Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... D..., agissant tant en son nom propre qu'au nom de sa fille mineure C... A..., a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à lui payer la somme de 37 226,50 euros en réparation des préjudices subis et celle de 14 292 euros en réparation des préjudices propres subis par sa fille, suite à la faute commise lors de la prise en charge de son compagnon, M. J... A..., au service des urgences le 10 décembre 2017.
Par un jugement n° 2002877 du 27 décembre 2022, le tribunal administratif de Nice a condamné solidairement le CHU de Nice et la SHAM à payer à Mme D..., en son nom propre et en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure, la somme totale de 38 686,46 euros, à payer à la CPAM du Puy-de-Dôme la somme de 3 920,26 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 février 2021, avec capitalisation à la date du 2 février 2022 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date et celle de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Le tribunal a, enfin, mis les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 787,62 euros, à la charge définitive du CHU de Nice et de la SHAM, son assureur.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 24 février 2023, le 28 mars 2023 et le 6 mai 2024, le centre hospitalier universitaire de Nice et la société Relyens Mutual Insurance, anciennement dénommée Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), représentés par la SARL Le Prado-Gilbert, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 27 décembre 2022 ;
2°) de rejeter les conclusions de Mme D... et de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme ;
3°) subsidiairement, de réformer le jugement attaqué et de rejeter les conclusions de Mme D... ;
4°) encore plus subsidiairement, de réformer le jugement attaqué et de ramener la somme qu'ils ont été condamnés à verser à Mme D... en son nom propre et en sa qualité de représentante C... A... à la somme de 21 186,46 euros.
Ils soutiennent que :
- il n'y a pas eu de faute lors de la prise en charge de M. A... au service des urgences du centre hospitalier, et la responsabilité de l'établissement ne peut donc pas être engagée ;
- les préjudices corporels et moraux de Mme D... et C... A... ont d'ores-et-déjà été définitivement réparés par l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 8 novembre 2018 revêtu de l'autorité de la chose jugée et elles ne peuvent obtenir réparation de ces mêmes chefs de préjudices devant le juge administratif sans qu'il soit porté atteinte au principe de la réparation intégrale du préjudice ;
- dans l'hypothèse où une faute serait retenue, la responsabilité de l'établissement ne pourrait être engagée que partiellement à hauteur d'une perte de chance de Mme D... et de sa fille en lien avec la faute imputable ;
- le jugement attaqué doit donc être annulé en ce qu'il les condamne à payer la somme de 20 375,20 euros en réparation du déficit fonctionnel temporaire, du déficit fonctionnel permanent, des souffrances endurées, et du préjudice esthétique de Mme D..., et la somme de 17 216,80 en réparation des mêmes chefs de préjudices subis par C... A... ;
- subsidiairement, les sommes de 5 000 euros respectivement allouées par le juge pénal en réparation des préjudices corporels et moral subis par Mme D... et par C... A... en lien avec l'agression dont elles ont été victimes doivent être déduites des indemnités allouées en réparation du déficit fonctionnel permanent, des souffrances endurées et du préjudice esthétique subis par elles ; la condamnation devra donc être limitée aux sommes de 15 375,20 et 12 216,80 euros ;
- subsidiairement, les sommes allouées au titre de l'indemnisation des souffrances endurées doivent être ramenées à 7 200 et 3 600 euros respectivement pour Mme D... et C... A..., et celles allouées au titre de l'indemnisation du préjudice esthétique doivent être ramenées à 1 850 euros pour chacune.
