Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... F..., Mme K... F..., M. B... J..., M. M... G..., Mme H... G..., Mme H... O..., M. I... N..., Mme E... N... et M. B... D... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 1er juin 2021 par lequel le maire de la commune de Rognes a délivré à la société Edelis un permis de construire un ensemble immobilier de 32 logements situé 50, chemin de Versaille, sur un terrain cadastré section AE n° 78 ainsi que la décision de rejet de leur recours gracieux du 25 août 2021.
Par un jugement n° 2109312 du 3 juillet 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par un arrêt avant dire droit du 15 février 2024, la Cour, après avoir écarté les autres moyens soulevés M. F... et les autres requérants, a sursis à statuer sur leur requête en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois imparti à la commune de Rognes pour justifier d'une mesure de régularisation du vice relevé au point 15 de cet arrêt.
Par un courrier du 30 août 2024, la commune de Rognes, représentée par Me Grimaldi a produit l'arrêté de permis de construire modificatif délivré le 4 juillet 2024 à la société Edelis et informé la Cour du dépôt, par cette société, d'une seconde demande de permis de construire modificatif, en cours d'instruction.
Par des mémoires, enregistrés les 5 septembre, 31 octobre 2024 et 31 décembre 2024, M. F... et les autres requérants, représentés par Me Barnier, persistent dans leurs précédentes conclusions à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 3 juillet 2023 de l'arrêté de permis de construire du 1er juin 2021 et de la décision de rejet de leur recours gracieux du 25 août 2021. Ils demandent en outre à la Cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2024 par lequel le maire de Rognes a délivré un permis de construire modificatif à la société Edelis ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 octobre 2024 par lequel le maire de Rognes a délivré un second permis de construire modificatif à la société Edelis ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Rognes et de la société Edelis la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le permis de construire modificatif du 4 juillet 2024 avait bien pour objet de régulariser le vice relevé par la Cour dans son arrêt du 15 février 2024 ; ayant été délivré au visa d'un avis favorable assorti de réserves d'Enedis, et sans réalisation d'une étude démontrant la capacité du réseau d'eau potable, le vice n'a pas été régularisé par cet arrêté ;
- ils sont recevables à contester la légalité de ce permis de construire modificatif en application de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme ;
- l'arrêté du 4 juillet 2024 a été signé par une autorité incompétente ;
- cet arrêté est entaché d'un vice de procédure et d'incompétence, en l'absence d'accord tacite préalable de l'architecte des bâtiments de France ;
- il méconnait l'article UPB1 3.1.1 du règlement de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP) de la commune de Rognes, en ce qu'il autorise le démontage partiel du mur en pierres ;
- il méconnaît l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, compte tenu de la destruction prévue d'une partie du mur en pierres ;
- il ne prend pas parti sur le respect des dispositions de l'article UA 4 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune, dès lors que dans son avis du 16 avril 2024, le gestionnaire du réseau d'eau potable a renouvelé ses réserves quant à la capacité du réseau pour la desserte du projet ; si l'arrêté vise un avis de Suez du 28 juin 2024, celui-ci, qui est défavorable, est étranger à la question du raccordement dès lors qu'il ne porte que sur la question du branchement du poteau incendie ;
- il méconnaît l'article UA 4 du règlement du plan local d'urbanisme, compte tenu de l'insuffisante capacité du réseau d'eau potable pour répondre aux besoins du projet ;
- ils sont recevables à contester la légalité du second permis de construire modificatif du 4 octobre 2024, produit dans l'instance par la commune de Rognes, en application de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme ;
- l'arrêté du 4 octobre 2024 a été signé par une autorité incompétente ;
- cet arrêté est entaché d'un vice de procédure et d'incompétence, en l'absence de consultation de l'architecte des bâtiments de France, alors qu'il porte sur la modification de l'aspect extérieur du bâtiment ;
- le dossier de demande de ce permis de construire modificatif est incomplet au regard de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme, en l'absence de plan de coupe actualisé du projet, ce qui aurait permis de constater que le réservoir d'eau autonome supposé alimenter le poteau incendie est irréalisable en raison de la présence du bassin de rétention ;
- le dossier est entaché de fraude, la société pétitionnaire s'étant abstenue de produire ce plan de coupe afin de cacher l'empiètement du réservoir du poteau incendie sur le bassin de rétention, ainsi que son implantation, impossible, à un endroit où se croisent les réseaux secs ; la volonté de la pétitionnaire de ne pas réaliser ce réservoir et de tromper la commune et la Cour sur la conformité du projet à l'article UA 4 du règlement du plan local d'urbanisme est ainsi démontrée ;
- l'arrêté du 4 octobre 2024 méconnait l'article UPB1 3.1.1 du règlement de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP) de la commune de Rognes, en ce qu'il autorise le démontage d'une partie du mur en pierres, lequel sera par ailleurs reconstruit derrière l'emplacement des bennes à ordures et ne sera donc plus visible depuis l'espace public ;
- il méconnaît l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, compte tenu de la destruction prévue d'une partie du mur en pierres ;
- il méconnaît l'article UA 4 du règlement du plan local d'urbanisme, compte tenu de l'insuffisante capacité du réseau d'eau potable pour répondre aux besoins du projet, dès lors que la réalisation du réservoir destiné à alimenter le poteau incendie est en pratique impossible.
