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05/06/2025 | FRANCE | N°24MA00633

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 3ème chambre, 05 juin 2025, 24MA00633


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2023 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'un an.



Par l'article 1er du jugement n° 2304154 du 9 février 2024, le magistrat désigné par la présid

ente du tribunal administratif de Toulon a admis Mme A..., à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2023 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'un an.

Par l'article 1er du jugement n° 2304154 du 9 février 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulon a admis Mme A..., à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle, par son article 2 a annulé l'arrêté du 30 novembre 2023 du préfet du Var en tant qu'il prononce une interdiction de retour sur le territoire français d'un an à l'encontre de Mme A..., et par son article 3 a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 mars 2024, Mme A..., représentée par Me Caillouet-Ganet, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulon du 9 février 2024 ou, à défaut, de l'annuler en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Var du 30 novembre 2023 ou, à défaut, d'annuler les décisions portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et fixant le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet du Var, sous astreinte, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Elle soutient que :

- le jugement comporte des indications contradictoires sur la date de lecture ;

- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- le préfet a entaché le refus de séjour d'un défaut d'examen de sa situation ;

- la décision portant refus de séjour a été prise en méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- le préfet, en refusant de l'admettre au séjour, a méconnu l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet aurait dû exercer son pouvoir de régularisation ;

- la décision portant refus de séjour a été prise en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors que la décision de refus de séjour est elle-même illégale ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- le préfet a méconnu son droit d'être entendue ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour est insuffisamment motivée ;

- la décision portant interdiction de retour est entachée d'un défaut d'examen particulier ;

- la décision portant interdiction de retour a été prise en méconnaissance de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- en lui interdisant le retour sur le territoire français, le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet du Var qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

La requête a été communiquée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui a déposé des pièces et des observations enregistrées les 7 et 20 février 2025.

Les parties ont été informées, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office, tirés de l'irrecevabilité, d'une part, des conclusions de Mme A... dirigée contre l'article 1er du jugement attaqué, qu'il admet provisoirement à l'aide juridictionnelle et contre son article 2, qui annule la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français durant un an, faute d'intérêt à agir et d'autre part, des conclusions tendant à l'annulation de cette décision d'interdiction de retour, dépourvues d'objet.

Par un mémoire enregistré le 23 avril 2025, Mme A... a répondu au moyen d'ordre public.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mastrantuono,

- et les observations de Me Caillouet-Ganet, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante ghanéenne née en 1980, fait appel du jugement du 9 février 2024 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulon, après l'avoir admise provisoirement à l'aide juridictionnelle, a annulé l'arrêté du préfet du Var du 30 novembre 2023 en tant qu'il prononce une interdiction de retour sur le territoire français d'un an à son encontre, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. Par une décision du 26 avril 2024, le bureau d'aide juridictionnelle a statué sur la demande de Mme A.... Il n'y a donc pas lieu de statuer sur sa demande d'admission à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur la recevabilité des conclusions de la requête :

3. Les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs ne peuvent tendre qu'à l'annulation ou à la réformation du dispositif du jugement attaqué. Par suite, n'est pas recevable, quels que soient les motifs retenus par les premiers juges, l'appel dirigé contre un jugement qui, par son dispositif, a fait droit à des conclusions de l'appelant en première instance.

4. A la demande de Mme A..., le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulon a, par l'article 1er de son jugement, admis l'intéressée, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle et par son article 2 annulé l'arrêté du 30 novembre 2023 du préfet du Var en tant que ce dernier prononce une interdiction de retour sur le territoire français d'un an à son encontre. Par suite, la requérante est dépourvue d'intérêt pour demander l'annulation de ces articles 1er et 2, lesquels lui donnent satisfaction. Par ailleurs, ses conclusions d'appel tendant à l'annulation de la décision lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'un an sont dépourvues d'objet. Dès lors, les conclusions de la requête ne sont pas recevables en tant qu'elles sont dirigées contre les articles 1er et 2 du jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulon du 9 février 2024 et contre l'arrêté du 30 novembre 2023 du préfet du Var en tant qu'il prononce une interdiction de retour sur le territoire français d'un an à l'encontre de Mme A....

