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16/05/2025 | FRANCE | N°23MA00780

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 16 mai 2025, 23MA00780


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon, à titre principal, de condamner le centre hospitalier de la Dracénie à lui payer une indemnité d'un montant total de 12 455 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'infection nosocomiale intervenue à la suite de sa prise en charge chirurgicale du 15 mars 2017, et, à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise.



Par un jugement n° 2001696 du 16 fé

vrier 2023, le tribunal administratif de Toulon a condamné le centre hospitalier de la Dracénie à payer...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon, à titre principal, de condamner le centre hospitalier de la Dracénie à lui payer une indemnité d'un montant total de 12 455 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'infection nosocomiale intervenue à la suite de sa prise en charge chirurgicale du 15 mars 2017, et, à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise.

Par un jugement n° 2001696 du 16 février 2023, le tribunal administratif de Toulon a condamné le centre hospitalier de la Dracénie à payer à M. B... la somme de 5 460 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2020 et de la capitalisation des intérêts, et à la caisse primaire d'assurance maladie du Var celle de 7 706,87 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 septembre 2020 et de la capitalisation des intérêts, ainsi que celle de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 mars 2023 et 21 août 2023, le centre hospitalier de la Dracénie, représenté par la SCP Inter barreau d'avocats Normand et associés, agissant par Me Caremoli, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du 16 février 2023 du tribunal administratif de Toulon, de rejeter les demandes présentées à son encontre par M. B... et la caisse primaire d'assurance maladie du Var et de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2°) à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise médicale et de réserver les dépens.

Il soutient que :

- le rapport d'expertise du Docteur C... a été établi en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- les conclusions expertales concluant à l'existence d'une infection nosocomiale sont injustifiées ;

- une nouvelle mesure d'expertise doit, si la cour l'estime utile, être ordonnée ;

- les demandes indemnitaires présentées par M. B... et la caisse primaire d'assurance maladie du Var doivent, en tout état de cause, être rejetées.

Par un mémoire, enregistré le 20 avril 2023, la caisse primaire d'assurance maladie du Var, représentée par la SELAS Juriconseil, agissant par Me Ceccaldi, demande à la cour :

1°) de confirmer le jugement du 16 février 2023 du tribunal administratif de Toulon en ce qu'il a condamné le centre hospitalier de la Dracénie à lui payer la somme de 7 706,87 euros au titre de ses débours, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 septembre 2020 et de la capitalisation des intérêts, ainsi que celle de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de la Dracénie la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le montant de ses débours s'élève à la somme totale de 7 706,87 euros ;

- elle a droit au paiement de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale à hauteur de la somme de 1 162 euros.

Par un mémoire, enregistré le 29 mai 2023, M. B..., représenté par Me Barthelemy, demande à la cour :

1°) à titre principal, de confirmer le jugement du 16 février 2023 du tribunal administratif de Toulon ;

2°) à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise ;

3°) en tout état de cause, de mettre à la charge du centre hospitalier de la Dracénie les dépens et la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la responsabilité du centre hospitalier de la Dracénie est engagée en matière d'infections nosocomiales sur le fondement de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;

- il a droit à l'indemnisation de ses préjudices résultant de l'infection nosocomiale contractée ;

- à titre subsidiaire, une expertise médicale devra être ordonnée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la cour a désigné Mme Rigaud, présidente assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Danveau,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- les observations de Me Caremoli, représentant le centre hospitalier de la Dracénie, et celles de Me Beaumond, substituant Me Ceccaldi, représentant la caisse primaire d'assurance maladie du Var.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 25 mai 1951, a subi une acromioplastie de l'épaule gauche le 15 mars 2017 au centre hospitalier de la Dracénie, avant d'être transféré le lendemain à la clinique du Bessillon en vue de sa rééducation. Au cours de ce séjour, il a été constaté l'apparition d'une inflammation sur une des plaies qui était cicatrisée. L'incision de cette boursouflure et le nettoyage de la plaie ont été effectués. Toutefois, la complication infectieuse de la plaie a conduit à l'hospitalisation de M. B... à la clinique du Bessillon le 25 avril 2017. L'intéressé a subi au centre hospitalier de la Dracénie un lavage chirurgical réalisé le 5 mai 2017. Les prélèvements microbiologiques effectués lors de l'opération ont alors mis en évidence la présence de la bactérie propionibacterium acnes. Par ordonnance du 14 novembre 2018 du juge des référés du tribunal de grande instance de Draguignan, une expertise médicale a été ordonnée. Le rapport d'expertise du docteur C... a été remis le 24 juin 2019. Par jugement du 10 février 2022, le tribunal judiciaire de Draguignan a condamné la société Clinea, propriétaire du centre de rééducation fonctionnelle du Bessillon, responsable du préjudice corporel subi par M. B... en raison du retard d'un mois dans la prise en charge de son infection, à payer à ce dernier la somme de 1 765 euros en réparation de ses préjudices et a débouté la caisse primaire d'assurance maladie du Var de sa demande de remboursement de débours. M. B... a adressé au centre hospitalier de la Dracénie une demande indemnitaire préalable, qui a été implicitement rejetée. Par un jugement du 16 février 2023, le tribunal administratif de Toulon a condamné le centre hospitalier de la Dracénie à payer à M. B... la somme de 5 460 euros, et à la caisse primaire d'assurance maladie du Var la somme de 7 706,87 euros, ainsi que la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Le centre hospitalier de la Dracénie demande à la cour, à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal et de rejeter les demandes présentées à son encontre par M. B... et la caisse primaire d'assurance maladie du Var, à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise.

