Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... D... épouse A... et M. B... A... ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les arrêtés du 15 janvier 2024 et du 8 février 2024 par lesquels le préfet des Alpes-Maritimes leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination des mesures d'éloignement.
Par deux jugements n° 2401906 et n° 2401907 du 18 juillet 2024, le tribunal administratif de Nice a rejeté les deux demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 6 novembre 2024, sous le numéro 24MA02744, Mme D... épouse A..., représentée par Me Almairac, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2401907 du 18 juillet 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 février 2024 du préfet des Alpes-Maritimes ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur les moyens tirés de ce que l'arrêté est dépourvu de base légale et est entaché d'erreurs de fait ;
- l'arrêté n'est pas suffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- l'arrêté est fondé sur des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne lui sont pas applicables et est dépourvu de base légale ;
- il est entaché d'erreurs de fait ;
- il méconnaît les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les dispositions de la circulaire " Valls " du 28 novembre 2012 ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.
La demande d'aide juridictionnelle de Mme D... épouse A... a été rejetée par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 27 septembre 2024.
II. Par une requête, enregistrée le 6 novembre 2024, sous le numéro 24MA02745, M. A..., représenté par Me Almairac, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2401906 du 18 juillet 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2024 du préfet des Alpes-Maritimes ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il développe les mêmes moyens que ceux présentés par Mme D... dans l'instance n° 24MA02744.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.
La demande d'aide juridictionnelle de M. A... a été rejetée par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 27 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Danveau.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes enregistrées sous les numéros 24MA02744 et 24MA02745 sont relatives à la situation d'un couple au regard de son droit au séjour et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a dès lors lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
2. Mme D... épouse A..., et M. A..., de nationalité moldave, nés respectivement les 18 juin 1986 et 25 février 1988, et entrés en France en 2018 selon leurs déclarations, ont sollicité leur admission exceptionnelle au séjour. Par deux arrêtés du 15 janvier 2024 et du 8 février 2024, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de faire droit à leur demande, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être reconduits d'office. Ceux-ci relèvent appel des deux jugements du 18 juillet 2024 par lesquels le tribunal administratif de Nice a rejeté leurs requêtes dirigées contre ces arrêtés.
Sur la régularité des jugements :
3. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le tribunal a répondu, aux points 3 des jugements attaqués, au moyen tiré de ce que les arrêtés du préfet des Alpes-Maritimes sont dépourvus de base légale en ce qu'ils visent certaines dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile inapplicables à leur situation. De même, les premiers juges ont répondu, aux points 5 des jugements, au moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de fait dans l'examen de la situation professionnelle des intéressés. En conséquence, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les jugements seraient entachés d'omissions à statuer.
Sur le bien-fondé des jugements :
4. Les décisions en cause comportent, contrairement à ce qui est soutenu, les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement et sont ainsi suffisamment motivées en application des articles L. 211-2 et suivants du code des relations entre le public et l'administration. Alors que le préfet n'est pas tenu de mentionner tous les éléments relatifs à la situation de l'étranger auquel il est refusé la délivrance d'un titre de séjour et fait obligation de quitter le territoire français, ces arrêtés, pris notamment au visa de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, de l'article L. 435-1 et du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comportent l'ensemble des considérations de droit qui en constituent le fondement, sans qu'ait d'incidence la circonstance que sont également mentionnées des dispositions du même code inapplicables à leur situation. Les arrêtés comportent également l'ensemble des éléments de fait relatifs à leur situation, notamment leur entrée en France en 2018 selon leurs déclarations, les demandes d'admission exceptionnelle au séjour déposées par chacun des requérants au titre de la vie privée et familiale et du travail, leur situation maritale, la fille majeure de Mme D... épouse A..., l'absence d'insertion professionnelle suffisante et la circonstance que les intéressés n'établissent pas être dépourvus d'attaches familiales dans leur pays d'origine. Cette motivation révèle par ailleurs, quel qu'en soit le bien-fondé, et en dépit de l'absence d'éléments sur leur fille née quelques mois avant l'édiction des arrêtés contestés et sur la présence de membres de leur famille en France, que le préfet des Alpes-Maritimes a procédé à un examen particulier de la situation des requérants. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de ces arrêtés et du défaut d'examen particulier de la situation des intéressés doivent être écartés.
5. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, le moyen tiré de ce que les arrêtés attaqués seraient dépourvus de base légale au motif qu'ils visent deux dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier les articles L. 412-5 et L. 431-2, inapplicables à la situation des requérants, doit être écarté.
6. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".
7. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 435-1, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifie d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
8. Mme D... épouse A... et M. A... soutiennent qu'ils sont entrés sur le territoire français le 1er février 2018, qu'ils résident ainsi de manière continue en France depuis six ans, qu'ils ont eu un enfant né en octobre 2023 à Nice et ne disposent plus d'attaches familiales en Moldavie. Toutefois, les requérants, qui ne démontrent pas, au vu des seuls passeports produits, être entrés régulièrement sur le territoire français, se sont maintenus irrégulièrement sur le territoire national sans solliciter de titre de séjour avant le 25 juillet 2023 pour M. A... et le 9 février 2023 pour son épouse. S'il ressort des pièces du dossier que la mère et la sœur de Mme D... épouse A..., de nationalité roumaine, sont présentes sur le territoire français ainsi que sa fille majeure née en 2001 d'un précédent mariage, et que la sœur de M. A... est titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en octobre 2026, une telle situation ne permet ni d'établir que les requérants seraient dépourvus d'attaches familiales dans leur pays d'origine ni de considérer que leur admission exceptionnelle au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels. S'agissant de l'insertion professionnelle, les intéressés justifient travailler, depuis août 2018 pour la requérante et janvier 2019 pour son époux, en qualité d'agents de service auprès de la société Ambra, sous couvert de contrats de travail à durée indéterminée. S'il ressort des pièces du dossier que des formulaires de demande d'autorisation de travail, dont un seul est daté au 22 juillet 2021, ont été établis et signés par leur employeur, les requérants, dont les demandes de titre de séjour ont été présentées en 2023, n'apportent toutefois aucune preuve de ce qu'un de ces formulaires aurait été transmis aux services du préfet. De surcroît, le parcours professionnel tel que décrit, pour méritoire qu'il soit, n'est cependant pas de nature à révéler l'existence de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les emplois occupés en qualité d'agent de service ne comportant notamment pas de spécificité particulière. Compte tenu de ces éléments, le préfet des Alpes-Maritimes a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation et d'erreurs de fait, considérer que ni la situation personnelle, ni la situation professionnelle des requérants ne révélaient l'existence de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires de nature à leur ouvrir droit au séjour sur le fondement des dispositions précitées.
9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, les moyens tirés, d'une part, de ce que les décisions contestées méconnaîtraient les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'autre part, de ce que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation des intéressés doivent être écartés.
11. Les requérants ne peuvent utilement se prévaloir, à l'encontre des décisions en litige, des termes de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur, laquelle, relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, se borne à énoncer des orientations générales que le ministre de l'intérieur a adressées aux préfets pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation.
12. Aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
13. Aucun élément ne fait obstacle à ce que l'enfant des requérants, âgée de moins d'un an à la date des décisions attaquées, accompagne ses parents en Moldavie et y effectue sa scolarité. Les requérants n'établissent pas davantage que l'arrêté contesté aurait pour conséquence d'empêcher l'enfant d'entretenir des liens avec sa demi-sœur, sa grand-mère et ses deux tantes vivant en France. Dans ces conditions, ces derniers ne sont pas fondés à soutenir que les arrêtés attaqués auraient porté atteinte à l'intérêt supérieur de leur enfant mineur en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... épouse A... et M. A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Nice a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du préfet du Bouches-du-Rhône du 15 janvier 2024 et du 8 février 2024. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par chacun des requérants à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Les requêtes de Mme D... épouse A... et de M. A... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... épouse A..., à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 2 juin 2025, où siégeaient :
- Mme Fedi, présidente de chambre,
- Mme Rigaud, présidente assesseure,
- M. Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juin 2025.
Nos 24MA02744-24MA02745