Sur la régularité du jugement :

5. Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision fait apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elle a été prononcée ". Tant la minute que l'expédition du jugement attaqué figurant au dossier portent des indications contradictoires quant à la date de la lecture de ce jugement. Ainsi, les mentions de ce jugement ne permettent pas à la Cour d'exercer son contrôle sur sa régularité. Par suite, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité en tant qu'il statue sur les conclusions dirigées contre les décisions du 30 novembre 2023 par lesquelles le préfet du Var a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A..., l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et doit être annulé dans cette mesure.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur ces conclusions présentées par Mme A... devant le tribunal administratif.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité de la décision de refus de séjour :

7. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par M. Giudicelli, secrétaire général de la préfecture du Var qui, par un arrêté du 21 août 2023, régulièrement publié le même jour au recueil des actes de la préfecture du Var, a reçu délégation du préfet du Var aux fins de signer " tous actes, décisions, recours juridictionnels, saisines juridictionnelles notamment en matière de police des étrangers ", la police des étrangers incluant les décisions portant refus de titre de séjour. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 30 novembre 2023 doit être écarté.

8. En deuxième lieu, l'arrêté du 30 novembre 2023, qui vise notamment les articles L. 424-1 et L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'avis défavorable rendu par le collège des médecins de l'OFII le 8 octobre 2021, relève notamment que la demande d'asile de M. A... a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), que cette décision a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), indique les raisons pour lesquelles l'intéressée ne peut bénéficier d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade et précise les motifs tenant à sa situation personnelle et familiale pour lesquels la mesure n'est pas contraire au droit au respect de sa vie privée et familiale. Dans la mesure où il n'est pas établi que le préfet aurait été saisi d'une demande de carte de séjour temporaire au titre de la vie privée et familiale ou d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour, et qu'il ne s'est d'ailleurs pas prononcé, contrairement à ce qui est soutenu, au regard de ces fondements, il n'était pas tenu de préciser les motifs pour lesquels il estimait que l'intéressée ne pouvait bénéficier d'une carte de séjour temporaire au titre de la vie privée et familiale ou être admise exceptionnellement au séjour. Ainsi, l'arrêté en litige comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision refusant à M. A... la délivrance à titre de séjour, et qui permettent de vérifier que le préfet du Var a procédé à un examen de la situation personnelle de l'intéressée.

9. En troisième lieu, il ressort des termes de l'arrêté du 30 novembre 2023 que la décision de refus de séjour contestée a été prise par le préfet après que le collège des médecins de l'OFII a émis un avis le 8 octobre 2021, ainsi qu'il a été dit précédemment. Il ressort de cet avis, qui a en tout état de cause été versé aux débats par le préfet, que le collège de médecins était composé des docteurs S G. S. L. et B. M, médecins à compétence nationale de l'OFII, qui avaient été régulièrement désignés par une décision du directeur général de cet établissement. Par suite, doit être écarté le moyen tiré de ce qu'il ne ressort pas de la décision de refus de séjour que l'avis du collège des médecins de l'OFII aurait été émis par des médecins compétents.

10. En quatrième lieu, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le préfet du Var, qui s'est approprié les termes de l'avis émis le 8 octobre 2021 par le collège de médecins de l'OFII, se serait cru en situation de compétence liée pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412 1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

12. Si Mme A... fait état des conséquences psychologiques et physiques de l'excision qu'elle a subie au Ghana et verse aux débats des attestations rédigées par une psychanalyste et un certificat rédigé par un médecin généraliste indiquant que l'intéressée est atteinte d'une hépatite B nécessitant un suivi spécialisé et souffre d'une douleur chronique résultant de l'excision subie et nécessitant un suivi gynécologique, elle ne produit aucun élément à l'appui de ses affirmations selon lesquelles elle ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié au Ghana, alors qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des observations produites par l'OFII, que Mme A... peut bénéficier au Ghana d'une prise en charge psychiatrique et d'un suivi spécialisé en ce qui concerne l'hépatite B. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

13. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

14. Mme A... soutient qu'elle a quitté le Ghana en 2018, qu'elle est entrée sur le territoire français en 2021 avec ses trois enfants, qu'elle y réside de façon continue depuis cette date, que ses filles, qui sont mineures, sont scolarisées et qu'elle justifie d'efforts d'intégration. Toutefois, alors que l'entrée en France de la requérante est récente, et que sa demande d'asile, ainsi qu'il a été dit précédemment, a été rejetée, l'intéressée ne justifie pas de l'impossibilité de reconstituer la cellule familiale hors de France, et notamment dans son pays d'origine, dont ses enfants ont la nationalité. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, et alors que la requérante ne justifie pas d'une insertion professionnelle à la date de la décision en litige, le préfet du Var n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale en France une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis par l'arrêté attaqué. Il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, doivent être écartés le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante et de ce qu'il aurait dû exercer son pouvoir de régularisation.