Sur l'expertise ordonnée par le tribunal de grande instance de Draguignan :

2. Le respect du caractère contradictoire de la procédure d'expertise implique que les parties soient mises à même de discuter devant l'expert des éléments de nature à exercer une influence sur la réponse aux questions posées par la juridiction saisie du litige. Lorsqu'une expertise est entachée d'une méconnaissance de ce principe ou lorsqu'elle a été ordonnée dans le cadre d'un litige distinct, ses éléments peuvent néanmoins, s'ils sont soumis au débat contradictoire en cours d'instance, être régulièrement pris en compte par le juge, soit lorsqu'ils ont le caractère d'éléments de pur fait non contestés par les parties, soit à titre d'éléments d'information dès lors qu'ils sont corroborés par d'autres éléments du dossier.

3. Il résulte de l'instruction que l'expertise confiée au docteur C... par ordonnance du 14 novembre 2018 du juge des référés du tribunal de grande instance de Draguignan, dans le cadre du recours de M. B... contre la société Clinea propriétaire du centre de rééducation fonctionnelle du Bessillon, n'a pas été menée en présence du centre hospitalier de la Dracénie et ne présente donc pas un caractère contradictoire à son égard. De ce seul fait, cette expertise, qui a été soumise au contradictoire dans le cadre de la présente instance, ne peut donc être prise en considération à l'égard du centre hospitalier de la Dracénie que s'agissant des éléments de pur fait non contestés par les parties, ou à titre d'éléments d'information dans l'hypothèse où ils sont corroborés par d'autres éléments du dossier.

Sur la responsabilité du centre hospitalier de la Dracénie :

4. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " (...) Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. (...) ". Pour l'application de ces dispositions, doit être regardée comme présentant un caractère nosocomial une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge. Il n'y a pas lieu de tenir compte de ce que la cause directe de cette infection a le caractère d'un accident médical non fautif ou a un lien avec une pathologie préexistante.

5. Il résulte de l'instruction que suite à l'intervention chirurgicale d'acromioplastie subie le 15 mars 2017 au centre hospitalier de la Dracénie, M. B... a séjourné à partir du 16 mars 2017 au centre de rééducation fonctionnelle du Bessillon. Les suites opératoires ont été simples et les fils de suture ont été retirés à la fin du mois de mars, soit environ quatorze jours après l'opération. Cependant, il ressort tant du rapport d'expertise que des comptes-rendus d'hospitalisation du centre de rééducation qu'une complication infectieuse de la plaie opératoire a été constatée vers le 3 ou le 4 avril 2017, soit quelques jours après l'ablation des fils. Il est constant qu'un drainage de collection a été réalisé afin d'extraire le liquide à l'origine de l'inflammation sans qu'un prélèvement microbiologique ne soit réalisé. Ce n'est que le 2 mai 2017 que M. B... a été de nouveau adressé au centre hospitalier de la Dracénie pour un contrôle de la cicatrice par un chirurgien qui a pratiqué le 5 mai suivant un lavage cicatriciel et deux prélèvements per-opératoires qui ont permis d'identifier la bactérie propionibacterium acnes à l'origine de l'abcès.