Par des mémoires, enregistrés les 3 décembre 2024 et 3 février 2025, la commune de Rognes, représentée par Me Grimaldi, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise solidairement à la charge de M. F... P... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens présentés par les consorts F... P... ne sont pas fondés.
Par des mémoires, enregistrés les 3 décembre 2024 et 24 janvier 2025, la société Edelis, représentée par Me Petit, conclut au rejet de la requête, subsidiairement à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et à ce que la somme de 6 000 euros soit mise à la charge de M. F... et des autres requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens présentés par les consorts F... et les autres requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du patrimoine ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Courbon, présidente assesseure,
- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,
- et les observations de Me Djabali, représentant M. F... et les autres requérants, de Me Callen, représentant la commune de Rognes et de Me Petit, représentant la société Edelis.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 1er juin 2021, le maire de Rognes a délivré à la société Edelis un permis de construire un ensemble immobilier de 32 logements sur un terrain cadastré section AE n° 78, situé 50, chemin de Versaille sur le territoire de la commune. M. F..., Mme F..., M. J..., M. G..., Mme G..., Mme O..., M. N..., Mme N... et M. D... ont relevé appel du jugement du 3 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision de rejet de leur recours gracieux du 25 août 2021.
2. Par un arrêt avant dire droit du 15 février 2024, la Cour, après avoir écarté les autres moyens soulevés par les requérants, a retenu que l'arrêté du 15 juin 2021 était illégal en ce qu'il ne prenait pas parti sur la conformité du projet à l'article UA 4 du règlement du plan local d'urbanisme en renvoyant à la réalisation d'une étude, et a sursis à statuer en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois imparti à la commune de Rognes pour justifier de l'intervention d'une mesure de régularisation du vice ainsi retenu.
3. La commune de Rognes a transmis à la Cour, d'une part, le permis de construire délivré le 4 juillet 2024 à la société Edelis, d'autre part le permis de construire modificatif délivré le 4 octobre 2024 à la même société, indiquant que ce dernier permis modificatif procédait à la régularisation du vice retenu dans l'arrêt avant dire droit du 15 février 2024. M. F... et les autres requérants, demandent, en application des dispositions de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme, l'annulation des arrêtés portant permis de construire modificatif des 4 juillet et 4 octobre 2024.
Sur la régularisation du vice retenu dans l'arrêt avant dire droit du 15 février 2024 :
4. Ainsi qu'il a été dit au point 1 ci-dessus, la Cour a retenu, dans l'arrêt du 15 février 2024, l'illégalité de la prescription contenue à l'article 5 de l'arrêté du 1er juin 2021 indiquant que " conformément à l'avis de Suez, cette opération sera desservie en eau potable par le compteur général situé en limite de propriété sur le domaine public situé sous le chemin de Versaille, sous réserve d'une étude permettant de confirmer que la capacité du réseau d'eau potable de la commune permet de répondre aux besoins du projet ", au motif qu'en formulant cette réserve, dont dépend la constructibilité du terrain, le maire de Rognes avait délivré le permis de construire sans prendre parti sur la conformité du projet à l'article UA 4 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU).
