-Maritimes refusant de faire droit à sa demande de regroupement familial au bénéfice de son époux, M. A... B..., de nationalité russe, ensemble la décision du 27 juin 2022 rejetant son recours gracieux.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l'encontre d'une décision administrative un recours gracieux devant l'auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. L'exercice du recours gracieux n'ayant d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d'un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l'autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s'il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d'interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale.
3. Il résulte de ce qui précède que Mme C... doit être regardée comme ayant demandé au tribunal, ainsi que ce dernier l'a jugé, et comme demandant à la cour statuant par la voie de l'effet dévolutif, d'annuler, outre la décision du 27 juin 2022 portant rejet de son recours gracieux, la décision du 14 octobre 2021.
4. Aux termes de l'article L. 434-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial : / 1° Par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 434-6 du même code : " Peut être exclu du regroupement familial : / (...) / 3° Un membre de la famille résidant en France ". Aux termes de l'article L. 434-7 de ce code : " L'étranger qui en fait la demande est autorisé à être rejoint au titre du regroupement familial s'il remplit les conditions suivantes : / 1° Il justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille ; / (...) ". Aux termes de l'article R. 434-4 : " Pour l'application du 1° de l'article L. 434-7, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : / 1° Cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes ; / (...) ".
5. Le préfet des Alpes-Maritimes a motivé sa décision du 14 octobre 2021 par la circonstance que Mme C... ne justifiait que de revenus mensuels d'un montant de 1 113,15 euros brut, inférieur au minimum exigé de 1 531,84 euros brut pour une famille de trois personnes. Il n'est toutefois pas contesté que le couple dispose, même sur la seule période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, outre des revenus d'activité, des revenus locatifs, tirés de propriétés en France et en Russie, dépassant le seuil ainsi indiqué. Le préfet n'oppose d'ailleurs plus cette condition dans sa décision du 27 juin 2022.
6. S'il a considéré, dans cette dernière décision, que la résidence en France de M. B... faisait obstacle à son admission au bénéfice du regroupement familial, il ressort des pièces du dossier, notamment de la carte de résident polonaise de ce dernier valable du 13 juillet 2021 au 31 mai 2024, de son contrat de travail à durée indéterminée conclu le 12 février 2021 et de son logement sur place par son employeur, que l'intéressé résidait en Pologne à la date des décisions attaquées.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet a entaché ses décisions d'erreurs de fait et d'appréciation. Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué, Mme C... est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
8. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard aux motifs qui fondent l'annulation des décisions attaquées, sauf changement dans les circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, qu'il soit fait droit à la demande de Mme C.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes d'admettre M. B... au bénéfice du regroupement familial dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au bénéfice de Mme C... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 11 juin 2024 et les décisions du préfet des Alpes-Maritimes des 14 octobre 2021 et 27 juin 2022 sont annulées.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes d'admettre M. B... au bénéfice du regroupement familial dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Mme C... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 4 juin 2025, où siégeaient :
- M. Duchon-Doris, président de la cour,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 juin 2025.
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N° 24MA01703
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