Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... A... E... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 4 novembre 2021, par laquelle la ministre des armées a rejeté le recours administratif préalable obligatoire formé à l'encontre de la décision n° 4957 datée du 12 avril 2021, portant octroi d'un congé de longue durée pour maladie sans reconnaissance du lien au service pour une cinquième période, d'enjoindre au ministre des armées de réexaminer sa demande et de reconnaître le lien au service de son affection et de prendre une nouvelle décision d'attribution de congé de longue durée pour maladie en lien avec le service et de régulariser sa situation pour l'ensemble des autres décisions de placement et renouvellement de congé de longue durée pour maladie, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2103252 du 14 mai 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ces demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 8 juillet 2024 et le 28 novembre 2024, M. A... E..., représenté par Me Maumont, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 14 mai 2024 ;
2°) d'annuler la décision du 4 novembre 2021, par laquelle la ministre des armées a rejeté le recours administratif préalable obligatoire formé à l'encontre de la décision n° 4957 datée du 12 avril 2021 ;
3°) d'enjoindre au ministre des armées de réexaminer sa demande, de reconnaître le lien au service de son affection, de prendre une nouvelle décision d'attribution de congé de longue durée pour maladie en lien avec le service et de régulariser sa situation pour l'ensemble des autres décisions de placement et renouvellement de congé de longue durée pour maladie ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- son état anxiodépressif est en lien direct avec le service ; sa maladie est survenue dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions ; en l'absence d'antécédents, la pathologie doit être regardée comme trouvant son origine dans le service ;
- les éléments médicaux versés au dossier permettent d'établir le lien entre sa maladie et sa situation professionnelle ; il a fait l'objet de mesures injustifiées entre 2014 et 2018, dont l'accumulation a provoqué sa pathologie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2025, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une lettre en date du 8 avril 2025, la Cour a informé les parties qu'il était envisagé d'inscrire l'affaire à une audience qui pourrait avoir lieu entre le 15 mai et le 10 juillet 2025, et que l'instruction était susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance à compter du 29 avril 2025.
Un avis d'audience portant clôture immédiate de l'instruction a été émis le 16 mai 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Point, rapporteur,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de M. A... E....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... E... est médecin militaire des armées. Il détient le grade de médecin principal depuis le 1er août 2011. Le 27 février 2019, il a été placé en congé de longue durée pour maladie, congé renouvelé plusieurs fois ensuite. Par une décision du 12 avril 2021, le congé de longue durée pour maladie de M. A... E... a été prolongé pour une cinquième période de six mois, du 27 février 2021 au 26 août 2021. M. A... E... a contesté cette décision en tant qu'elle ne reconnaissait pas l'imputabilité au service de sa maladie. Le 4 novembre 2021, la ministre des armées a rejeté le recours administratif préalable obligatoire présenté par l'intéressé devant la commission des recours des militaires. Par un jugement du 14 mai 2024, dont M. A... E... relève appel, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande tendant à l'annulation de la décision du 4 novembre 2021.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 4138-12 du code de la défense : " Le congé de longue durée pour maladie est attribué, après épuisement des droits de congé de maladie ou des droits du congé du blessé prévus aux articles L. 4138-3 et L. 4138-3-1, pour les affections dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. / Lorsque l'affection survient du fait ou à l'occasion de l'exercice des fonctions ou à la suite de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ce congé est d'une durée maximale de huit ans. Le militaire perçoit, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, sa rémunération pendant cinq ans, puis une rémunération réduite de moitié les trois années qui suivent. ". Aux termes de l'article R. 4138-47 du code de la défense : " Le congé de longue durée pour maladie est la situation du militaire, qui est placé, au terme de ses droits à congé de maladie ou de ses droits à congé du blessé, dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions pour l'une des affections suivantes : 1° Affections cancéreuses ; 2° Déficit immunitaire grave et acquis ;3° Troubles mentaux et du comportement présentant une évolution prolongée et dont le retentissement professionnel ou le traitement sont incompatibles avec le service ". Aux termes de l'article R. 4138-48 du même code : " Le congé de longue durée pour maladie est attribué, sur demande ou d'office, dans les conditions fixées à l'article L. 4138-12, par décision du ministre de la défense, ou du ministre de l'intérieur pour les militaires de la gendarmerie nationale, sur le fondement d'un certificat médical établi par un médecin des armées, par périodes de six mois renouvelables ". Aux termes de l'article L. 713-12 du code de la sécurité sociale : " Lorsqu'une décision entrainant des conséquences statutaires ou disciplinaires pour un militaire doit être prise après avis d'un médecin, cet avis ne peut être émis que par un médecin des armées relevant des dispositions de l'article L. 4138-2 ou de l'article L. 4211-1 du code de la défense. (...) ".
3. Une maladie contractée par un militaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel du militaire ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... E... souffre de troubles anxiolytiques qui l'ont empêché d'exercer ses fonctions et qui sont à l'origine de son placement en congés de longue durée pour maladie à compter du 27 février 2019. Le rapport rendu le 20 février 2019 par le médecin principal des armées, le docteur B..., indique que les troubles dont souffre M. A... E... sont apparus à compter du mois de janvier 2018.