15. En septième lieu, il n'est pas établi que le préfet aurait été saisi d'une demande de carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 423-23 ou de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi qu'il a été dit précédemment, et il ne s'est pas prononcé sur le droit au séjour de Mme A... au regard de ces fondements. Par conséquent, doivent être écartés comme inopérants les moyens tirés de ce que le préfet du Var aurait méconnu les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

16. En huitième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

17. Si Mme A... soutient que ses enfants encourent des risques en cas de retour au Ghana, la seule attestation rédigée par la psychanalyste mentionnée au point 12 est insuffisante pour démontrer que ces craintes seraient fondées. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit précédemment, la demande d'asile de Mme A..., dans le cadre de laquelle le risque d'excision de ses filles mineures a été examiné, a été rejetée par l'OFPRA, confirmé par la CNDA. Par conséquent, le préfet du Var n'a pas porté à l'intérêt supérieur des enfants de la requérante une atteinte méconnaissant les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

18. En premier lieu, il suit de ce qui a été dit précédemment que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

19. En deuxième lieu, eu égard aux motifs exposés au point 14, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

20. En troisième lieu, si l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'adresse, non pas aux États membres, mais uniquement aux institutions, aux organes et aux organismes de l'Union, le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Toutefois, Mme A... a été mise à même, dans le cadre de sa demande d'asile et de sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade présentée parallèlement, de porter à la connaissance de l'administration, et des instances chargées de l'examen de sa demande d'asile, l'ensemble des informations relatives à sa situation personnelle dont elle souhaitait se prévaloir et il n'est pas établi qu'elle aurait été empêchée de porter à la connaissance des services de la préfecture des informations utiles avant que soit pris à son encontre l'arrêté attaqué, alors qu'elle ne pouvait pas ignorer qu'en cas de rejet de sa demande d'asile et de sa demande de carte de séjour temporaire, elle serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

21. En quatrième lieu, le moyen tiré de ce que le préfet du Var, en raison des risques auxquels Mme A... serait exposée en cas de retour dans son pays d'origine, aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui n'a ni pour objet ni pour effet de l'éloigner à destination de son pays d'origine.

22. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2 (...) ". Aux termes de l'article L. 542-1 du même code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. / Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci (...) ".

23. Si Mme A... soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de la décision de la CNDA du 21 novembre 2023, la lecture en audience publique de la décision de la CNDA à l'encontre d'un demandeur d'asile met fin au droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français et permet légalement au préfet de prendre une décision l'obligeant à quitter le territoire français sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans que la circonstance que le demandeur ait introduit un pourvoi en cassation contre la décision de la CNDA, lequel n'a pas d'effet suspensif, puisse y faire obstacle. Le moyen doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :

24. En premier lieu, le préfet du Var, qui a notamment visé l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et indiqué que Mme A... est de nationalité ghanéenne, a suffisamment motivé sa décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement en indiquant que la requérante n'établit pas être exposée à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine.

25. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Pour l'application des stipulations précitées, il appartient à l'autorité administrative de s'assurer que la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger ne l'expose pas à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

26. Mme A... soutient que dès lors que son fils a refusé de succéder à son père et d'accéder à la chefferie au sein de son ethnie, ce dernier ainsi qu'elle-même risquent de subir des persécutions en cas de retour au Ghana. Toutefois, elle n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine, alors que l'OFPRA a notamment relevé que le discours de l'intéressée s'agissant des circonstances des modalités dans lesquelles son fils avait été désigné par sa famille paternelle comme futur chef de Katur n'était pas solide et qu'elle n'avait jamais manifesté son opposition à ce projet. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

27. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions du 30 novembre 2023 par lesquelles le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

28. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution particulière, de sorte que les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par Mme A... doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentée par Mme A....

Article 2 : Le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulon n° 2304154 du 9 février 2024 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de Mme A... tendant à l'annulation des décisions du 30 novembre 2023 par lesquelles le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Article 3 : Les conclusions de la demande de Mme A... présentées devant le tribunal administratif de Toulon tendant à l'annulation des décisions du 30 novembre 2023 par lesquelles le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement sont rejetées.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de Mme A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Caillouet-Ganet et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 5 juin 2025.

La rapporteure,

signé

F. MASTRANTUONOLa présidente de la 3ème chambre,

signé

E. PAIXLa greffière,

signé

C. PONS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24MA00633


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00633
Date de la décision : 05/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : CAILLOUET-GANET

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-05;24ma00633 ?
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