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05/06/2025 | FRANCE | N°23MA00867

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 3ème chambre, 05 juin 2025, 23MA00867


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société SMA Environnement a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et majorations, de la retenue à la source mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2013.



Par un jugement n° 2100869 du 28 février 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 avril 2023 et

18 octobre 2023, la société SMA Environnement, représentée par Me Ferrandini, demande à la Cour :



1°) d'annuler l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SMA Environnement a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et majorations, de la retenue à la source mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2013.

Par un jugement n° 2100869 du 28 février 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 avril 2023 et 18 octobre 2023, la société SMA Environnement, représentée par Me Ferrandini, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100869 du 28 février 2023 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration a méconnu les prescriptions de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié opposable sur le fondement de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, dès lors qu'elle a été privée de recours hiérarchique effectif devant l'inspecteur principal et de la possibilité de saisir l'interlocuteur départemental, la mise en recouvrement prématurée constituant un détournement de procédure ;

- l'administration n'était pas fondée à mettre en œuvre la procédure de répression des abus de droit prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dès lors qu'elle n'a pas été impliquée dans la constitution et la vie de la société luxembourgeoise Immo G Investissements ;

- elle a obtenu gain de cause sur l'inexistence d'un abus de droit dans un litige de même nature au titre d'années antérieures ;

- l'administration n'a pas identifié le bénéficiaire allégué des distributions en litige ;

- le seul fait de constituer une société luxembourgeoise dans le but d'acquérir des parts de sociétés françaises et de percevoir des dividendes ne peut constituer pour un résident luxembourgeois un abus de droit, sauf à constituer une entrave contraire aux libertés d'établissement et de circulation des capitaux garanties par les articles 49 et 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- l'administration aurait dû appliquer une retenue à la source au taux de 15 % prévue par la convention fiscale franco-luxembourgeoise ou le taux de 21 % prévu au 1 de l'article 187 du code général des impôts ;

- l'opération n'a pas atténué sa charge fiscale, dès lors que l'imposition au titre de la perception des dividendes était due par leur bénéficiaire ;

- elle est fondée à bénéficier de l'exonération de retenue à la source prévue à l'article 119 ter du code général des impôts ;

- l'application de la majoration prévue au b. de l'article 1729 du code général des impôts n'est ni motivée, ni fondée, dès lors qu'elle n'est pas à l'origine du montage que l'administration a regardé comme constitutif d'un abus de droit.

Par des mémoires en défense enregistrés les 30 août 2023 et 13 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la société SMA Environnement ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Platillero,

- les conclusions de M. Ury, rapporteur public,

- et les observations de M. A..., pour la société SMA Environnement.

Considérant ce qui suit :

1. La société SMA Environnement, qui exerce l'activité d'assainissement, de gestion et d'exploitation d'un centre de stockage de déchets et de centres de transfert, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle une proposition de rectification du 30 juin 2014 lui a été notifiée. Au terme de la procédure, elle a été assujettie à la retenue à la source au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2013 pour un montant de 107 017 euros, assortie des intérêts de retard et de la majoration de 80 % pour abus de droit prévue au b. de l'article 1729 du code général des impôts. La société SMA Environnement relève appel du jugement du 28 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et majorations, de cette retenue à la source.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " (...) Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration ". Il résulte des dispositions de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, dans sa version applicable au litige, d'une part, qu'en cas de désaccord persistant avec le vérificateur, des éclaircissements supplémentaires peuvent être fournis au contribuable si nécessaire par l'inspecteur divisionnaire ou principal et, d'autre part, que si après ces contacts, des divergences importantes subsistent, le contribuable peut faire appel à l'interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur.

3. Ces dispositions assurent au contribuable qui en fait la demande la garantie substantielle de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de rectification, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur puis avec l'interlocuteur départemental dans les conditions qu'elles précisent. Lorsque cette demande intervient avant que le visa du comptable ne soit porté sur l'avis de mise en recouvrement et ne lui donne ainsi force exécutoire conformément à l'article L. 256 du livre des procédures fiscales, il appartient à l'administration de suspendre la mise en recouvrement jusqu'à l'examen par l'interlocuteur départemental de la situation du contribuable.

