La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/06/2025 | FRANCE | N°23MA02232

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 3ème chambre, 05 juin 2025, 23MA02232


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) A... Holding a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des rappels de taxe sur les salaires qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016 ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 2004091 du 29 juin 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 août 2023 et le 25 avril 2024, la SAS A... Holding, représentée par Me ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) A... Holding a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des rappels de taxe sur les salaires qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2004091 du 29 juin 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 août 2023 et le 25 avril 2024, la SAS A... Holding, représentée par Me Evrard, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 29 juin 2023 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige ;

3°) de condamner l'État aux entiers dépens et de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé en ce qui concerne la prise de position formelle de l'administration résultant du dégrèvement de la taxe sur les salaires qui lui a été accordé le 20 mars 2012 ;

- c'est à tort que l'administration a intégré dans la base de la taxe sur les salaires la rémunération de trois de ses directeurs généraux ;

- c'est à tort que l'administration a intégré dans la base de la taxe sur les salaires les rémunérations des salariés affectés au service comptable ;

- l'administration a formellement pris position sur la question de l'intégration de ces rémunérations dans la base de la taxe sur les salaires ;

- l'administration méconnaît ainsi la doctrine administrative référencée BOI-SJ-RES-10-20-10.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 mars 2024 et le 29 mai 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SAS A... Holding ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mastrantuono,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS A... Holding a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, à l'issue de laquelle l'administration a intégré dans l'assiette de la taxe sur les salaires une partie des rémunérations versées à trois de ses directeurs généraux et aux trois salariés de son service comptable. La SAS A... Holding relève appel du jugement du 29 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur les salaires auxquels elle a ainsi été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016, et des pénalités correspondantes.

Sur la régularité du jugement :

2. Le tribunal administratif a expressément statué, au point 7 du jugement contesté, sur le moyen tiré de ce que l'administration aurait formellement pris position par sa décision de dégrèvement de la taxe sur les salaires du 20 mars 2012, en relevant qu'une telle décision, relative à des impositions différentes, ne vaut pas prise de position formelle sur une situation particulière au regard d'un texte fiscal au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales. Ainsi, le tribunal a répondu de manière suffisante au moyen invoqué.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

3. Aux termes du 1 de l'article 231 du code général des impôts, les employeurs doivent payer une taxe sur les salaires " lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total (...) ".

4. Lorsque les activités d'une entreprise sont, pour l'exercice de ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, réparties en plusieurs secteurs distincts au sens de l'article 209 de l'annexe II au code général des impôts, la taxe sur les salaires doit être déterminée par secteur, en appliquant aux rémunérations des salariés affectés spécifiquement à chaque secteur le rapport d'assujettissement propre à ce secteur. Toutefois, la taxe sur les salaires des personnels concurremment affectés à plusieurs secteurs doit être établie en appliquant à leurs rémunérations le rapport existant pour l'entreprise dans son ensemble entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total.

5. En premier lieu, les fonctions de directeur général d'une société anonyme ou d'une société par actions simplifiée confèrent à leurs titulaires, en vertu de l'article L. 225-56 du code de commerce, les pouvoirs les plus étendus dans la direction de la société. S'agissant d'une société holding, ces pouvoirs s'étendent en principe au secteur financier, même si le suivi des activités est sous-traité à des tiers ou confié à des salariés spécialement affectés à ce secteur et si le nombre des opérations relevant de ce secteur est très faible. Toutefois, s'il résulte des éléments produits par l'entreprise que certains de ses dirigeants n'ont pas d'attribution dans le secteur financier, notamment lorsque, compte tenu de l'organisation adoptée, l'un d'entre eux est dépourvu de tout contrôle et responsabilité en la matière, la rémunération de ce dirigeant doit être regardée comme relevant entièrement des secteurs passibles de la taxe sur la valeur ajoutée et, par suite, comme placée hors du champ de la taxe sur les salaires.

6. Il est constant que la SAS A... Holding, qui avait deux secteurs d'activité dont l'un, à caractère financier, comprenait l'acquisition et la souscription de parts ou d'actions, la gestion de ses participations et de la trésorerie du groupe et l'autre, à caractère administratif, avait pour objet la réalisation de prestations de services destinées à ses filiales, était soumise au titre de ce second secteur à la taxe sur la valeur ajoutée pour moins de 90 % de son chiffre d'affaires et était, de ce fait, passible de la taxe sur les salaires.

