Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Puget-sur-Argens a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du préfet du Var du 24 novembre 2021 portant enregistrement de l'exploitation, par la SAS Abel Garcin Terrassement, d'une installation de concassage et de criblage ainsi que d'une installation de transit de matériaux inertes au lieudit le Jas Neuf sur son territoire.
Par un jugement n° 2200900 du 12 septembre 2024, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 24 novembre 2021.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 novembre 2024 et 14 janvier 2025, la SAS Abel Garcin Terrassement, représentée par la SELARL Fourmeaux, Lambert et Associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 septembre 2024 ;
2°) de rejeter la demande de la commune de Puget-sur-Argens ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Puget-sur-Argens une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de première instance était tardive au regard des dispositions de l'article R. 514-3-1 du code de l'environnement ;
- le maire n'était pas compétent pour introduire cette instance compte tenu des dispositions de l'article L. 2132-1 du code général des collectivités territoriales et de la délibération du 4 juillet 2020 par laquelle le conseil municipal lui avait attribué délégation ;
- les installations ne sont pas incompatibles avec l'orientation d'aménagement et de programmation n° 6 figurant au plan local d'urbanisme révisé, qui prévoit la construction d'une nouvelle voirie ;
- les autres moyens présentés par la commune à l'appui de sa demande sont non fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2024, et un mémoire, enregistré le 17 janvier 2025 et non communiqué, la commune de Puget-sur-Argens, représentée par la SELAS Ateos, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SAS Abel Garcin Terrassement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la qualité pour agir du représentant de la requérante n'est pas établie ;
- la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève ;
- l'illégalité de l'arrêté résulte également du caractère frauduleux du dossier présenté à la préfecture s'agissant de la maîtrise du tènement foncier et de l'atteinte portée aux intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poullain,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Aubert, substituant la SELARL Fourmeaux, Lambert et Associés, représentant la SAS Abel Garcin Terrassement, et de Me Baudino, représentant la commune de Puget-sur-Argens.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Abel Garcin Terrassement exploite à Puget-sur-Argens notamment une unité de broyage, concassage, criblage mélange de pierres, cailloux ainsi qu'une unité de transit de produits minéraux ou de déchets non dangereux inertes déclarées sous les rubriques n° 2515 et 2517 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement. Les services en charge du contrôle de ces installations ont relevé que les seuils respectifs de puissance et de superficie correspondant à ces rubriques étaient dépassés et, par courrier du 28 février 2020, la société a été mise en demeure de régulariser sa situation. Elle a en conséquence déposé, le 16 juin 2021, une demande d'enregistrement d'installations relevant des rubriques n° 2515-1-a et 2517-1 de ladite nomenclature. La SAS Abel Garcin Terrassement relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulon, saisi par la commune du Puget-sur-Argens, a annulé l'arrêté du préfet du Var du 24 novembre 2021 faisant droit à cette demande.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : / (...) / 16 ° D'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal, (...) ". Il résulte de ces dispositions que le conseil municipal peut légalement donner au maire de la commune une délégation générale pour ester en justice au nom de la collectivité.
3. En l'espèce, la délégation donnée au maire de la commune de Puget-sur-Argens par délibération du conseil municipal du 4 juillet 2020 reproduit le texte du 16° de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales cité ci-dessus et précise que " la délégation s'exerce dans tous les cas : qu'il s'agisse d'intenter des actions au nom de la commune ou de la défendre dans toutes celles intentées contre elle devant toutes les juridictions publiques ou privées ". En l'absence de toute mention restrictive, cette délégation revêt une portée générale. Il s'en suit que le maire était compétent pour introduire la demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral devant le tribunal administratif.
