Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Gourdon a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler le titre exécutoire n° 2377 d'un montant de 28 099,10 euros émis le 12 juillet 2021 à son encontre par l'Office national des forêts et de mettre à la charge de l'Office national des forêts une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2104665 du 24 avril 2024, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de la commune de Gourdon.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 24 mai 2024 et trois mémoires du 20 décembre 2024, du 31 mars 2025 et du 24 avril 2025, la commune de Gourdon, représentée par Me Suares, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 24 avril 2024 ;
2°) d'annuler l'état exécutoire n° 2377 d'un montant de 28 099,10 euros émis le 12 juillet 2021 à son encontre par l'Office national des forêts ;
3°) de surseoir à statuer ;
4°) de mettre à la charge de l'Office national des forêts la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête de première instance était recevable ;
- la parcelle D0062 n'est pas soumise au régime forestier ;
- l'assiette de la contribution aux frais de garderie dont le paiement lui est réclamé ne pouvait comprendre les produits de l'exploitation de la carrière du " Bois de Gourdon " dès lors que celle-ci ne présente pas un caractère forestier ;
- le produit des forêts n'est pas un impôt mais une contribution en contrepartie de frais de garderie ; la carrière ne présente aucun caractère forestier ;
- l'Office national des forêts ayant ainsi perçu des deniers publics sans aucune contrepartie, l'objectif à valeur constitutionnelle de bon usage des deniers publics a été méconnu ;
- il y a lieu de surseoir à statuer dans l'attente de l'aboutissement de la procédure de distraction de la parcelle C0237 du régime forestier.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2024, et un mémoire complémentaire du 10 mars 2025, l'Office national des forêts, représenté par la SCP Poupet et Kacenelenbogen, demande à la Cour de rejeter la requête de la commune de Gourdon et de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance en date du 11 mars 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er avril 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code forestier ;
- la loi n° 78-1239 du 29 décembre 1978 ;
- la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Point, rapporteur,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Suares, pour la commune de Gourdon.
Considérant ce qui suit :
1. Le 12 juillet 2021, l'Office national des forêts (ONF) a émis à l'encontre de la commune de Gourdon un titre de recettes d'un montant de 28 099,10 euros, au titre des frais de garderie de la forêt de la commune pour l'année 2020. La commune de Gourdon a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler ce titre exécutoire. La commune relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 211-1 du code forestier : " I. - Relèvent du régime forestier, constitué des dispositions du présent livre, et sont administrés conformément à celui-ci : (...) 2° Les bois et forêts susceptibles d'aménagement, d'exploitation régulière ou de reconstitution qui appartiennent aux collectivités et personnes morales suivantes, ou sur lesquels elles ont des droits de propriété indivis, et auxquels ce régime a été rendu applicable dans les conditions prévues à l'article L. 214-3 : a) Les régions, la collectivité territoriale de Corse, les départements, les communes ou leurs groupements, les sections de communes ; (...) ". Aux termes de l'article 92 de la loi du 29 décembre 1978 de finances pour 1979, dans sa rédaction issue de la loi du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 : " A compter du 1er janvier 1996, les contributions des collectivités territoriales, sections de communes, établissements publics, établissements d'utilité publique, sociétés mutualistes et caisses d'épargne aux frais de garderie et d'administration de leurs forêts relevant du régime forestier, prévues à l'article L. 147-1 du code forestier, sont fixées à 12 p. 100 du montant hors taxe des produits de ces forêts (...) / Les produits des forêts mentionnés au premier alinéa sont tous les produits des forêts relevant du régime forestier, y compris ceux issus de la chasse, de la pêche et des conventions ou concessions de toute nature liées à l'utilisation ou à l'occupation de ces forêts, ainsi que tous les produits physiques ou financiers tirés du sol ou de l'exploitation du sous-sol. Pour les produits de ventes de bois, le montant est diminué des ristournes consenties aux acheteurs dans le cas de paiement comptant et, lorsqu'il s'agit de bois vendus façonnés, des frais d'abattage et de façonnage hors taxe ".
3. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de l'article 113 de la loi du 28 décembre 2011 duquel elles sont issues, qu'en mentionnant les produits physiques ou financiers tirés du sol ou de l'exploitation parmi les éléments de l'assiette de la contribution pour " frais de garderie ", le législateur a entendu y inclure l'ensemble des produits tirés des forêts relevant du régime forestier, y compris ceux qui résultent d'activités sans autre lien avec les bois et forêts que leur localisation géographique à l'intérieur d'une zone soumise à ce régime.
