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23/05/2025 | FRANCE | N°24MA01549

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 23 mai 2025, 24MA01549


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :





La société The Watersnow Company a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 2 août 2021 par laquelle le directeur départemental des territoires et de la mer des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande d'attribution d'une autorisation d'occupation du domaine public maritime en vue de l'exploitation économique d'activités nautiques en bordure de la plage de la Garoupe à Antibes-Juan-les-Pins, ensemble la décision du 27 octobre 2021, rejeta

nt son recours gracieux.





Par un jugement n° 2106672 du 9 avril 2024, le tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société The Watersnow Company a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 2 août 2021 par laquelle le directeur départemental des territoires et de la mer des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande d'attribution d'une autorisation d'occupation du domaine public maritime en vue de l'exploitation économique d'activités nautiques en bordure de la plage de la Garoupe à Antibes-Juan-les-Pins, ensemble la décision du 27 octobre 2021, rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2106672 du 9 avril 2024, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 juin 2024, la société The Watersnow Company, représentée par Me d'Ornano, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 avril 2024 ;

2°) d'annuler les décisions des 2 août et 27 octobre 2021 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 202 290 euros en réparation du préjudice de perte d'exploitation subi ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 7 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur ses moyens tirés de l'irrégularité de la procédure d'attribution en raison de la modification de la superficie du domaine public qui en était l'objet et de l'irrégularité du dossier déposé par son unique concurrent ;

- la procédure d'attribution est irrégulière dès lors que l'arrêté délivré à sa concurrente l'autorise à occuper une superficie supérieure à celle qui a fait l'objet de mesures de publicité ;

- la candidature de sa concurrente était irrecevable ; elle portait sur une superficie supérieure à celle faisant l'objet de la publicité et ne respectait pas le principe de libre circulation des usagers le long du littoral ;

- l'appréciation de sa candidature est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la responsabilité de l'administration est engagée en raison des fautes commises ; elle doit être indemnisée de sa perte de marge brute.

Par courrier du 13 mars 2025, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la société The Watersnow Company tendant à la condamnation de l'Etat à verser la somme de 202 290 euros en réparation de son préjudice d'exploitation, nouvelles en appel.

Un mémoire a été produit le 20 mars 2025 pour la société The Watersnow Company en réponse à ce moyen.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2025, la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- les conclusions indemnitaires sont irrecevables comme nouvelles en appel ;

- le motif tiré de l'irrecevabilité de la candidature de la société requérante pourrait être substitué à ceux initialement opposés ; aucune information n'était donnée quant à l'occupation projetée sur l'espace occupé antérieurement par la société La Baie Dorée ; le préfet était tenu de rejeter son dossier ;

- les moyens de la requête sont non fondés ou en tout état de cause inopérants.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Poullain,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Devine, substituant Me d'Ornano, représentant la société The Watersnow Company.

Considérant ce qui suit :

1. La société The Watersnow Company exploitait, aux termes d'une sous-concession confiée par la commune d'Antibes-Juan-les-Pins, une activité de sports nautiques en bordure de la plage dite de La Garoupe, en continuité d'une zone de transats exploitée sur des dalles bétonnées par la société La Baie Dorée, accessoire à une activité hôtelière. L'Etat ayant repris la gestion directe de ce secteur, la société La Baie Dorée a sollicité, le 9 juin 2020, une autorisation d'occupation temporaire du domaine public pour une superficie plus importante que celle dont elle disposait jusqu'alors, intégrant la partie précédemment confiée à la société The Watersnow Company. Sur le fondement de l'article L. 2122-1-4 du code général de la propriété des personnes publiques, le préfet des Alpes-Maritimes a engagé, au printemps 2021, une procédure de publicité afin de permettre, le cas échéant, des manifestations d'intérêts concurrentes. La société The Watersnow Company, qui avait également demandé, dès le 15 novembre 2020, le bénéfice d'une autorisation d'occupation temporaire pour la poursuite de son activité, a dans un premier temps demandé sans succès au préfet d'envisager la délivrance de deux autorisations distinctes, correspondant aux périmètres des deux précédentes sous-concessions, puis a présenté, le 21 mai 2021, un dossier en réponse à cet appel à manifestations d'intérêts. La société The Watersnow Company relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur départemental des territoires et de la mer des Alpes-Maritimes du 2 août 2021 rejetant son offre, ensemble la décision du 27 octobre 2021, rejetant son recours gracieux.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort du dossier de première instance que, dans son mémoire en défense enregistré le 6 novembre 2023, la société The Watersnow Company soutenait que l'administration avait méconnu les dispositions de l'article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques dès lors que l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public qu'elle avait délivrée à la société La Baie Dorée après avoir procédé aux mesures de publicité prévues portait sur une superficie supérieure à celle qui avait fait l'objet de ces mesures. Le tribunal administratif n'a toutefois pas visé le moyen ainsi présenté et n'y a pas répondu. Son jugement a, dès lors, été rendu dans des conditions irrégulières et doit par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen d'irrégularité, être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société The Watersnow Company devant le tribunal administratif de Nice.

Sur le bien-fondé de la demande :

4. Aux termes du 1er alinéa de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous ". Selon le 1er alinéa de l'article L. 2122-1-1 du même code : " Sauf dispositions législatives contraires, lorsque le titre mentionné à l'article L. 2122-1 permet à son titulaire d'occuper ou d'utiliser le domaine public en vue d'une exploitation économique, l'autorité compétente organise librement une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d'impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester ". Aux termes de son article L. 2122-1-4 : " Lorsque la délivrance du titre mentionné à l'article L. 2122-1 intervient à la suite d'une manifestation d'intérêt spontanée, l'autorité compétente doit s'assurer au préalable par une publicité suffisante, de l'absence de toute autre manifestation d'intérêt concurrente ".