5. Il ressort des pièces du dossier que le 4 avril 2024, la société Edelis a déposé une demande de permis de construire modificatif ayant pour objet de " proposer un accès sur voie plus qualitatif. La partie du mur existant démontée (environ 2,77 m²) sera réutilisée pour habiller le bord du chemin d'accès ainsi que l'aire de présentation des bacs ordures ménagères. / Raccordement du projet à un réseau potable suffisant au regard de l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Marseille n° 23MA02263. ". Le permis de construire modificatif délivré par la maire de Rognes en réponse à cette demande le 4 juillet 2024, pris au visa d'un avis favorable assorti de réserves de Suez Eaux de Provence du 28 juin 2024, prévoit en son article 2 que " l'implantation et la mise en place du poteau incendie sera à la charge du pétitionnaire et ne sera pas connecté au réseau public d'eau potable ". La société Edelis a, par ailleurs, déposé le 14 août 2024 une seconde demande de permis de construire modificatif ayant le même objet que la précédente, et prévoyant, en sus, la " création d'un poteau incendie et réservoir d'eau autonome enterré pour l'alimenter ". Le permis sollicité a été accordé par un arrêté du maire de Rognes du 4 octobre 2024, pris au visa d'un avis favorable avec réserve de Suez Eaux de Provence du 20 septembre 2024. Cet arrêté prévoit, en son article 2 que " conformément aux plans joints au dossier, le poteau incendie sera autonome et déconnecté du réseau d'eau potable ". Le maire de Rognes, qui a assorti ces permis de construire modificatifs d'une prescription précise et limitée quant à son objet, et levé la réserve tenant à la nécessité de réaliser une étude complémentaire quant à la capacité du réseau d'eau potable à répondre aux besoins du projet, a ainsi pris position sur la conformité du projet à l'article UA 4 du règlement du PLU. Il s'ensuit que le vice retenu par la Cour dans l'arrêt du 15 février 2024 a été régularisé, sous réserve des vices propres dont pourraient être entachés les arrêtés de permis de construire modificatifs des 4 juillet et 4 octobre 2024, sur la légalité desquels il appartient à la Cour de statuer dans la présente instance, en application des dispositions de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme, dès lors que M. F... P... en sollicitent l'annulation.
Sur l'arrêté de permis de construire modificatif du 4 juillet 2024 :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire (...) est : / Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints (...) ". Aux termes de l'article L. 2131-1 du même code dans sa version alors applicable : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage (...) ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. (...) Le maire peut certifier, sous sa responsabilité, le caractère exécutoire de ces actes. (...) ".
7. Par arrêté du 20 juillet 2020, le maire de Rognes a consenti à M. A... L..., 5ème adjoint, délégation de fonctions en ce qui concerne l'urbanisme, l'aménagement du territoire et le foncier et délégation de signature à l'effet de signer tous documents, actes, courriers, attestations, arrêtés et autorisations en ces matières. Par acte du 16 octobre 2023, le maire a certifié que cet arrêté, qui confère à l'intéressé une délégation de signature suffisamment précise, a été affiché en mairie le 22 juillet 2020 et a, par voie de conséquence, un caractère exécutoire. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de M. L..., signataire de l'arrêté attaqué, doit être écarté.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 632-1 du code du patrimoine : " Dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable, sont soumis à une autorisation préalable les travaux susceptibles de modifier l'état des parties extérieures des immeubles bâtis, y compris du second œuvre, ou des immeubles non bâtis. / (...) L'autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur du site patrimonial remarquable. ". Aux termes de l'article L. 632-2 du même code : " I. - L'autorisation prévue à l'article L. 632-1 est, sous réserve de l'article L. 632-2-1, subordonnée à l'accord de l'architecte des Bâtiments de France, le cas échéant assorti de prescriptions motivées. A ce titre, ce dernier s'assure du respect de l'intérêt public attaché au patrimoine, à l'architecture, au paysage naturel ou urbain, à la qualité des constructions et à leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant. (...) / Le permis de construire, (...) tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 632-1 du présent code si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord, dans les conditions prévues au premier alinéa du présent I. / En cas de silence de l'architecte des Bâtiments de France, cet accord est réputé donné. / (...) ". Aux termes de l'article R. 423-67 du code de l'urbanisme : " (...) Par exception aux dispositions de l'article R. * 423-59, le délai à l'issue duquel l'architecte des Bâtiments de France est réputé avoir émis un avis favorable est de deux mois : / a) Lorsque le projet soumis à permis de construire ou d'aménager est situé dans un site inscrit ; / b) Lorsque le projet soumis à permis est situé dans un site classé ou en instance de classement. ".