Par un mémoire, enregistré le 14 juin 2023, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, venant aux droits de l'ancienne caisse RSI, représentée par Me Vergeloni, demande à la cour :
1°) de condamner solidairement le CHU de Nice et la société Relyens Mutual Insurance à lui payer la somme de 3 920,26 euros correspondant à sa créance définitive au titre des prestations prises en charge pour le compte de Mme D..., avec intérêts au taux légal à compter de la date du dépôt de son mémoire le 2 février 2021 et capitalisation annuelle sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil ;
2°) de condamner solidairement le CHU de Nice et la société Relyens Mutual Insurance à lui payer la somme de 93,64 euros correspondant à sa créance définitive au titre des prestations prises en charge pour le compte C... A... ;
3°) de condamner solidairement le CHU de Nice et la société Relyens Mutual Insurance à lui payer la somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité prévue par l'article L. 376-1 alinéas 9 et 10 du code de la sécurité sociale ;
4°) de mettre à la charge solidaire du CHU de Nice et de la société Relyens Mutual Insurance la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'elle est fondée à demander le remboursement des débours définitifs d'un montant de 3 920,26 euros assorti des intérêts au taux légal à compter du 2 février 2021 avec capitalisation annuelle en ce qui concerne Mme D..., et d'un montant de 93,64 euros en ce qui concerne C... A....
Par des mémoires, enregistrés le 16 janvier 2024 et le 28 mai 2024, Mme D... agissant tant en son nom propre qu'au nom de sa fille mineure, C... A..., représentée par Me Barlet, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge du CHU de Nice et de la société Relyens Mutual Insurance sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la responsabilité du CHU de Nice est engagée en raison de la faute commise lors de la prise en charge de M. A... par le service des urgences le 10 décembre 2017 ;
- aucune exception de chose jugée ne peut être opposée et la condamnation civile prononcée à l'encontre de M. A... n'emporte pas réparation intégrale des préjudices subis ;
- la demande du CHU de Nice tendant à déduire les sommes allouées par le juge pénal des indemnités allouées en réparation du déficit fonctionnel temporaire, du déficit fonctionnel permanent, des souffrances endurées et du préjudice esthétique subis doit être rejetée ;
- l'indemnisation des préjudices ne doit pas non plus être minorée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rigaud,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me Barlet, représentant Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice et son assureur, la société Relyens Mutual Insurance, venant aux droits de la SHAM, relèvent appel du jugement du 27 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice les a condamnés solidairement à payer à Mme D..., en son nom propre et en sa qualité de représentante de sa fille mineure C... A..., la somme totale de 38 686,46 euros en réparation des préjudices subis en raison de la faute commise par le CHU de Nice lors de la prise en charge de M. A... au service des urgences le 10 décembre 2017.
Sur le bienfondé du jugement :
En ce qui concerne l'exception de chose jugée :
2. Par un arrêt du 8 novembre 2018, la Cour d'appel d'Aix en Provence a reconnu M. A... coupable d'avoir tenté de donner volontairement la mort à C... A... et à Mme D..., l'a déclaré irresponsable pénalement et l'a condamné civilement à verser aux victimes une somme de 5 000 euros chacune en réparation des préjudices subis. Le CHU de Nice n'étant pas partie au litige devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, c'est à bon droit que, par les motifs exposés aux points 2 à 4 du jugement attaqué qu'il y a lieu d'adopter, les premiers juges ont écarté l'exception de chose jugée opposée par l'établissement de santé.
3. Toutefois, il appartient au juge administratif de prendre, en déterminant la qualité et la forme de l'indemnité par lui allouée, les mesures nécessaires en vue d'empêcher que sa décision n'ait pour effet de procurer à la victime, par suite des indemnités qu'elle a pu ou qu'elle peut obtenir devant d'autres juridictions à raison des conséquences dommageables du même accident, une réparation supérieure au montant total du préjudice subi.
En ce qui concerne la responsabilité du CHU de Nice et de la société Relyens Mutual Insurance :
4. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / (...) ".
