Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la mise en demeure du 21 juin 2021 par laquelle le commandant du port de Toulon, agissant pour le compte de la métropole Toulon Provence Méditerranée (MTPM), lui a accordé un délai de quinze jours pour mettre fin à l'occupation illégale du domaine public maritime en procédant à l'enlèvement de son navire " TIPSY " amarré au ponton de Tamaris, ensemble le rejet de son recours gracieux du 30 août 2021.
Par un jugement n° 2102944 du 21 mars 2024, le tribunal administratif de Toulon a annulé la mise en demeure du 21 juin 2021 et la décision rejetant le recours gracieux du 30 août 2021.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 avril 2024, la métropole Toulon Provence Méditerranée, représentée par Me Schmidt, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 21 mars 2024 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulon ;
3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ne pouvaient pas opposer l'autorité de la chose jugée en se basant sur l'appartenance de la parcelle au domaine public maritime naturel qui est un motif non nécessaire à la décision attaquée ; le motif clairement exposé au soutien de la décision initiale était le défaut de propriété publique ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en estimant, à tort, que seul le domaine public naturel est susceptible de faire l'objet d'une contravention de grande voirie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2025, M. A..., représenté par Me Taupenas, doit être regardé comme demandant à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la métropole Toulon Provence Méditerranée ;
2°) de mettre à la charge de la métropole Toulon Provence Méditerranée la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu l'autorité de la chose jugée ;
- la métropole n'est pas fondée à soutenir qu'il occupait irrégulièrement le domaine public ; l'amarrage en cause n'appartient pas au domaine public maritime ;
- la métropole n'est pas fondée à soutenir qu'il occupait irrégulièrement son domaine privé ; l'amarrage en cause n'appartient pas au domaine maritime public ou privé maritime.
Par ordonnance en date du 5 mars 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 avril 2025.
Par courrier du 8 avril 2025, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de première instance présentées par M. A.... La décision du 21 juin 2021 ne fait pas grief, dès lors qu'il s'agit d'une simple mise en demeure engagée antérieurement à la procédure de contravention de grande voierie.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. François Point, rapporteur,
- les conclusions de M. Olivier Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Taupenas pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... est propriétaire d'un navire amarré sans autorisation au ponton de Tamaris, situé sur le territoire de la commune de La-Seyne-sur-Mer. Par une décision du 21 juin 2021, le commandant du port de Toulon a mis en demeure M. A... de mettre fin à l'occupation illégale du ponton de Tamaris en procédant à l'enlèvement de son navire dans un délai de quinze jours, sous menace d'engager une procédure de contravention de grande voierie. Par un jugement du 21 mars 2024, dont la métropole Toulon Provence Méditerranée relève appel, le tribunal administratif de Toulon a annulé la mise en demeure du 21 juin 2021, ensemble la décision rejetant le recours gracieux de M. A... du 30 août 2021.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 2132-2 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les contraventions de grande voirie sont instituées par la loi ou par décret, selon le montant de l'amende encourue, en vue de la répression des manquements aux textes qui ont pour objet, pour les dépendances du domaine public n'appartenant pas à la voirie routière, la protection soit de l'intégrité ou de l'utilisation de ce domaine public, soit d'une servitude administrative mentionnée à l'article L. 2131-1. / Elles sont constatées, poursuivies et réprimées par voie administrative. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende. / Nul ne peut en outre, sur ce domaine, procéder à des dépôts ou à des extractions, ni se livrer à des dégradations. ". Aux termes de l'article L. 2132-4 du même code : " Les atteintes à l'intégrité ou à l'utilisation du domaine public maritime des ports maritimes sont définies au titre III du livre III de la cinquième partie du code des transports. ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 5335-3 du code des transports : " Il est interdit de laisser les marchandises séjourner sur les quais, terre-pleins et dépendances d'un port maritime au-delà du délai prévu par le règlement général de police ou, si le délai prévu est plus long, par le règlement particulier. / A l'expiration du délai prévu au premier alinéa, les marchandises peuvent être enlevées d'office, aux frais et risques des propriétaires, à la diligence des officiers de port, officiers de port adjoints et surveillants de port agissant au nom de l'autorité portuaire. / (...) ". Aux termes de l'article L. 5335-4 du même code : " Les dispositions de l'article L. 5335-3 sont applicables aux véhicules, objets, matériaux ou autres, dès lors qu'ils stationnent ou ont été déposés sans autorisation sur les quais, terre-pleins et dépendances d'un port maritime ". Aux termes de l'article L. 5337-1 de ce code : " Sans préjudice des sanctions pénales encourues, tout manquement aux dispositions du chapitre V du présent titre, à celles du présent chapitre et aux dispositions réglementant l'utilisation du domaine public, notamment celles relatives aux occupations sans titre, constitue une contravention de grande voirie réprimée dans les conditions prévues par les dispositions du présent chapitre. ". Aux termes de l'article L. 5337-3-1 du même code : " Dans les ports maritimes relevant des collectivités territoriales et de leurs groupements mentionnés au 3° de l'article L. 5331-5, dans le cas où une contravention de grande voirie a été constatée, le président de l'organe délibérant de la collectivité ou du groupement saisit le tribunal administratif territorialement compétent, dans les conditions et suivant les procédures prévues au chapitre IV du titre VII du livre VII du code de justice administrative, sans préjudice des compétences dont dispose le préfet en la matière. Il peut déléguer sa signature à un vice-président. ".