5. Il ressort de l'avis de publicité préalable diffusé par le préfet des Alpes-Maritimes que la partie du domaine public maritime concernée par l'autorisation d'occupation envisagée était d'une superficie totale de 677,33 m² constituée de dalles bétonnées, supportant un passage dit " sentier littoral " d'une largeur d'environ deux mètres et que le dossier à remettre par les candidats devait comporter une note précisant notamment " sur plan les caractéristiques de l'occupation projetée " et " la nature de l'activité envisagée ". L'analyse des projets devait se faire à l'aune de quatre critères pondérés, tirés de la qualité paysagère du projet, de sa cohérence fonctionnelle, avec la possibilité de prévoir des aménagements précaires et démontables, de sa cohérence avec la vocation maritime du site, notamment le plan de balisage existant ou à venir, enfin de la capacité économique et financière à entretenir, gérer et remettre à l'état naturel les lieux gérés. Les dossiers devaient être remis au plus tard le 21 mai 2021.

6. En premier lieu, l'autorisation d'occupation temporaire qui a été délivrée à la société La Baie Dorée à l'issue de cette procédure porte sur une superficie de 854,42 m², correspondant à l'offre présentée par l'attributaire. Si cette superficie parait ainsi dépasser celle de 677,33 m² mentionnée sur l'avis de publicité, la différence, de 177,09 m², correspond en réalité, à la lecture de l'autorisation, à la superficie d'un ponton en bois démontable et ses passerelles d'accès. Cet aménagement, précaire et démontable, n'augmentant pas l'emprise au sol de l'occupation, doit être regardé comme ayant été permis par l'avis de publicité. Sa prévision n'était dès lors pas de nature à rendre irrecevable l'offre de cette société et son acceptation n'a pas conduit l'Etat à s'écarter des termes de l'avis de publicité.

7. En deuxième lieu, la circonstance que la société La Baie Dorée ne se soit pas toujours montrée respectueuse des termes des titres d'occupation du domaine public dont elle était bénéficiaire et se soit rendue coupable de contravention de grande voirie n'était pas de nature à rendre sa candidature irrecevable dès lors qu'aucune condition ne figurait à cet égard dans l'avis de publicité. Pareillement, la circonstance que des pergolas aient été installées dans l'emprise du sentier littoral est à cet égard sans incidence, dès lors qu'il n'est pas allégué que leur installation était prévue dans la candidature de l'attributaire, leur suppression étant d'ailleurs requise par l'arrêté d'autorisation.

8. En troisième lieu, l'offre de la société The Watersnow Company a obtenu une note pondérée de 2,5 sur 6,25 au titre de la cohérence du projet avec la vocation maritime du site, de 1,3 sur 6,5 au titre de sa cohérence fonctionnelle, et de 2,3 sur 5,75 au titre de sa capacité économique et financière. Sa note pondérée totale s'est élevée à 8,7, tandis que celle de l'attributaire était de 13,7.

9. Ainsi que le soutient la requérante, le directeur départemental ne pouvait estimer que son offre n'était pas cohérente avec la vocation maritime du site au motif que celui-ci devait être interdit aux engins à moteurs, alors que, par arrêté du 31 mai 2021, le préfet maritime de la Méditerranée a réservé un chenal aux sports nautiques de vitesse, de 25 mètres de largeur, partant au droit des aménagements dont disposait jusqu'alors la requérante.

10. Toutefois, d'une part, il résulte du dossier présenté le 21 mai 2021 par la société The Watersnow Company qu'elle entendait poursuivre son activité consistant à proposer des sports nautiques à partir des aménagements dont elle disposait jusqu'alors sur une superficie de 134,87 m², enlever des panneaux de séparation installés par la société La Baie Dorée, dégager le passage dit " sentier littoral ", mais ne proposait aucun autre aménagement ni aucune autre activité pour la partie du domaine public jusqu'alors exploitée par son voisin. Les pièces complémentaires qu'elle produit, comblant cette lacune, ne figuraient pas dans le dossier remis le 21 mai 2021 qui présentait ainsi une cohérence fonctionnelle très peu satisfaisante.

11. D'autre part, si la requérante fait valoir que ses résultats d'exploitation étaient supérieurs à ceux de la société La Baie Dorée, il résulte des comptes qu'elle produit que cette dernière a d'importants capitaux propres, de l'ordre de 1,8 millions d'euros, et une dette représentant moins du quart de cette somme seulement, tandis que les capitaux propres de la société The Watersnow Company s'élevaient, en fin d'exercice 2021, à 121 231 euros, ce qui pouvait conduire, sans même prendre en compte ses dettes, à douter de sa capacité à assumer la charge d'une remise en état naturel du domaine public à l'issue de l'autorisation.

12. Il s'en suit, alors qu'une note plus élevée, et même maximale, sur le critère tenant à la cohérence du projet avec la vocation maritime du site n'aurait pas permis d'inverser le classement final, que le moyen tenant à l'erreur manifeste dont serait entachée l'appréciation des offres doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité des conclusions indemnitaires formulées pour la première fois en cause d'appel, que le surplus des conclusions présentées par la société The Watersnow Company tendant à l'annulation des décisions des 2 août et 27 octobre 2021, à l'indemnisation de préjudices subis et à la mise à la charge de l'Etat des frais d'instance doit être rejeté.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 9 avril 2024 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions de première instance sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société The Watersnow Company et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Poullain, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2025.

2

N° 24MA01549

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA01549
Date de la décision : 23/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

24-01-02-01-01-01 Domaine. - Domaine public. - Régime. - Occupation. - Utilisations privatives du domaine. - Autorisations unilatérales.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : D'ORNANO

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-23;24ma01549 ?
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