5. Il résulte de l'instruction, notamment des rapports d'expertise réalisés par le Dr H... et le Pr G..., experts psychiatres, à la demande du juge d'instruction dans le cadre de l'enquête pénale, par le Dr I..., expert psychiatre, désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Nice à la demande de Mme D..., et par le Dr E..., expert psychiatre, désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Nice à la demande de M. A..., que ce dernier a présenté un épisode dépressif majeur qui s'est installé de manière rapidement progressive à partir du mois de novembre 2017, présentant tous les signes classiques d'une dépression mélancolique avec une dimension psychotique. Il en résulte en outre que M. A... s'est rendu une première fois au service des urgences du CHU de Nice le 9 décembre 2017 au matin sans avoir été examiné par un médecin puis s'est de nouveau présenté à ce service le 10 décembre 2017 vers 14 heures 45, accompagné par Mme D..., et a été orienté vers le centre d'accueil psychiatrique de l'établissement où il a été examiné par une interne en psychiatrie après plusieurs heures d'attente. Lors de cet entretien, il a évoqué notamment, à l'étude de ses antécédents, un épisode de dépression survenu en 2003 ainsi que la pathologie bipolaire sévère dont sa mère est atteinte. L'interne en psychiatrie a retenu l'existence de " symptômes psychotiques aigus sur facteurs de stress ", après avoir identifié divers symptômes alarmants ainsi que des éléments plus rassurants. Le diagnostic posé a été celui d'une " probable personnalité schizotypique avec apparition d'éléments psychotiques dans un contexte de stress aigu ", correspondant, conformément aux conclusions des différentes expertises précitées, à un épisode dépressif très grave, mélancolique, dont la dimension psychotique a été identifiée par le service des urgences du CHU de Nice. A ce titre, la circonstance exposée par le CHU de Nice que M. A... ne présentait pas d'antécédents de passage à l'acte auto ou hétéro agressif et n'avait pas fait l'objet de prise en charge psychiatrique n'est pas de nature à contredire le diagnostic ainsi posé le 10 décembre 2017. Vers 20 heures 15, M. A... a été invité à quitter l'établissement avec une prescription d'un traitement ambulatoire par voie orale associant des médications neuroleptique (Risperdal à posologie modérée), anxiolytique (Seresta) et somnifère (Imovane au coucher). Il a également été orienté vers le centre médico-psychologique de proximité avec un rendez-vous programmé la semaine suivante au service des urgences psychiatriques. Il en résulte également que l'interne en psychiatrie n'a pas alerté le psychiatre sénior de permanence pour l'interroger quant à la conduite à tenir. Selon les experts, les éléments recueillis lors de l'examen psychiatrique réalisé au service des urgences du CHU de Nice et le diagnostic retenu aurait donc dû conduire à l'hospitalisation immédiate de M. A.... C'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu qu'en n'hospitalisant pas M. A... en milieu psychiatrique lors de sa venue au service des urgences le 10 décembre 2017 et après son examen au service d'accueil psychiatrique, le CHU de Nice a commis une faute dans la prise en charge initiale du patient. Cette faute qui a donné l'opportunité à M. A... de se retrouver seul en présence de sa compagne et de sa fille et de porter atteinte à leur intégrité est de nature à engager la responsabilité du CHU de Nice.
6. Le CHU de Nice soutient devoir être exonéré, a minima partiellement, de sa responsabilité, cette dernière devant être limitée à une perte de chance dès lors que le couple de M. A... et Mme D... s'est abstenu de se procurer le traitement prescrit au service des urgences, au besoin auprès d'une pharmacie de garde, contribuant ainsi à la survenance du dommage. Il résulte toutefois de l'instruction, notamment de l'expertise réalisée par le Dr E..., que si l'urgence de se procurer le traitement était implicite et le CHU n'avait pas l'obligation d'administrer lui-même les médicaments en l'absence d'hospitalisation, il est impossible d'établir que la prise par M. A... de la prescription médicale à l'heure tardive de sa sortie de l'hôpital aurait permis d'éviter le passage à l'acte le matin suivant à 7 heures 15. En outre, il résulte de l'expertise réalisée par le Dr I... que, compte tenu de la gravité de la pathologie présentée, du caractère délirant des troubles présentés par l'intéressé et de l'heure à laquelle il a quitté le CHU, celui-ci ne paraissait pas en mesure de pouvoir avoir recours par lui-même à la prise du traitement neuroleptique nécessaire, qui, s'il était justifié, devait être délivré sous surveillance médicale en milieu hospitalier. Le CHU de Nice n'est donc pas fondé à solliciter l'exonération même partielle de sa responsabilité ou l'application d'un taux de perte de chance.