6. Le rapport d'expertise établi par le docteur C... conclut, d'une part, que la complication cutanée présentée par M. B... est une infection nosocomiale contractée au cours de l'intervention chirurgicale du 15 mars 2017 réalisée au sein du centre hospitalier de la Dracénie, d'autre part que l'ouverture cicatricielle réalisée au centre de rééducation fonctionnelle du Bessillon n'était pas indiquée mais n'est pas à l'origine de cette infection qui était déjà présente, et enfin, qu'un retard de prise en charge chirurgicale de l'infection contractée est imputable à ce dernier qui aurait dû immédiatement adresser M. B... au centre hospitalier de la Dracénie. Toutefois, si les constatations effectuées par l'expert concernant la faute commise par le centre de rééducation fonctionnelle du Bessillon ne sont pas contestées par les parties, aucun autre élément du dossier, tel que les pièces médicales produites, ne vient corroborer son analyse selon laquelle l'infection dont a été victime M. B... serait survenue au cours de sa prise en charge au centre hospitalier de la Dracénie. De surcroît, les éléments de fait exposés au point précédent, montrant notamment que les premiers signes de l'infection ne se sont manifestés qu'après l'ablation des fils de suture au centre de rééducation du Bessillon et presque trois semaines après l'intervention chirurgicale subie au centre hospitalier de la Dracénie, ne permettent pas d'apprécier si l'infection présente un caractère nosocomial au sens des dispositions précitées du code de la santé publique. Dès lors, compte tenu de ces incertitudes et de la circonstance que l'expertise du docteur C... ne présente pas un caractère contradictoire à l'égard du requérant, il y a lieu d'ordonner une nouvelle expertise pour déterminer l'origine du germe et, le cas échéant, le caractère nosocomial de l'infection, et pour évaluer l'étendue des préjudices. Il y a lieu, en conséquence, de réserver, jusqu'en fin d'instance, les droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt.

D E C I D E

Article 1er : Il est ordonné, avant de statuer sur les conclusions de la requête de M. B..., une expertise médicale contradictoire confiée à un médecin infectiologue, en présence de M. B..., du centre hospitalier de la Dracénie, de la caisse primaire d'assurance maladie du Var et de la société Clinea.

Article 2 : L'expert aura pour mission :

1°) de prendre connaissance du dossier médical, du rapport d'expertise du docteur C... et de tous documents relatifs, d'une part, aux soins reçus par M. B... au centre hospitalier de la Dracénie et au centre de rééducation fonctionnelle du Bessillon, d'autre part, aux conséquences dommageables de l'infection due à la bactérie propionibacterium acnes à l'origine de l'abcès, et d'examiner M. B... ;

2°) de décrire les conséquences dommageables de l'infection et les traitements dont

M. B... a fait l'objet ;

3°) de déterminer l'origine de l'infection, en précisant si celle-ci a été contractée au centre hospitalier de la Dracénie ou à la clinique du Bessillon, et de dire si l'état de santé de M. B... résulte d'une infection nosocomiale ou de toute autre cause ;

4°) de dire si l'infection a entraîné un déficit fonctionnel temporaire, et d'en préciser les dates de début et de fin, ainsi que le ou les taux ;

5°) de dire si l'état de santé de M. B... peut être considéré comme consolidé, si oui, à quelle date ; de préciser s'il subsiste un déficit fonctionnel permanent, et dans l'affirmative d'en fixer le taux ;

6°) de dire si l'infection subie a justifié ou justifie l'aide d'une tierce personne ; de fixer les modalités, la qualification et la durée de cette intervention ;

7°) de préciser les frais liés au handicap et ses conséquences, en distinguant, le cas échéant, ceux qui ne seraient pas en lien avec l'infection ;

8°) de donner son avis sur l'existence de préjudices personnels en lien avec l'infection (souffrances endurées, préjudice esthétique, préjudice d'agrément...), et le cas échéant d'en évaluer l'importance ;

9°) de donner à la cour tout autre élément d'information qu'il estimera utile.

Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la cour. Il ne pourra recourir à un sapiteur sans l'autorisation préalable du président de la cour.

Article 4 : L'expert déposera son rapport au greffe de la cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par le président de la cour dans sa décision le désignant. La notification du rapport pourra s'opérer sous forme électronique avec l'accord desdites parties.

Article 5 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au centre hospitalier de la Dracénie et à la caisse primaire d'assurance maladie du Var, à la société Clinea et à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Copie en sera adressée à M. C..., expert.

Délibéré après l'audience du 28 avril 2025 à laquelle siégeaient :

- Mme Rigaud, présidente assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Mahmouti, premier conseiller,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 mai 2025.

N° 23MA00780

cm


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00780
Date de la décision : 16/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme RIGAUD
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : BARTHELEMY

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-16;23ma00780 ?
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