4. Il résulte de l'instruction que la retenue à la source en litige, en droits et majorations, a été initialement mise en recouvrement le 17 octobre 2016. Par une décision du 8 août 2017, l'administration fiscale en a toutefois prononcé le dégrèvement, au motif que l'imposition n'avait pas été établie par le service compétent, en informant la société SMA Environnement que ce dégrèvement n'avait pas d'incidence sur le bien-fondé du rappel et des majorations et qu'il serait procédé à une nouvelle mise en recouvrement. Un nouvel avis de mise en recouvrement du 6 décembre 2017 a ainsi été émis. Toutefois, à la suite du dégrèvement du 8 août 2017, par un courrier du 31 août 2017, réitéré le 28 septembre 2017, la société SMA Environnement a sollicité un entretien avec l'inspecteur principal. Cet entretien s'est déroulé le 15 novembre 2017 et la société a transmis le lendemain des éléments appuyant les termes de son argumentation présentée au cours de l'entretien par courriel, auquel l'inspecteur principal a répondu par courriel du 17 novembre 2017 : " Je vois tout cela et reviens vers vous avant toute réponse ". L'administration fait valoir que l'inspecteur principal a par la suite adressé à la société SMA Environnement un courrier du 29 novembre 2017 lui indiquant notamment que l'entrevue ne pouvait relever de l'entretien hiérarchique compte tenu de la première mise en recouvrement, les voies de recours avant recouvrement étant ainsi déjà épuisées. Le pli qui contenait ce courrier, qui ne porte aucune date de présentation, ne laisse pas apparaitre l'adresse d'envoi et le nom du destinataire et porte une date manuscrite du 26 décembre 2017, est revenu en portant la mention " avisé/non réclamé " et une copie de ce courrier a été adressé à la société SMA Environnement le 9 janvier 2018.

5. D'une part, si l'administration, lorsqu'elle constate une irrégularité de la procédure d'imposition, a la faculté de la reprendre après avoir prononcé un dégrèvement d'office des impositions mises en recouvrement et informé le contribuable de son intention, la reprise de la procédure s'imposant alors dans la mesure nécessaire à sa régularisation et dans le délai imparti par l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, ce dégrèvement d'office a pour effet de rendre de nul effet l'avis de mise en recouvrement ainsi initialement établi à l'égard du contribuable, qui se trouve placé dans la situation antérieure à l'émission de cet avis au regard de la procédure d'imposition. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient le ministre, à la suite de la décision du 8 août 2017 prononçant le dégrèvement, en droits et majorations, de la retenue à la source en litige, la société SMA Environnement, qui était replacée dans la situation dans laquelle elle se trouvait avant la mise en recouvrement du 17 octobre 2016, pouvait régulièrement demander le bénéfice des garanties accordées par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, alors même que le dégrèvement d'office avait été prononcé par l'administration fiscale pour un autre motif, tiré de l'irrégularité de l'avis de mise en recouvrement et que la société n'avait pas demandé le bénéfice de ces garanties à la suite de la réponse aux observations du contribuable du 20 octobre 2014 et avant que le premier avis de mise en recouvrement ne soit rendu exécutoire.

6. D'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 4, la société SMA Environnement a effectivement bénéficié d'un entretien avec l'inspecteur principal qui s'est déroulé le 15 novembre 2017. Toutefois, à l'issue de cet entretien, l'inspecteur principal a indiqué le 17 novembre 2017 au représentant de la société qu'il ne ferait connaître sa position à cette dernière qu'ultérieurement. Or, en admettant même que le courrier du 29 novembre 2017 puisse être regardé comme la position de l'inspecteur principal, l'administration ne justifie pas de la date de sa notification régulière et il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que cette position aurait été précisée par tout autre moyen permettant à la société SMA Environnement de bénéficier d'un délai raisonnable pour exercer son droit de faire appel à l'interlocuteur, avant la mise en recouvrement de la retenue à la source en cause, par un avis du 6 décembre 2017. Dans ces conditions, alors même que les dispositions de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié n'imposaient pas que le supérieur hiérarchique du vérificateur prenne expressément position après son entretien avec le contribuable, la société SMA Environnement est fondée à soutenir qu'elle a été privée de la garantie tenant au bénéfice d'un entretien avec l'interlocuteur départemental et que la procédure d'imposition est ainsi irrégulière.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société SMA Environnement est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Ce jugement doit dès lors être annulé et la société SMA Environnement doit être déchargée, en droits et majorations, de la retenue à la source mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2013.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, la somme de 2 000 euros au titre des frais que la société SMA Environnement a exposés, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er: Le jugement n° 2100869 du 28 février 2023 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : La société SMA Environnement est déchargée, en droits et majorations, de la retenue à la source mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2013.

Article 3 : L'Etat versera à la société SMA Environnement la somme de 2 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée SMA Environnement et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juin 2025.

2

N° 23MA00867


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00867
Date de la décision : 05/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01-04 Contributions et taxes. - Généralités. - Règles générales d'établissement de l'impôt. - Contrôle fiscal.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : FERRANDINI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-05;23ma00867 ?
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