9. Il ressort des pièces du dossier que le dossier de demande de permis de construire modificatif, qui porte sur un projet situé dans un site patrimonial remarquable, a été transmis pour avis à l'architecte des bâtiments de France par voie dématérialisée le 8 avril 2024. Un avis tacite favorable de cette autorité est ainsi né, en application des dispositions énoncées ci-dessus, le 8 juin 2024, préalablement à l'intervention de l'arrêté délivrant le permis de construire modificatif du 4 juillet 2024. Si cet arrêté mentionne un avis tacite favorable de cette autorité du 9 mai 2024, il doit, sur ce point, être regardé comme entaché d'une erreur matérielle sans incidence sur sa légalité. Dans ces conditions, M. F... et les autres requérants ne sont pas fondés à soutenir que le permis de construire modificatif est intervenu avant l'intervention de l'accord de l'architecte des bâtiments de France.
10. En troisième lieu, le règlement de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP) de la zone UPB1 dans laquelle se situe le terrain d'assiette du projet, fixe comme objectif de " maintenir les murs en pierres ou les restituer quand ils participent à l'alignement d'une rue ou à des clôtures de jardins ". Aux termes de l'article 3.1.1 du règlement de la zone UPB1, relatif aux murs de clôture : " Les murs de clôtures de jardins existants en pierres, les murs bahuts surmontés de grilles, les murs de soutènements et en bordures de voies en pierres, seront conservés et restaurés. Leur restitution pourra être imposée selon le contexte en respectant leur mise en œuvre traditionnelle (cf. 1.3 Maçonneries traditionnelles). ". Le glossaire des termes auquel renvoie ce règlement définit le bâti ancien comme un " bâtiment construit avant la 1ère guerre mondiale, construit en maçonneries traditionnelles de pierres ".
11. Le document graphique de l'AVAP portant sur le secteur UPB1 identifie au nombre des murs de clôture existant ou à restituer au titre du petit patrimoine vernaculaire caractéristique de la commune et ayant un lien avec son histoire, un mur de soutènement édifié en bordure du chemin de Versaille et dont l'extrémité sud est située au droit de la parcelle cadastrée section AE n° 78, à proximité de l'accès prévu pour le projet. Il ressort des pièces du dossier de demande de permis de construire modificatif en litige, qui a pour objet, ainsi qu'il a été dit au point 5 ci-dessus, de proposer un " accès sur voie plus qualitatif ", et notamment du plan de masse, qu'une partie du mur existant en bordure de parcelle sera démontée sur un linéaire de 4,26 mètres, afin de permettre la réalisation de l'accès au terrain d'assiette du projet, et que cette partie démontée sera utilisée, d'une part pour réaliser la bordure du chemin d'accès, sur 6,20 mètres linéaires et, d'autre part, l'aire de présentation des bacs ordures ménagères, sur 7,20 mètres linéaires. Alors que le règlement de la zone UPB1 autorise la restitution des murs en pierre situés en bordure de voie, le projet, compte tenu de la faible longueur de mur détruite par rapport à celle conservée et de la création, sur un métrage linéaire bien supérieur, de murs de bordure en pierres traditionnelles, ne méconnaît pas les dispositions ci-dessus énoncées du règlement de l'AVAP, les requérants ne pouvant utilement se prévaloir, à cet égard, de la circonstance que le mur de l'aire de présentation des bacs à ordure ne sera pas visible depuis l'espace public.
12. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".
13. Dans l'arrêt du 15 février 2024, la Cour a écarté le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de l'arrêté du 1er juin 2021 portant permis de construire au regard de ces dispositions. Compte tenu de l'ampleur très limitée des modifications apportées à l'aspect extérieur du projet par le permis de construire modificatif, qui précise uniquement les modalités de restitution de la partie du mur de bordure détruite, l'arrêté du 4 juillet 2024 n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des mêmes dispositions.
14. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique (...) ". Aux termes de l'article UA 4 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU), relatif aux conditions de desserte des terrains par les réseaux publics d'eau, d'électricité et d'assainissement : " 4.1 EAU / Toute construction ou installation doit être raccordée au réseau public de distribution d'eau potable de caractéristiques suffisantes. (...) ".
