Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 7 juin 2024 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour la durée de deux ans.
Par un jugement n° 2405654 du 15 juillet 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 octobre 2024, M. B..., représenté par Me Bazin, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 juillet 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 7 juin 2024 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Bazin, laquelle renoncera à percevoir l'aide juridictionnelle, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne le refus de délai de départ volontaire :
- la décision en litige méconnaît les articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français pour la durée de deux ans :
- la décision en litige méconnaît l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle n'est pas motivée ;
- elle est disproportionnée et entachée d'erreur d'appréciation.
La requête a été transmise au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 27 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique modifiée ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Rigaud a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant marocain né en 1985, relève appel du jugement du 15 juillet 2024 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 7 juin 2024 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour la durée de deux ans.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. M. B..., entré irrégulièrement sur le territoire national au cours de l'année 2019, selon ses déclarations, n'établit pas le caractère habituel de sa présence en France sur toute la période alléguée. Il se prévaut en outre de la présence en France de son fils, né le 1er avril 2020 de son union avec une ressortissante colombienne titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 23 novembre 2025, dont il est désormais séparé ainsi que du droit de visite qui lui a été reconnu par jugement du juge aux affaires familiales par jugements du 18 septembre 2023 et, en dernier lieu, du 7 novembre 2024. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. B... n'a reconnu l'enfant que le 5 octobre 2022, soit deux ans et demi après sa naissance, et qu'il ne dispose pas de l'autorité parentale, le juge aux affaires familiales ayant tenu compte, notamment, de l'absence du père dans la vie de l'enfant. Par les seules pièces qu'il produit, des photographies non datées ou datées postérieurement à la décision en litige, un calendrier établi par le service de médiation " Archipel " de l'association " Sauvegarde 13 " le 14 novembre 2023 des visites médiatisées prévues pour les mois de novembre 2023 à avril 2024 à raison d'une heure par mois sans sortie, l'enregistrement d'une main courante pour non présentation d'enfant le 29 novembre 2023, et les versements d'argent au profit de la mère de l'enfant en octobre 2023 et juillet et août 2024, M. B... n'établit ni la nature ni l'intensité de la relation qu'il entretiendrait avec son enfant. Par ailleurs, le requérant ne justifie d'aucune intégration socio-
économique et il ne conteste pas détenir des attaches personnelles et familiales au Maroc, où il a vécu à tout le moins jusqu'à l'âge de trente-quatre ans et où résident ses parents ainsi qu'une partie de sa fratrie. C'est donc à bon droit que la première juge a écarté les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation.
4. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
5. Dans les conditions exposées au point 3 du présent arrêt, c'est à bon droit que la première juge a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation soulevée à ce titre.
En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
6. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".
7. Comme l'a retenu à bon droit la première juge au point 10 du jugement attaqué par des motifs qu'il y a lieu d'adopter, la situation de M. B... entrait dans le champ d'application des dispositions du 3° de l'article L. 612-2 et des 1°, 4° et 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation articulés contre la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire doivent donc être écartés.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour pour la durée de deux ans :
8. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, et dix ans en cas de menace grave pour l'ordre public. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
9. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.
10. L'arrêté en litige comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui constituent le fondement de l'interdiction de retour d'une durée de deux ans. Elle mentionne que le requérant n'a entamé aucune démarche pour régulariser sa situation administrative depuis son entrée irrégulière sur le territoire en 2019, qu'il ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et enfin, qu'il est célibataire et n'établit pas contribuer à l'entretien de son enfant mineur. Dans ces conditions, la motivation de la décision contestée atteste de ce que le préfet des Bouches-du-Rhône a pris en compte, au vu de la situation de M. B..., l'ensemble des critères prévus par la loi. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation, doit, ainsi que l'a retenu la première juge, être écarté.
11. Comme exposé au point précédent et comme cela résulte du point 3 du présent arrêt, M. B... ne dispose d'aucun titre de séjour en cours de validité, ne justifie d'aucune démarche pour régulariser sa situation après son entrée irrégulière sur le territoire ni d'aucune insertion sociale ou professionnelle et n'établit pas les liens effectifs qu'il entretiendrait avec son enfant mineur. Dans ces conditions, la durée de l'interdiction fixée à deux ans n'apparaît ni excessive ni disproportionnée au regard de la situation de l'intéressé. C'est donc à bon droit que la première juge a écarté les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 7 juin 2024.
Sur les conclusions accessoires :
13. Par voie de conséquence de ce qui vient d'être dit les conclusions de M. B... aux fins d'annulation et d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1 : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Bazin et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2025 à laquelle siégeaient :
- Mme Fedi, présidente de chambre,
- Mme Rigaud, présidente-assesseure,
- M. Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juin 2025.
N° 24MA026342