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16/05/2025 | FRANCE | N°24MA03283

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 16 mai 2025, 24MA03283


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2024 par lequel le préfet des Hautes-Alpes a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays de renvoi et, d'autre part, d'enjoindre, à titre principal, au préfet des Hautes-Alpes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois

à compter de la notification du jugement à intervenir, assortie d'une astreinte de 100 eur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2024 par lequel le préfet des Hautes-Alpes a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays de renvoi et, d'autre part, d'enjoindre, à titre principal, au préfet des Hautes-Alpes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail.

Par un jugement n° 2407588 du 29 novembre 2024, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 26 juillet 2024, enjoint au préfet des Hautes-Alpes de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler et assorti cette injonction d'une astreinte de 100 euros par jour de retard.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 27 décembre 2024 sous le n° 24MA03283, le préfet des Hautes-Alpes demande à la cour d'annuler le jugement du 29 novembre 2024 du tribunal administratif de Marseille et de rejeter la demande présentée par M. A... devant ce même tribunal.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que l'arrêté contesté était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- M. A... a fait usage d'une fausse attestation d'hébergement au soutien de sa demande de titre de séjour et d'une fausse attestation de réussite au code de la route ;

- le moyen soulevé par M. A... devant le tribunal et tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant ;

- la décision de refuser d'autoriser M. A... à séjourner en France ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale.

Par un mémoire, enregistré le 7 avril 2025, M. A..., représenté par Me Bruggiamosca, conclut au rejet de la requête du préfet des Hautes-Alpes et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros hors taxes au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à son conseil, celui-ci renonçant le cas échéant à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il fait valoir que :

- il maintient les moyens qu'il a soulevés en première instance ;

- les moyens soulevés par le préfet des Hautes-Alpes ne sont pas fondés ;

- le préfet s'est cru en situation de compétence liée dans l'application qu'il a faite de de l'article L. 432-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

II. Par une requête, enregistrée le 27 décembre 2024 sous le n° 24MA03284, le préfet des Hautes-Alpes demande à la cour de prononcer, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille du 29 novembre 2024.

Il soutient qu'il soulève des moyens sérieux de nature à justifier le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par les premiers juges.

Par un mémoire, enregistré le 7 avril 2025, M. A..., représenté par Me Bruggiamosca, conclut au rejet de la requête du préfet des Hautes-Alpes et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros hors taxes au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à son conseil, celui-ci renonçant le cas échéant à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le préfet des Hautes-Alpes ne sont pas fondés.

Dans ces deux affaires, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 28 février 2025.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la cour a désigné Mme Rigaud, présidente-assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mahmouti,

- et les observations de Me Bruggiamosca, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen né le 15 mars 2003, a sollicité le 12 avril 2023 le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 26 juillet 2024, le préfet des Hautes-Alpes a rejeté cette demande, obligé l'intéressé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 29 novembre 2024, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté et enjoint au préfet des Hautes-Alpes de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Le préfet des Hautes-Alpes relève appel de ce jugement et demande à ce qu'il soit sursis à l'exécution de celui-ci.

Sur la requête n° 24MA03283 :

2. Aux termes de l'article L. 432-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La délivrance ou le renouvellement d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusé à tout étranger : (...) 2° Ayant commis les faits qui l'exposent à l'une des condamnations prévues aux articles 441-1 et 441-2 du code pénal (...) ".