15. D'une part, l'administration ne peut assortir une autorisation d'urbanisme de prescriptions qu'à la condition que celles-ci, entraînant des modifications sur des points précis et limités et ne nécessitant pas la présentation d'un nouveau projet, aient pour effet d'assurer la conformité des travaux projetés aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect. Elle ne peut en revanche s'abstenir de prendre parti sur un projet dont les caractéristiques essentielles sont définitivement déterminées, soit en assortissant l'autorisation délivrée de conditions trop imprécises, soit en prescrivant le renvoi à une concertation ou à une instruction complémentaire ultérieures.
16. Ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt, le permis de construire modificatif du 4 juillet 2024, pris au visa d'un avis favorable assorti de réserves de Suez Eaux de Provence du 28 juin 2024, s'il comporte une prescription selon laquelle " l'implantation et la mise en place du poteau incendie sera à la charge du pétitionnaire et ne sera pas connecté au réseau public d'eau potable ", ne contient aucune réserve ou renvoi à une étude ultérieure quant à la possibilité pour le projet d'être raccordé au réseau d'eau potable. Par suite, M. F... P... ne sont pas fondés à soutenir que le maire de Rognes se serait abstenu de prendre parti sur la conformité du projet aux dispositions de l'article UA 4 du règlement du PLU.
17. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que si l'avis émis par Suez Eaux de Provence le 16 avril 2024 prévoit, dans les mêmes termes que celui émis le 12 février 2021 dans le cadre de l'instruction du permis de construire initial, que le projet est raccordable sur le réseau FG 100 implanté sur le chemin de Versaille " sous réserve d'une étude permettant de confirmer que la capacité du réseau d'eau potable public de la commune permet de répondre aux besoins du projet ", cet avis a été complété par deux courriels datés des 28 juin et 1er juillet 2024 adressés à la société Edelis indiquant que l'alimentation en eau potable du projet immobilier depuis le réseau existant ne pose pas de problème en elle-même et que la difficulté réside dans le raccordement d'un poteau incendie, pour lequel le réseau risque de ne pas être en mesure de répondre aux exigences de débit et de pression nécessaires à son bon fonctionnement et dont l'utilisation en cas de nécessité serait de nature à entrainer une dégradation de la qualité de l'eau distribuée aux usagers du secteur par décrochement, voire des casses sur le réseau. Dans ces conditions, et en l'absence d'éléments contraires apportés par les requérants, le projet de construction de 32 logements doit être regardé comme pouvant être raccordé au réseau d'eau potable, à l'exception du poteau incendie, ainsi que le précise la prescription contenue à l'article 2 de l'arrêté du 4 juillet 2024, qui impose au pétitionnaire la réalisation d'un poteau incendie non connecté à ce réseau. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UA 4 du règlement du PLU de la commune de Rognes doit être écarté.
Sur l'arrêté de permis de construire modificatif du 4 octobre 2024 :
19. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7 du présent arrêt, le moyen tiré de l'incompétence de M. L..., signataire de l'arrêté du 4 octobre 2024 doit être écarté.
20. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la seconde demande de permis de construire modificatif déposée par la société Edelis fait état du même objet que la première demande, en ajoutant la " création d'un poteau incendie et réservoir d'eau autonome enterré pour l'alimenter ". S'il est constant que ce second dossier de permis de construire modificatif n'a pas été soumis, contrairement au premier et au dossier de permis de construire initial, à l'architecte des bâtiments de France, une nouvelle consultation de cette autorité n'était pas requise en application des dispositions énoncées au point 8 ci-dessus, dès lors que le permis de construire modificatif en litige, dont l'objet était limité à la création d'un poteau incendie et, en sous-sol, d'un réservoir d'eau destiné à l'alimenter le poteau incendie, est sans incidence sur l'aspect extérieur de la construction et de ses abords. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure et d'incompétence à défaut d'avis de l'architecte des bâtiments de France doit être écarté.
21. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également : (...) / b) Un plan en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au profil du terrain ; lorsque les travaux ont pour effet de modifier le profil du terrain, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; / (...) ".