7. Au cours des années 2015 et 2016, Mme B... A..., M. D... A... et M. C... A... ont exercé chacun les fonctions de directeur général de la SAS A... Holding. Pour établir qu'ils n'avaient pas d'attributions dans le secteur financier, la société requérante fait valoir qu'il résulte de l'article 17 de ses statuts que les directeurs généraux n'ont pas le pouvoir de représenter la société à l'égard des tiers, cette circonstance étant confirmée par les attestations et documents établis par les établissements financiers qu'elle produit, qu'il résulte de son organigramme, d'une part, que M. D... A... est chargé de l'export et du développement, d'autre part, que Mme B... A... exerce les fonctions de directrice marketing et communication, et, enfin, que M. C... A... est chargé de la direction commerciale pour la France. Toutefois, il ne résulte pas de ses statuts, selon lesquels les directeurs généraux disposent des mêmes pouvoirs que le président, que les trois directeurs généraux en question étaient dépourvus de toute attribution dans le secteur financier, quand bien même ils ne sont pas habilités à représenter la société à l'égard des tiers. La seule production d'un organigramme, de surcroît non daté, en l'absence de tout autre élément concret relatif aux fonctions exercées par les intéressés, ne l'établit pas davantage. Dans ces conditions, les trois directeurs généraux doivent être regardés comme ayant été concurremment affectés aux deux secteurs d'activité de la SAS A... Holding. Cette dernière n'est dès lors pas fondée à soutenir que leurs rémunérations n'entrent pas dans l'assiette de la taxe sur les salaires en application du 1 de l'article 231 du code général des impôts.

8. En second lieu, l'administration a également intégré dans l'assiette de la taxe sur les salaires au titre des années 2015 et 2016 une partie des rémunérations versées au chef comptable de la société, à sa comptable et à l'aide comptable. Il ressort du contrat de travail conclu avec le chef comptable que l'intéressé est notamment chargé de la tenue et du contrôle de la comptabilité générale et de gestion, ainsi que du contrôle des documents juridiques et de toutes démarches administratives liées à l'évolution de l'entreprise. La comptable, selon les termes de son contrat de travail, est chargée de toutes les missions adaptées à ses compétences notamment dans les domaines administratifs et comptables, et devra travailler en collaboration avec la directrice administrative et financière ainsi qu'avec le président, et elle est assistée dans ses fonctions de l'aide comptable. Si la société requérante affirme que les trois salariés n'interviennent en réalité qu'en matière comptable et sociale, elle ne produit aucun élément démontrant que les fonctions qu'ils exercent ne concerneraient pas le secteur financier. Par conséquent, les trois salariés du secteur comptable doivent également être regardés comme ayant été concurremment affectés aux deux secteurs d'activité de la SAS A... Holding. Cette dernière n'est dès lors pas fondée à soutenir que leurs rémunérations n'entrent pas dans l'assiette de la taxe sur les salaires en application du 1 de l'article 231 du code général des impôts.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

9. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; (...) ".

10. En premier lieu, si, le 20 mars et le 5 juin 2012, le pôle contrôle expertise de Cagnes-sur-Mer a fait droit aux réclamations présentée par la SAS A... Holding tendant à la prise en compte de déclarations rectificatives de taxe sur les salaires au titre des années 2009 et 2010, ces décisions, qui ne comportent aucune motivation, ne constituent pas une prise de position formelle de l'administration au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales quant à la question de l'intégration dans la base de la taxe des rémunérations de ses trois directeurs généraux et des trois salariés de son service comptable, alors même que les sommes dégrevées sont conformes à ses demandes. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait procéder aux rappels de taxe sur les salaires contestés sans méconnaître la garantie résultant de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.

11. En second lieu, si la société A... Holding soutient que l'administration a, par sa doctrine administrative référencée BOI-SJ-RES-10-20-10, donné une interprétation de l'article L. 80 B du LPF qui conduirait en l'espèce à la décharger des impositions mises à sa charge, cette interprétation qui ne concerne que la mise en œuvre des articles L. 80 A et L. 80 B eux-mêmes, n'a pas pour objet d'interpréter le texte fiscal d'assiette qui constitue le fondement des droits en litige. Dès lors, la société A... Holding ne peut utilement s'en prévaloir.

Sur les frais liés au litige :

12. En premier lieu, aucun dépens n'ayant été exposé dans cette instance, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la SAS A... Holding tendant à l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

13. En second lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande la SAS A... Holding au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS A... Holding est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée A... Holding et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juin 2025.

2

N° 23MA02232


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02232
Date de la décision : 05/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Opposabilité des interprétations administratives (art - L - 80 A du livre des procédures fiscales).

Contributions et taxes - Impôts assis sur les salaires ou les honoraires versés - Versement forfaitaire de 5 p - 100 sur les salaires et taxe sur les salaires.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : BOSIO-EVRARD & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-05;23ma02232 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award