En ce qui concerne l'indemnisation :
7. D'une part, la nature et l'étendue des réparations incombant à une collectivité publique du chef d'un accident dont la responsabilité lui est imputée, ne dépendent pas de l'évaluation du dommage faite par l'autorité judiciaire dans un litige où elle n'a pas été partie et n'aurait pu l'être mais doivent être déterminées par le juge administratif, compte tenu des règles afférentes à la responsabilité des personnes morales de droit public et, d'autre part, il appartient au juge administratif de prendre, en déterminant la qualité et la forme de l'indemnité par lui allouée, les mesures nécessaires en vue d'empêcher que sa décision n'ait pour effet de procurer à la victime, par suite des indemnités qu'elle a pu ou qu'elle peut obtenir devant d'autres juridictions à raison des conséquences dommageables du même accident, une réparation supérieure au montant total du préjudice subi.
8. La faute commise par le CHU de Nice porte, en elle-même, l'intégralité des dommages subis par Mme D... et C... A... et la circonstance que M. A... a été reconnu civilement responsable de ces dommages par l'arrêt du 8 novembre 2018 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ne fait pas obstacle à la condamnation de l'établissement public à réparer l'intégralité des préjudices résultant de la faute commise le 10 décembre 2017, à charge pour le juge, ainsi qu'il a été dit au point 3 du présent arrêt, d'éviter une double indemnisation des postes de préjudice au titre desquels il a été obtenu réparation devant la juridiction judiciaire, en déduisant du montant total des préjudices subis, de manière globale et non poste par poste, l'indemnité accordée par celle-ci.
En ce qui concerne les préjudices de Mme D... :
9. La date de consolidation de l'état de santé de Mme D... a été fixée par le rapport de l'expertise à la date, non contestée, du 25 septembre 2019.
Quant aux préjudices patrimoniaux :
10. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que l'état de santé de Mme D... a nécessité l'aide d'une tierce personne pour les gestes de la vie courante, à raison d'une heure trente par jour du 12 décembre 2017 (Mme D... ayant été hospitalisée le 11 décembre 2017) au 21 janvier 2018. Il ne résulte pas de l'instruction que Mme D... aurait perçu, au cours de cette période, l'allocation personnalisée d'autonomie, la prestation de compensation de handicap ou bénéficié du crédit d'impôt prévu à l'article 199 sexdecies du code général des impôts. Sur la base d'un taux horaire moyen évalué à partir du salaire minimum interprofessionnel de croissance augmenté des charges sociales, qui s'établissait alors à 13 euros, en ce qui concerne la période comprise entre les 12 et 31 décembre 2017 et à 14 euros en ce qui concerne la période comprise entre les 1er et 21 janvier 2018, et d'une année de 412 jours comprenant les congés payés et jours fériés, les frais au titre de l'aide d'une tierce personne sur cette période s'élèvent ainsi à la somme de 938 euros.
11. Le montant de l'indemnisation des dépenses de santé exposées par Mme D..., de 170 euros, n'est contesté par aucune des parties et doit être confirmé.
Quant aux préjudices extra patrimoniaux temporaires :
12. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le déficit fonctionnel temporaire de Mme D... a été total les 11 et 12 décembre 2017. Son déficit fonctionnel temporaire a ensuite été partiel de 50 % du 13 décembre 2017 au 21 janvier 2018, puis de 25 % du 22 janvier 2018 au 21 mars 2018, puis de 10 % du 22 mars 2018 au 25 septembre 2019. Le préjudice subi, à ce titre, peut être évalué, sur une base de 500 euros par mois pour un déficit fonctionnel temporaire total, à la somme de 1 513,15 euros.
13. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les souffrances endurées par Mme D..., prenant en considération la frayeur initiale, l'état de stress post-traumatique, les manifestations douloureuses et les plaies ayant justifié une hospitalisation de Mme D..., ont été évaluées à 4 sur une échelle de 7. La somme de 10 000 euros allouée par les premiers juges dans les circonstances particulières de l'espèce n'apparaît pas surévaluée ou excessive.