22. Eu égard à l'objet de la demande de permis modificatif, à savoir la création d'un poteau incendie et de son réservoir, et alors que le dossier comprend un plan de masse actualisé faisant apparaitre la localisation de ces éléments et précisant le volume et les dimensions du réservoir, M. F... P... ne sont pas fondés à soutenir qu'en l'absence de plan en coupe, le dossier de demande de permis modificatif en litige est insuffisant au regard des dispositions précitées.
23. D'autre part, une autorisation d'urbanisme n'ayant d'autre objet que d'autoriser un projet conforme aux plans et indications fournis par le pétitionnaire, l'administration n'a à vérifier ni l'exactitude des déclarations du demandeur relatives à la consistance du projet à moins qu'elles ne soient contredites par les autres éléments du dossier joint à la demande, ni l'intention du demandeur de les respecter, sauf en présence d'éléments établissant l'existence d'une fraude à la date à laquelle l'administration se prononce sur la demande d'autorisation.
24. Si les requérant soutiennent qu'en s'abstenant de produire un plan en coupe, la société pétitionnaire a entendu masquer le fait que le futur réservoir du poteau incendie empiète sur l'emplacement prévu pour le bassin de rétention des eaux pluviales matérialisé sur le plan de masse figurant dans le dossier de demande de permis de construire initial, il ressort de la comparaison du plan de masse initial et du plan de masse du permis modificatif, ainsi que des plans complémentaires, de masse et en coupe, établis par l'architecte du projet et produits par la société Edelis, et non contredits par les requérants, que la limite du bassin de rétention, qui se trouve sous la rampe d'accès au parking, se situe à 9,60 m de la façade ouest du bâtiment, alors que le réservoir incendie, implanté sous la voie interne de desserte du projet, débute à 11,14 m de cette même façade, de telle sorte qu'il n'y a pas de chevauchement entre ces deux ouvrages. Par ailleurs, la circonstance que le réservoir incendie se situe, pour partie, au même endroit que le passage de certains réseaux sec n'est pas, en elle-même, de nature à établir l'impossibilité de créer ce réservoir. Dans ces conditions, M. F... P... ne sont pas fondés à soutenir que le dossier de demande de permis de construire modificatif aurait été conçu pour tromper l'autorité administrative sur la conformité du projet à l'article UA 4 du règlement du plan local d'urbanisme.
25. En quatrième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article UPB1 3.1.1 du règlement de l'AVAP et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, doivent, en tout état de cause, être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 11 et 13 du présent arrêt.
26. En cinquième lieu, outre les éléments énoncés au point 17 ci-dessus s'agissant du premier permis de construire modificatif, il ressort des pièces du dossier que dans le cadre de l'instruction de la demande du second permis modificatif, Suez Eaux de Provence, dans un avis du 20 septembre 2024, a indiqué que le projet est raccordable au réseau d'eau potable FG 100, situé sur le chemin de Versaille " sous réserve que le dispositif utilisé pour la défense incendie soit un dispositif autonome déconnecte du réseau d'eau potable ". Alors que l'objet du permis modificatif en litige est justement de créer un tel dispositif non connecté au réseau pour la défense incendie, dont les requérants ne démontrent pas, ainsi qu'il a été dit au point 24 ci-dessus, qu'il ne pourrait techniquement être réalisé, et que l'arrêté du 4 octobre 2024 rappelle, en son article 2, que " conformément aux plans joints au dossier, le poteau incendie sera autonome et déconnecté du réseau d'eau potable ", le projet porté par la société Edelis doit être regardé comme pouvant être desservi par le réseau d'eau potable de la commune. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UA 4 du règlement du PLU doit être écarté.
27. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que M. F... P... ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés du maire de Rognes des 4 juillet et 4 octobre 2024 ayant délivré à la société Edelis des permis de construire modificatifs et, d'autre part, que, compte tenu de la régularisation du vice retenu dans l'arrêt avant dire droit du 15 février 2024, les intéressés ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er juin 2021 par lequel le maire de Rognes a délivré à la société Edelis un permis de construire un ensemble immobilier de 32 logements et de la décision de rejet de leur recours gracieux du 25 août 2021.
Sur les frais liés au litige :
28. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à chacune des parties la charge de ses frais d'instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. F... P... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Rognes et par la société Edelis sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... F..., représentant unique des requérants, à la commune de Rognes et à la société Edelis.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2025, où siégeaient :
- M. Portail, président,
- Mme Courbon, présidente assesseure,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mai 2025.
N° 23MA02263 2