3. Pour rejeter la demande de renouvellement de titre de séjour de M. A..., le préfet des Hautes-Alpes a fait application des dispositions de l'article L. 432-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé a reconnu avoir fait usage d'une fausse attestation de réussite à l'épreuve théorique générale pour s'inscrire aux cours de conduite, faits réprimés par l'article 441-1 du code pénal. M. A... doit être regardé comme ayant soutenu devant le tribunal que cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... séjourne de manière continue sur le territoire français depuis son entrée le 12 novembre 2019 alors qu'il était âgé de 16 ans et que, considéré comme un mineur isolé, il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance puis confié à un tiers de confiance par jugement rendu le 23 novembre 2020 par le juge pour enfants du tribunal judiciaire de Gap. Scolarisé à compter du mois de septembre 2020, il s'est vu délivrer, à sa majorité, un titre de séjour en qualité d'étudiant puis, l'année suivante, un titre de séjour en celle de travailleur temporaire. Il a obtenu, au mois de juillet 2022, son CAP d'électricien puis n'a cessé de travailler dans ce secteur d'activité, signant ainsi, le 14 août 2023, un contrat à durée indéterminée en qualité d'intérimaire. Il a également obtenu, le 24 octobre 2022, un diplôme d'études en langue française sanctionnant un niveau B1. S'il a, comme le fait valoir le préfet des Hautes-Alpes, reconnu avoir, le 22 décembre 2022, fait usage d'une fausse attestation de réussite à l'épreuve théorique générale pour s'inscrire aux cours de conduite, ces faits, isolés et immédiatement admis par l'intéressé, n'ont pas été poursuivis ni donné lieu au prononcé d'une peine, tandis qu'en outre le préfet ne se trouvait pas en situation de compétence liée par cette circonstance pour lui refuser un titre de séjour. De même, s'il apparaît que M. A..., comme le relève le préfet dans ses écritures, travaille pour une entreprise d'intérim située à Aubagne et se domicilie à Auriol tout en indiquant dans sa demande de titre de séjour être domicilié à Saint-Bonnet-en-Champsaur, il ressort toutefois des pièces du dossier que lorsqu'il a déposé sa demande de renouvellement de titre de séjour, au mois d'avril 2023, il recherchait alors un employeur qui acceptait de le prendre en alternance et n'était pas encore établi à Auriol et n'a à cet égard signé un contrat à durée indéterminée en qualité d'intérimaire que le 14 août 2023. Ainsi, compte tenu de tout ce qui vient d'être dit, M. A..., qui était arrivé en France mineur et isolé, justifiait d'une insertion socioprofessionnelle particulière dans la société française et d'une compétence significative dans son domaine d'activité professionnelle. Dès lors, eu égard aux circonstances de son arrivée en France et aux conditions dans lesquelles il s'est ensuite inséré socialement et professionnellement, la décision refusant de délivrer à M. A... la carte de séjour qu'il sollicitait, pour le seul motif qu'il avait commis un fait l'exposant à l'une des condamnations prévues à l'article 441-1 du code pénal alors même que ce fait était resté sans conséquence sur l'ordre public, est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et doit être annulée, ainsi que l'a jugé le tribunal. Par voie de conséquence, l'illégalité de cette décision prive de base légale les décisions du même jour par lesquelles le préfet des Hautes-Alpes a fait obligation à M. A... de quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi qui doivent également être annulées.

5. Il suit de là que le préfet des Hautes-Alpes n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 29 novembre 2024, le tribunal administratif de Marseille a, pour ces motifs, annulé l'arrêté du 26 juillet 2024.

Sur la requête n° 24MA03284 :

6. Dès lors qu'elle se prononce sur les conclusions du préfet des Hautes-Alpes tendant à l'annulation du jugement contesté, il n'y a pas lieu pour la cour de statuer sur la requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

Sur les frais liés aux instances d'appel :

7. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à Me Bruggiamosca, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 24MA03284 du préfet des Hautes-Alpes.

Article 2 : La requête n° 24MA03283 du préfet des Hautes-Alpes est rejetée.

Article 3 : L'Etat versera à Me Bruggiamosca, conseil de M. A..., la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Bruggiamosca renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au préfet des Hautes-Alpes, à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Bruggiamosca.

Délibéré après l'audience du 28 avril 2025 à laquelle siégeaient :

- Mme Rigaud, présidente-assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;

- M. Mahmouti, premier conseiller ;

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 mai 2025.

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N° 24MA03283, 24MA03284

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA03283
Date de la décision : 16/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme RIGAUD
Rapporteur ?: M. Jérôme MAHMOUTI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : BRUGGIAMOSCA;BRUGGIAMOSCA;BRUGGIAMOSCA

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-16;24ma03283 ?
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