4. En deuxième lieu, en application de l'article R. 181-44 du code de l'environnement, auquel renvoie l'article R. 512-46-24 du même code s'agissant de la publicité de l'arrêté d'enregistrement, un extrait de celui-ci doit être affiché à la mairie de la commune d'implantation du projet et l'arrêté lui-même doit être publié sur le site internet des services de l'Etat dans le département où il a été délivré. Aux termes de l'article R. 514-3-1 du code de l'environnement dans sa version applicable : " Les décisions mentionnées (...) au I de l'article L. 514-6 peuvent être déférées à la juridiction administrative : / 1° Par les tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers que le fonctionnement de l'installation présente pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 dans un délai de quatre mois à compter du premier jour de la publication ou de l'affichage de ces décisions ; / (...) ". Il résulte de ces dispositions que le délai de recours de quatre mois qu'elles instituent court à compter du premier jour de la publication ou du premier jour de l'affichage s'il est plus tardif.
5. La SAS Abel Garcin Terrassement n'allègue pas que l'arrêté litigieux aurait été affiché en mairie de Puget-sur-Argens et publié sur le site internet des services de l'Etat dans le Var avant le 30 novembre 2021. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir, aux seuls motifs que l'arrêté en litige date du 24 novembre 2021 et que la commune ne justifie pas des dates d'accomplissement des formalités de publicité exigées, que la demande de la collectivité, enregistrée au greffe du tribunal administratif le 31 mars 2022, était tardive.
Sur la fraude quant à la maîtrise foncière de la parcelle :
6. Aux termes du I de l'article L. 512-7 du code de l'environnement : " Sont soumises à autorisation simplifiée, sous la dénomination d'enregistrement, les installations qui présentent des dangers ou inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, lorsque ces dangers et inconvénients peuvent, en principe, eu égard aux caractéristiques des installations et de leur impact potentiel, être prévenus par le respect de prescriptions générales édictées par le ministre chargé des installations classées ".
7. Il résulte des dispositions de l'article R. 512-46-4 du code de l'environnement, qui listent les pièces qui doivent être jointes à toute demande d'enregistrement d'une installation classée pour la protection de l'environnement, que le pétitionnaire n'a pas à produire de document attestant qu'il est le propriétaire du terrain d'assiette ou qu'il dispose du droit d'y réaliser son projet ou qu'une procédure est en cours ayant pour effet de lui conférer ce droit.
8. Toutefois, des obligations peuvent être imposées par le régime des installations classées au propriétaire du terrain en cas de dommages pour l'environnement et à la suite de la cessation d'activité s'agissant de la remise en état du site. Dès lors, le pétitionnaire, lorsqu'il n'est pas propriétaire du terrain d'assiette, doit détenir le droit d'y réaliser son projet ou avoir engagé une procédure pour l'obtenir lorsqu'il dépose sa demande d'enregistrement. Il s'en suit que l'enregistrement doit être regardé comme ayant été frauduleusement obtenu lorsque le pétitionnaire a procédé à une manœuvre de nature à induire l'administration en erreur à cet égard.
9. En l'espèce, si la SAS Abel Garcin Terrassement disposait d'un droit d'occupation du terrain d'assiette jusqu'au 29 juillet 2021 en vertu d'une convention d'occupation précaire que lui avait consentie la commune propriétaire, la collectivité l'avait informée, par courrier réceptionné le 25 mars précédent, que cette convention ne serait plus reconduite et lui avait demandé de remettre le site en état pour le 29 juillet 2021. A l'appui de sa demande, la société a produit ladite convention d'occupation sans préciser l'intention de la commune de ne pas la renouveler et en faisant au contraire état du renouvellement systématique de celle-ci chaque année depuis douze ans. En procédant de la sorte, la SAS Abel Garcin Terrassement s'est livrée à une manœuvre de nature à induire l'administration en erreur. Par suite, l'arrêté d'enregistrement en litige doit être regardé comme ayant été obtenu par fraude.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune de Puget-sur-Argens ni les autres moyens présentés à l'appui de la demande, que la SAS Abel Garcin Terrassement n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du préfet du Var du 24 novembre 2021.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Puget-sur-Argens qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS Abel Garcin Terrassement une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Puget-sur-Argens sur ce fondement.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS Abel Garcin Terrassement est rejetée.
Article 2 : La SAS Abel Garcin Terrassement versera une somme de 2 000 euros à la commune de Puget-sur-Argens au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Abel Garcin Terrassement, à la commune de Puget-sur-Argens et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 7 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mai 2025.
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N° 24MA02707
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