4. Les autorités chargées de la conservation du domaine public engagent des poursuites conformément à la procédure de contravention de grande voirie prévue par les articles L. 774-1 à L. 774-13 du code de justice administrative. Dans le cadre de cette procédure, le contrevenant peut être condamné par le juge, au titre de l'action publique, à une amende ainsi que, au titre de l'action domaniale, à remettre lui-même les lieux en état en procédant à la destruction des ouvrages construits ou maintenus illégalement sur la dépendance domaniale ou à l'enlèvement des installations. Si le contrevenant n'exécute pas les travaux dans le délai prévu par le jugement ou l'arrêt, l'administration peut y faire procéder d'office si le juge l'a autorisée à le faire. Ces dispositions font ainsi dépendre l'exécution des mesures de remise en l'état du domaine de l'accomplissement régulier d'une procédure juridictionnelle préalable et d'une condamnation à cette fin par le juge.
5. L'occupant du domaine public maritime ne peut ainsi être contraint à le remettre en état qu'à la suite d'une condamnation prononcée par le juge administratif au titre de l'action domaniale à l'issue de la procédure de contravention de grande voirie. Dès lors, une mise en demeure de procéder à cette remise en état adressée par l'administration à l'occupant du domaine public maritime avant l'engagement d'une procédure de contravention de grande voirie, par l'établissement d'un procès-verbal de contravention conformément à l'article L. 774-2 du code de justice administrative, constitue un acte dépourvu d'effets juridiques propres qui ne présente pas le caractère d'une décision susceptible de recours.
6. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 21 juin 2021 met en demeure M. A... de mettre fin à l'occupation illégale du ponton de Tamaris en procédant à l'enlèvement de son navire dans un délai de quinze jours, sous menace d'engager une procédure de contravention de grande voirie. Cette mesure est fondée sur les constatations établies par un procès-verbal du capitaine du port de Toulon daté du 18 juin 2021, qui fait état de l'amarrage du navire " TIPSY " au ponton de Tamaris. Contrairement à ce qui est soutenu, ce navire était amarré illégalement dans l'enceinte du domaine public portuaire de Toulon-La Seyne-Brégaillon, sans autorisation. Cette occupation irrégulière du domaine public est susceptible de faire l'objet de poursuites conformément à la procédure de contravention de grande voirie.
7. Ainsi qu'il a été dit au point 5, une telle mise en demeure ne présente pas le caractère d'une décision susceptible de recours. La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulon tendant à l'annulation de cette mise en demeure était, par suite, irrecevable.
8. Il résulte de ce qui précède que la métropole Toulon Provence Méditerranée est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé la mise en demeure du 21 juin 2021 et la décision rejetant le recours gracieux de M. A... du 30 août 2021.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la métropole Toulon Provence Méditerranée, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la métropole Toulon Provence Méditerranée présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon n° 2102944 du 21 mars 2024 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulon et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la métropole Toulon Provence Méditerranée présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la métropole Toulon Provence Méditerranée.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Anne-Laure Chenal-Peter, présidente,
- Mme Aurélia Vincent, présidente assesseure,
- M. François Point, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 mai 2025.
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N° 24MA00930