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03/06/2025 | FRANCE | N°23MA01925

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 03 juin 2025, 23MA01925


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 5 mai 2022 par lequel le président du conseil départemental du Var a décidé sa révocation avec effet au 23 mai 2022.



Par un jugement n° 2201806 du 22 mai 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 juillet 2023 et le 2 févrie

r 2025, M. A..., représenté par Me David, demande à la cour :



1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 5 mai 2022 par lequel le président du conseil départemental du Var a décidé sa révocation avec effet au 23 mai 2022.

Par un jugement n° 2201806 du 22 mai 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 juillet 2023 et le 2 février 2025, M. A..., représenté par Me David, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 22 mai 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre au département du Var de le réintégrer rétroactivement dans les effectifs du conseil départemental du Var à compter du 23 mai 2022, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre au département du Var de le réintégrer dans ses dernières fonctions, d'agent d'exploitation de la voirie et des réseaux divers au sein de la direction des infrastructures et de la mobilité, pôle territorial Provence verte, service entretien et exploitation, au centre territorial de Saint-Maximin, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

5°) en tout état de cause, d'enjoindre au département du Var de régulariser sa situation statutaire, administrative et financière, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

6°) de mettre à la charge du département du Var la somme de 3 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas matériellement établis ;

- la sanction prononcée à son encontre est disproportionnée par rapport aux manquements qui lui sont reprochés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2024, le département du Var, représenté par Me Durand-Stéphan, conclut au rejet de la requête de M. A... ainsi qu'à la mise à la charge de celui-ci de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mahmouti,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Larronde-Buzaud, substituant Me David, représentant M. A..., et de Me Durand-Stéphan, représentant le département du Var.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 5 mai 2022, le président du conseil départemental du Var a infligé la sanction de la révocation à M. A..., agent de maîtrise affecté au collège Henri Matisse de Saint-Maximin en qualité de chef de cuisine depuis l'année 2006. L'intéressé relève appel du jugement du 22 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à annuler cet arrêté.

Sur le bienfondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le cadre juridique applicable :

2. Aux termes de l'article L. 533-1 du code général de la fonction publique : " Les sanctions disciplinaires pouvant être infligées aux fonctionnaires sont réparties en quatre groupes : 1° Premier groupe : a) L'avertissement ; b) Le blâme ; c) L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours. 2° Deuxième groupe : a) La radiation du tableau d'avancement ; b) L'abaissement d'échelon à l'échelon immédiatement inférieur à celui détenu par le fonctionnaire ; c) L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; d) Le déplacement d'office dans la fonction publique de l'Etat. 3° Troisième groupe : a) La rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à l'échelon correspondant à un indice égal ou, à défaut, immédiatement inférieur à celui afférent à l'échelon détenu par le fonctionnaire ; b) L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans. 4° Quatrième groupe : a) La mise à la retraite d'office ; b) La révocation. ".

3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

En ce qui concerne la matérialité des faits reprochés à M. A... :

4. Pour prendre l'arrêté du 5 mai 2022, le président du conseil départemental du Var a reproché à M. A... les faits suivants : " Un comportement inapproprié sur son lieu de travail ; des contacts physiques équivoques avec les élèves mineures de sexe féminin, des gestes familiers et ambigus, une proximité excessive et anormale ; des propos, remarques inadaptées vis-à-vis des élèves de l'établissement scolaire, des remarques sur le physique, des regards insistants et déplacées, des collègues ayant dû à plusieurs reprises le reprendre à ce sujet ; des remarques inadaptées et choquantes sur les élèves et sur des affaires criminelles proférées à destination des collègues de M. A... ; des propos choquants et un comportement indécent générant un fort malaise, qui est particulièrement grave en présence d'enfants mineurs. ".