4. Il résulte de l'instruction que la société d'exploitation de carrières (SEC) bénéficie d'une autorisation d'exploiter les carrières de calcaire du massif de Gourdon. A compter de l'année 2018, cette exploitation a été étendue sur la parcelle C0237, dont la commune est propriétaire. Les conditions de cette exploitation et de son extension ont été définies par une convention tripartite conclue entre l'ONF, la commune de Gourdon et la société d'exploitation de carrières le 17 juin 2015. Par un premier courrier adressé au maire de Gourdon le 15 novembre 2019, l'ONF a informé la commune que l'extension de l'exploitation de la carrière sur la parcelle C0237 concernait une parcelle cadastrale incluse dans le régime forestier et que la redevance de la concession entrait dès lors dans l'assiette des frais de garderie. Par voie de conséquence, il lui a demandé de lui fournir des éléments sur le montant des produits de la convention relative à l'exploitation constatés en 2018. Par un second courrier, adressé à la commune le 13 décembre 2019, l'ONF a de nouveau demandé à la commune de lui fournir des renseignements sur les produits relatifs à l'exploitation de la parcelle C0237, en vue d'établir le montant de la contribution. Ces demandes sont restées sans réponse. Par un courrier daté du 27 janvier 2020, en l'absence d'éléments d'informations de la part de la commune de Gourdon sur les recettes de l'exploitation de la carrière sur la parcelle C0237, l'ONF a demandé au centre des finances publiques de Valbonne de lui communiquer le montant des loyers pour l'exercice 2019.
5. En premier lieu, pour contester la contribution mise à sa charge au titre de l'année 2020, la commune de Gourdon soutient que la parcelle cadastrée D0062, sur laquelle est également exercée l'activité d'exploitation des carrières de calcaire par la société d'exploitation de carrières, a été distraite du régime forestier. Il résulte toutefois de l'instruction, en particulier de la décision attaquée et des trois courriers du 15 novembre 2019, du 13 décembre 2019 et du 27 janvier 2020 mentionnés précédemment au point 4, que l'ONF n'a inclus dans l'assiette de la contribution pour l'année 2020 que le seul produit de l'exploitation de la parcelle C0237 au cours de l'exercice 2019, à l'exclusion de toute autre parcelle. Par suite, la commune de Gourdon n'est pas fondée à soutenir que le produit de la parcelle D0062 aurait été intégré dans l'assiette de la contribution.
6. En deuxième lieu, la commune de Gourdon fait valoir que la parcelle C0237 ne présente pas un caractère forestier et ne relève pas du régime forestier. Si la commune fait valoir à cet effet que le conseil municipal a délibéré le 6 février 2025 pour approuver le dépôt d'une demande auprès du préfet des Alpes-Maritimes en vue de distraire du régime forestier la parcelle C0237, elle ne conteste pas utilement que cette parcelle relevait du régime forestier en 2019 et en 2020. Par ailleurs, si la configuration physique des lieux est différente de celles d'autres parcelles relevant du régime forestier, comme la parcelle B0382 mentionnée dans les écritures de la commune, notamment du fait des opérations de défrichage mises en œuvre pour permettre l'activité d'exploitation de la carrière, il résulte de ce qui a été exposé au point 3 que cette circonstance est sans incidence sur l'inclusion du produit de l'activité dans l'assiette de la contribution due par les collectivités territoriales au titre des frais de garde, en application des dispositions de l'article 92 de la loi du 29 décembre 1978 de finances pour 1979. Par suite, le moyen doit être écarté.
7. En troisième lieu, la commune de Gourdon soutient qu'en mettant à sa charge la contribution litigieuse, l'ONF a méconnu l'exigence constitutionnelle de bon emploi des deniers publics dès lors que ladite contribution, qui a le caractère d'une redevance, ne repose sur aucune contrepartie. Toutefois, l'objectif à valeur constitutionnelle de bon emploi des deniers publics ne s'impose, en tant que tel, qu'au législateur dans l'exercice de ses compétences. Au surplus, les contributions versées par les collectivités territoriales, qui sont fixées par la loi de manière forfaitaire et sans contrepartie, ont un caractère fiscal. Par suite, le moyen doit être écarté.
8. En dernier lieu, la commune de Gourdon indique dans le dernier état de ses écritures qu'elle n'entend pas contester le motif par lequel, aux points 6 et 7 du jugement, le tribunal administratif de Nice a écarté le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques.
9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer, que les conclusions aux fins d'annulation présentées par la commune de Gourdon doivent être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'ONF, qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à verser une somme à la commune de Gourdon sur ce fondement. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Gourdon la somme de 2 000 euros réclamée par l'ONF sur ce même fondement.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Gourdon est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'Office national des forêts au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Gourdon et à l'Office national des forêts.
Délibéré après l'audience du 7 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- M. Point, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 mai 2025.
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N° 24MA01291