5. En premier lieu, M. A... E... soutient que des griefs ont été formulés à son égard dans le cadre de sa notation pour l'année 2014 et qu'un désaccord avec le directeur de l'Ecole du Val de Grâce est survenu en 2015. Toutefois, ces événements sont éloignés dans le temps de l'apparition des troubles anxiodépressifs relevés par le médecin principal des armées. Si le requérant fait également valoir qu'il n'a pas eu l'opportunité de présenter sa candidature pour un poste de chef de service à l'été 2017, il n'apporte aucun élément permettant d'établir qu'il en aurait été empêché. Par suite, le lien direct entre de tels évènements et la pathologie de M. A... E... n'est pas établi.
6. En second lieu, M. A... E... soutient qu'il a eu des relations conflictuelles avec sa hiérarchie, d'une intensité croissante à compter de l'année 2018. Il ressort des pièces du dossier, notamment des rapports médicaux successifs établis à compter du 5 décembre 2018 par le médecin principal des armées, le docteur B..., que M. A... E... a décrit ses symptômes comme résultant des tensions rencontrées sur son lieu de travail. Le médecin principal des armées a ainsi indiqué que l'intéressé souffrait de " troubles anxiodépressifs dans un contexte de conflits majeurs avec la hiérarchie ". Toutefois, dans chacun des rapports établis entre février 2019 et janvier 2021, le médecin principal des armées a conclu à l'absence de " lien présumé " avec le service. Ces rapports médicaux, qui transcrivent les propos de M. A... E... concernant l'existence de difficultés relationnelles, ne se prononcent pas sur les conditions de travail de l'intéressé ou la qualité de l'environnement professionnel dans lequel il exerçait ses fonctions. Le certificat médical établi par le Dr D... le 21 octobre 2024, qui évoque seulement " un lien potentiel entre l'affection (...) et l'exercice des fonctions ", n'a pas un caractère probant concernant l'existence d'un environnement professionnel conflictuel. Par ailleurs, M. A... E... fait état de plusieurs désaccords avec sa hiérarchie, qu'il a exposés en portant des annotations sur son bulletin de notation pour l'année 2019. Ces désaccords concernent notamment des refus de congés qui lui auraient été opposés au cours de l'année 2018, les conditions d'exercice des vacations au centre de vaccinations internationales de l'hôpital de la Croix-Rousse à Lyon en 2018, ou encore le refus de lui accorder une autorisation pour siéger au collège Santé du Comité de suivi des autorisations de mise sur le marché de l'ANSES. Toutefois, le ministre des armées fait valoir, sans être utilement contredit sur ce point, que l'intéressé avait sollicité deux mois de permission grâce aux jours de permission non pris en 2017, et qu'au regard de la longueur de la permission demandée, la décision de refus avait été prise dans l'intérêt du service. Concernant le différend relatif aux vacations, M. A... E... invoque une réprimande qu'il aurait subie de la part de son supérieur hiérarchique, M. C..., lors du premier semestre 2018. Toutefois, la réalité de cet événement est contestée par le ministre des armées et les allégations de M. A... E... concernant ces faits ne sont appuyées par aucun témoignage, alors même que l'échange aurait eu lieu devant un autre collègue. En tout état de cause, les désaccords professionnels exposés par M. A... E..., même accumulés, ne permettent pas de caractériser une situation conflictuelle majeure ou un environnement professionnel dégradé au sein du service. Enfin, si M. A... E... fait état d'une mesure de rétrogradation dont il aurait fait l'objet en 2018, il ressort des pièces du dossier, en particulier du feuillet d'observations annexé au bulletin de notation d'officier pour l'année 2019, que le requérant a occupé à compter du 12 septembre 2017 des fonctions de chef de l'unité fonctionnelle de vaccination, appelée " service " dans l'organisation interne, mais non la fonction de chef de service. Par suite, sa désignation en qualité de chef d'unité fonctionnelle dans une note de service du 21 septembre 2018 et sur son bulletin de notation pour l'année 2019 n'ont pas eu, contrairement à ce qu'il affirme, le caractère d'une rétrogradation. Dans ces conditions, les éléments exposés par M. A... E... ne sont pas de nature à faire présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral ou à caractériser un contexte professionnel de nature à susciter le développement des troubles anxiodépressifs qui ont justifié son placement en congé de longue durée pour maladie. Ainsi, quand bien même M. A... E... n'aurait aucun antécédent psychiatrique, de telles circonstances ne permettent pas d'établir que sa pathologie présenterait un lien direct avec l'exercice de ses fonctions ou avec ses conditions de travail.
7. Il résulte de ce qui précède que M. A... E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... E... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A... E... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 4 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Duchon-Doris, président de la Cour,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- M. Point, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 juin 2025.
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N° 24MA01742