5. Premièrement, il ressort des pièces du dossier que, le 1er juin 2021, à l'occasion du service dans les locaux de la cantine du collège, une élève de troisième s'est plainte de s'être fait " palper " les fesses par M. A..., ce qui a immédiatement provoqué un attroupement virulent d'élèves autour de l'intéressé. Entendue le jour même par le chef d'établissement, la jeune fille a déclaré : " Il était derrière moi, il m'a palpé au niveau des fesses, donné des tapes ". Auditionnées également par le principal du collège, quatre autres collégiennes ont exposé : " Il lui arrive de mettre sa main au bas du dos pour nous faire avancer et la main glisse vers le bas ", " il a des regards insistants sur notre poitrine, pour déchiffrer les inscriptions ", " il nous fait remarquer quand il voit le téléphone dans la poche arrière de notre pantalon ", " il appelle certaines filles "mon cœur" ". Si le rapport d'enquête administrative daté du 7 décembre 2021 note qu'aucun témoin direct n'a assisté aux faits d'attouchement reprochés, M. A... n'explique cependant pas la raison de l'attroupement qui est survenu tandis qu'il existe une similitude de ces faits avec ceux relatés dans un courrier du 1er juin 2010 émanant de parents qui avaient soutenu que M. A... avait eu " les mains baladeuses " avec leur fille âgée de 11 ans à l'occasion du service du 15 mars 2010. En outre, ces mêmes parents tout comme les agents entendus dans le cadre du rapport d'enquête administrative précité indiquent de manière circonstanciée et concordante que M. A... regardait les jeunes collégiennes avec insistance et laissait glisser ses mains sur leur corps au-delà de ce qu'exigeait la seule nécessité alléguée par lui de les " accompagner " pour assurer la rapidité du service. Dans ces conditions et compte tenu des dénégations non étayées de l'intéressé, ses gestes et attitudes déplacés à l'égard d'élèves mineures doivent être tenus pour établis.

6. Deuxièmement, il ressort des pièces du dossier et en particulier du rapport d'enquête administrative précité qui relate les témoignages convergents et circonstanciés de plusieurs membres du service, que M. A... a tenu à maintes reprises des propos dégradants à connotation sexuelle. Le rapport d'enquête administrative daté du 7 décembre 2021 relate ainsi les propos tenus par ces agents selon lesquels le requérant " s'est permis plusieurs remarques [...] à propos de la disparition d'une fillette de 13 ans retrouvée violée, (en parlant du violeur), "il a dû se régaler" ou encore à propos des femmes d'origine maghrébine "il faut les baiser jeunes", enfin à propos du meurtre d'une adolescente "tant qu'à la tuer, il aurait dû la violer" ". M. A... n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause la crédibilité de ces témoignages.

7. Enfin, il ressort également des pièces du dossier que plusieurs femmes du collège dans lequel est affecté M. A... ont témoigné de ce que celui-ci faisait montre d'une proximité physique excessive envers elles ainsi que de regards insistants, une personne s'étant à cet égard plaint de ce que l'intéressé lui effleurait les seins lorsqu'il passait à la photocopieuse. Le requérant fait inutilement valoir, pour contester ces témoignages, les attestations de deux agents ne décrivant que leur propre relation professionnelle avec lui. A ce titre, il ressort au contraire du courrier précité du 1er juin 2010 que son auteur évoquait déjà que " plusieurs dames de service ont confirmé son comportement équivoque " tandis que les témoignages recueillis par le rapport d'enquête interne réalisé par le département du Var attestent que les gestes et propos à connotation sexuelle de M. A... sont anciens et récurrents.

8. Il résulte de tout ce qui vient d'être dit que les faits reprochés à M. A... par le président du conseil départemental du Var doivent être tenus pour établis et constituent des fautes de nature à justifier le prononcé d'une sanction à son encontre.

En ce qui concerne la proportionnalité de la sanction retenue avec la gravité des fautes :

9. Comme l'a jugé le tribunal, compte tenu de la gravité des faits reprochés à M. A... qui, notamment, côtoie des adolescentes mineures dans l'exercice de sa mission, et en particulier de ceux mentionnés au point 5, la sanction de révocation prononcée à son encontre par le président du conseil départemental du Var ne présente pas un caractère disproportionné, peu important ses qualités professionnelles reconnues par ailleurs.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

11. Par voie de conséquence de ce qui vient d'être dit, le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions présentées par M. A... à fins de réintégration et de régularisation de sa situation administrative doivent être rejetées

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département du Var, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... réclame au titre des frais liés à l'instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le versement à ce département d'une somme de 2 000 euros en application de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera au département du Var une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au département du Var.

Délibéré après l'audience du 15 mai 2025 où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- Mme Rigaud, présidente-assesseure,

- M. Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juin 2025.

2

N° 23MA01925


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01925
Date de la décision : 03/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme RIGAUD
Rapporteur ?: M. Jérôme MAHMOUTI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : DAVID

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-03;23ma01925 ?
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