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22/05/2025 | FRANCE | N°24MA01715

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 1ère chambre, 22 mai 2025, 24MA01715


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SARL Kaufman et Broad Provence a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2022 par lequel le maire de la commune de Brignoles a retiré le permis de construire tacite qu'elle a obtenu en vue de la réalisation de deux bâtiments collectifs créant 45 logements sur la parcelle cadastrée section AR n° 378, située 3 rue des Rhodes à Brignoles (83170), ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.



Par

un jugement n° 2300136 du 7 mai 2024, le tribunal administratif de Toulon a annulé cet arrêté et e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Kaufman et Broad Provence a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2022 par lequel le maire de la commune de Brignoles a retiré le permis de construire tacite qu'elle a obtenu en vue de la réalisation de deux bâtiments collectifs créant 45 logements sur la parcelle cadastrée section AR n° 378, située 3 rue des Rhodes à Brignoles (83170), ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 2300136 du 7 mai 2024, le tribunal administratif de Toulon a annulé cet arrêté et enjoint au maire de la commune de Brignoles de délivrer à la SARL Kaufman et Broad Provence le certificat de permis de construire tacite sollicité dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 juillet 2024, la commune de Brignoles, représentée par Me Reghin, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 7 mai 2024 ;

2°) de mettre à la charge de la SARL Kaufman et Broad Provence la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal a commis une erreur de droit et d'interprétation des faits, ainsi qu'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision de retrait litigieuse est valablement fondée sur les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme compte tenu de l'importance du projet et du nombre de personnes exposées au risque d'incendie qui, en dépit de l'absence de boisements significatifs, peut avoir des origines diverses, et de la présence d'une borne incendie d'une capacité de 60 m3, insuffisante selon le règlement départemental de défense extérieure contre l'incendie (RDDECI), alors que le projet consiste en la réalisation de deux bâtiments, nécessitant l'implantation de deux bornes incendie distinctes d'une capacité de 60 m3 par heure chacune, et comporte en outre deux parcs de stationnement d'une surface cumulée de 1 478 m² qui ne sont pas isolés l'un de l'autre ;

- le moyen tiré par la pétitionnaire du défaut de motivation de la décision implicite de rejet de son recours gracieux est infondé dès lors qu'elle n'a formulé aucune demande de communication de ses motifs ;

- la décision litigieuse de retrait du permis de construire tacite était suffisamment motivée par la contrariété de ce permis avec les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2024, la SARL Kaufman et Broad Real Estate, venant aux droits de la SARL Kaufman et Broad Provence, représentée par Me Zago, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Brignoles la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête d'appel est irrecevable faute pour la commune de Brignoles de lui avoir notifié sa requête, en méconnaissance de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Claudé-Mougel,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Faure-Bonaccorci, représentant la commune de Brignoles, et celles de Me Zago, représentant la SARL Kaufman et Broad Real Estate.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Kaufman et Broad Provence a déposé, le 22 décembre 2021, une demande de permis de construire portant sur la réalisation d'un ensemble de 45 logements collectifs en deux bâtiments sur une parcelle située 3 rue des Rhodes, cadastrée section AR n° 378, à Brignoles. Par un arrêté du 19 juillet 2022, le maire de Brignoles a retiré le permis de construire tacite obtenu par cette société, sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, au motif que, suivant l'avis de la direction départementale des services d'incendie et de secours, l'installation d'un poteau incendie DN 100 à l'entrée du projet ne permet pas d'offrir la ressource en eau nécessaire à la défense extérieure contre l'incendie du projet, suivant les critères fixés par le règlement de défense départemental de défense extérieure contre l'incendie (RDDECI) arrêté par le préfet du Var le 8 février 2017. La commune de Brignoles relève appel du jugement du 7 mai 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulon a annulé cet arrêté et a enjoint au maire de Brignoles de délivrer à la SARL Kaufman et Broad Provence un certificat de permis de construire tacite dans le délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Si la commune de Brignoles soutient que les premiers juges auraient commis une erreur de droit et d'interprétation des faits, ainsi qu'une erreur manifeste d'appréciation, ces moyens sont susceptibles d'affecter le bien-fondé de leur décision, mais non sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". Les risques d'atteinte à la sécurité publique qui, en application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, justifient le refus d'un permis de construire ou son octroi sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales sont aussi bien les risques auxquels peuvent être exposés les occupants de la construction pour laquelle le permis est sollicité que ceux que l'opération projetée peut engendrer pour des tiers. Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.

4. Il est constant que, compte tenu en particulier de sa localisation au cœur de la zone urbaine de Brignoles, à la frange du centre ancien, le projet de la société intimée, qui consiste en la réalisation de deux bâtiments de type R + 2, est exposé à un risque courant ordinaire au sens du RDDECI arrêté par le préfet du Var le 8 février 2017, impliquant en principe un besoin en eau de 60 m3 par heure, et que le projet prévoit l'implantation d'un point d'eau incendie (PEI) à l'entrée du bâtiment A du projet composé de 20 logements. Si la commune soutient que ce dispositif est insuffisant en présence de deux bâtiments de type R + 2, il ressort au contraire du RDDECI, qui au demeurant n'est pas opposable à une demande de permis de construire en vertu du principe d'indépendance des législations mais peut être pris en compte à titre d'élément d'information, qu'un tel point d'eau peut être commun à plusieurs bâtiments de type R + 3, pourvu qu'il soit distant de moins de 200 mètres de l'entrée de la cage d'escalier la plus éloignée. La commune de Brignoles ne peut par ailleurs sérieusement soutenir que ce dispositif serait insuffisant dès lors que le projet prévoit deux parcs de stationnement souterrains qui ne sont pas isolés l'un de l'autre et donc que la surface cumulée excède le seuil au-delà duquel un point d'eau incendie d'une capacité supérieure est nécessaire, alors que ceux-ci se situent sous chacun des bâtiments et sont isolés au sens du RDDECI, ainsi qu'il ressort des pièces du dossier.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, la commune de Brignoles n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 19 juillet 2022.

Sur les frais liés au litige :

6. La SARL Kaufman et Broad Real Estate n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par la commune de Brignoles sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de cette dernière une somme de 2 000 euros à verser à la SARL Kaufman et Broad Real Estate sur ce même fondement.

D É C I D E

Article 1er : La requête de la commune de Brignoles est rejetée.

Article 2 : La commune de Brignoles versera une somme de 2 000 euros à la SARL Kaufman et Broad Real Estate en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Brignoles et à la SARL Kaufman et Broad Real Estate.

Délibéré après l'audience du 6 mai 2025, où siégeaient :

- M., Portail, président,

- Mme Courbon, présidente-assesseure,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 mai 2025.

N° 24MA01715

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24MA01715
Date de la décision : 22/05/2025

Analyses

68-03-025-02-01-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Nature de la décision. - Octroi du permis. - Permis tacite. - Retrait.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : ITEM AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-22;24ma01715 ?
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