Quant aux préjudices extra patrimoniaux permanents :
14. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que Mme D... présente un déficit fonctionnel permanent de 5 % constitué, sur le plan psychologique, des manifestations anxieuses résultant d'un état de stress post-traumatique en rapport avec la situation d'effroi vécue lors de son agression, avec des manifestations anxiophobiques, des conduites de réassurance et une hypervigilance. Eu égard à ce taux et à son âge à la date de consolidation de son état de santé, la somme de 5 900 euros allouée par les premiers juges pour indemniser son déficit fonctionnel permanent n'apparaît ni insuffisante, ni excessive.
15. Il résulte de l'instruction que Mme D... subit un préjudice esthétique permanent constitué de trois cicatrices de 4,5 et 5 centimètres au niveau sous claviculaire et aux deux mains, n'entraînant pas de déformation, évalué à 2 sur une échelle de 1 à 7. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en évaluant le montant de sa réparation à 2 000 euros. La somme de 3 000 euros allouée par les premiers juges à ce titre doit donc être ramenée à celle 2 000 euros.
En ce qui concerne les préjudices C... A... :
16. La date de consolidation de l'état de santé de l'enfant C... A... a été fixée par le rapport de l'expertise à la date, non contestée, du 11 mai 2022.
Quant aux préjudices extra patrimoniaux temporaires :
17. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le déficit fonctionnel temporaire de l'enfant C... A... a été total les 11 et 12 décembre 2017. Son déficit fonctionnel temporaire a ensuite été partiel de 25 % du 13 décembre 2017 au 13 janvier 2018, puis de 10 % du 14 janvier 2018 au 13 janvier 2020, puis de 5 % du 14 janvier 2020 au 11 mai 2022. Le préjudice subi, à ce titre, peut être évalué, sur une base de 500 euros par mois pour un déficit fonctionnel temporaire total, à la somme de 2 062,20 euros.
18. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les souffrances endurées par l'enfant C... A..., prenant en considération la frayeur initiale, l'état de stress post-traumatique, les manifestations douloureuses et les plaies ayant justifié une hospitalisation, des soins médicaux et le retentissement psychologique ont été évaluées à 3 sur une échelle de 7. La somme de 6 000 euros allouée par les premiers juges dans les circonstances particulières de l'espèce n'apparaît pas surévaluée ou excessive.
Quant aux préjudices extra patrimoniaux permanents :
19. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, qu'Elodie A... présente un déficit fonctionnel permanent de 5 % constitué d'un état anxieux réactionnel entretenant une angoisse d'abandon et d'insécurité. Eu égard à ce taux et à son âge à la date de consolidation de son état de santé, la somme de 6 200 euros allouée par les premiers juges pour indemniser son déficit fonctionnel permanent n'apparaît ni insuffisante ni excessive.
20. Il résulte de l'instruction qu'Elodie A... subit un préjudice esthétique permanent constitué d'une cicatrice pectorale, évalué à 2 sur une échelle de 1 à 7. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en évaluant le montant de sa réparation à 2 000 euros. La somme de 3 000 euros allouée par les premiers juges à ce titre doit donc être ramenée à celle 2 000 euros.
21. Il résulte de ce qui précède que le montant total des préjudices subis par Mme D..., en conséquence de la faute du CHU de Nice, s'élève à 20 521,15 euros, et celui des préjudices subis par C... A... à 16 262,20 euros. Mme D... a perçu tant en son nom propre qu'en qualité de représentante de sa fille mineure C... A..., pour la réparation des mêmes dommages corporels, une indemnité de 10 000 euros en exécution de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 18 novembre 2018. Eu égard à l'obligation, rappelée au point 3, faite au juge administratif d'éviter une double indemnisation, le CHU de Nice et son assureur ne peuvent être condamnés solidairement à payer à Mme D..., tant en son nom propre qu'en sa qualité de représentante C... A..., que la somme totale de 26 783,36 euros.
Sur les droits de la CPAM du Puy-de-Dôme :
En ce qui concerne les débours concernant Mme D... :
22. Comme l'ont, à bon droit, retenu les premiers juges, la CPAM du Puy-de-Dôme justifie des débours pour un montant de 3 920,26 euros par la production d'un relevé détaillé et d'une attestation d'imputabilité établie par son médecin-conseil. Le tribunal ayant condamné solidairement le CHU de Nice et la SHAM, devenue société Relyens Mutual Insurance, à verser à la CPAM du Puy-de-Dôme la somme de 3 920,26 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 février 2021 et avec capitalisation de ces intérêts à la date du 2 février 2022 puis à chaque échéance annuelle, il n'y a dès lors pas lieu de réformer le jugement attaqué sur ce point.
En ce qui concerne les débours concernant C... A... :
23. Le tribunal administratif a rejeté pour irrecevabilité la demande de la CPAM du Puy-de-Dôme tendant au paiement des prestations servies à l'enfant C... A... comme n'étant pas chiffrée. La CPAM ne conteste pas l'irrecevabilité qui lui a été opposée. En outre, sa demande présentée devant la cour ne concerne que des prestations servies à la victime avant l'intervention du jugement a attaqué dont elle pouvait justifier avant cette date. Dès lors, les moyens invoqués à l'encontre du jugement attaqué s'agissant des débours concernant l'enfant C... A... sont inopérants. Les conclusions présentées par la CPAM du Puy-de-Dôme à ce titre doivent ainsi être rejetées.
En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire de gestion :
24. Lorsqu'une condamnation du tiers responsable au paiement de l'indemnité forfaitaire a été prononcée par les premiers juges, la caisse ne peut obtenir ensuite qu'un rehaussement du montant de l'indemnité forfaitaire, non une nouvelle condamnation, et seulement si elle obtient une majoration des sommes qui lui sont dues au titre de son action en indemnisation de ses débours. En l'espèce, les droits de la CPAM du Puy-de-Dôme ayant été rehaussés, celle-ci a droit à la différence entre la somme allouée par les premiers juges, soit 1 114 euros, et la valeur actuelle de l'indemnité forfaitaire de gestion issue de l'arrêté du 23 décembre 2024, soit 1 212 euros. Toutefois, la CPAM se borne à demander en appel la condamnation solidaire du CHU de Nice et de la société Relyens Mutual Insurance à lui payer la somme de 1 114 euros au titre de l'article L. 376-1 du code de sécurité sociale. Ses conclusions présentées à ce titre doivent donc être rejetées.
En ce qui concerne les intérêts et leur capitalisation :
25. La CPAM du Puy-de-Dôme demande que la somme allouée soit assortie des intérêts au taux légal. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 2 février 2021, date d'enregistrement de sa demande au greffe du tribunal. Elle demande également la capitalisation des intérêts, qui a été demandée à cette même date. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 2 février 2022, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur les dépens :
26. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties ".
27. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge définitive du CHU de Nice et de la société Relyens Mutual Insurance les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme totale de 2 787,62 euros par les ordonnances de la présidente du tribunal administratif de Nice du 26 février 2019 et du 18 août 2022.
Sur les frais liés au litige :
28. Dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il n'y a pas lieu de mettre à la charge du CHU de Nice et de la société Relyens Mutual Insurance la somme que demande Mme D... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens et celle que demande au même titre la CPAM du Puy-de-Dôme.
D É C I D E :
Article 1er : La somme de 38 686,46 euros que le CHU de Nice et la SHAM, devenue société Relyens Mutual Insurance, ont été solidairement condamnés à payer à Mme D..., en son nom propre et en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure est ramenée à 26 783,36 euros.
Article 2 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 787,62 euros, sont laissés à la charge définitive du CHU de Nice et de la société Relyens Mutual Insurance.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 27 décembre 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de Nice, à la société Relyens Mutual Insurance, à Mme B... D... et à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme.
Copie en sera adressée au Docteur F... I..., expert.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Fedi, présidente de chambre,
- Mme Rigaud, présidente assesseure,
- M. Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2025.
2
N° 23MA00468