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13/05/2025 | FRANCE | N°24MA00832

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 13 mai 2025, 24MA00832


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... née B... a demandé au tribunal administratif de Toulon, à titre principal, d'annuler la décision du 22 octobre 2020 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Marseille a reconnu comme imputable au service l'accident dont elle a été victime le 26 novembre 2018, en tant qu'elle fixe la date de consolidation de son état de santé au 31 janvier 2019, et la décision du 19 février 2021 rejetant le recours gracieux qu'elle a formé contre

cette décision, ou, à titre subsidiaire, de désigner avant dire droit un expert en vue ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... née B... a demandé au tribunal administratif de Toulon, à titre principal, d'annuler la décision du 22 octobre 2020 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Marseille a reconnu comme imputable au service l'accident dont elle a été victime le 26 novembre 2018, en tant qu'elle fixe la date de consolidation de son état de santé au 31 janvier 2019, et la décision du 19 février 2021 rejetant le recours gracieux qu'elle a formé contre cette décision, ou, à titre subsidiaire, de désigner avant dire droit un expert en vue de fixer la date de consolidation de son état de santé.

Par un jugement n° 2101009 du 8 février 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de Mme C... née B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 avril 2024, Mme C... née B..., représentée par Me Varron Charrier, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2101009 du 8 février 2024 du tribunal administratif de Toulon ainsi que la décision du 22 octobre 2020 en tant qu'elle fixe la date de consolidation de son état de santé au 31 janvier 2019, ensemble la décision du 19 février 2021 portant rejet de son recours gracieux ;

2°) de reconstituer sa carrière ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de prendre une décision prolongeant l'imputabilité au service de ses arrêts maladie postérieurs au 31 janvier 2019 et de lui reverser à titre rétroactif ses traitements, primes et indemnités, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, sous astreinte de 200 euros par jour de retard courant à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) à titre subsidiaire, de désigner, avant dire droit, un médecin expert avec pour mission de dire si les arrêts médicaux et soins sont toujours médicalement justifiés et à quel titre, de fixer, le cas échéant, une date de guérison ou de consolidation, et, en cas de fixation d'une date de consolidation, de se prononcer sur une éventuelle rechute ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée méconnaît les articles 12, 13 et 19 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dès lors que l'avis de la commission de réforme a été rendu en l'absence d'un représentant du personnel, que la commission a siégé en l'absence d'un médecin spécialiste, et qu'elle n'a pas été convoquée à la séance de la commission ; de tels vices l'ont privée de garanties ;

- elle n'a été rendue destinataire du procès-verbal de la commission de réforme qui s'est tenue le 13 octobre 2020 que par courrier du 22 octobre 2020, de sorte qu'elle n'a pas été en mesure de faire des observations avant l'intervention de la décision attaquée ;

- la décision attaquée ne pouvait fixer au 31 janvier 2019 la date de consolidation au regard de l'ensemble des éléments médicaux versés au dossier.

Par une ordonnance du 17 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 novembre 2024.

Un mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2025, présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice après clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Martin,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- et les observations de Me Varron Charrier, représentant Mme C... née B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... née B..., adjointe administrative affectée au centre pénitentiaire de Toulon-La-Farlède, a été victime le 26 novembre 2018 d'un accident reconnu imputable au service par décision du 22 octobre 2020. Par courrier du 10 décembre 2020, elle a saisi l'administration d'un recours gracieux contre cette décision, en tant qu'elle a fixé au 31 janvier 2019 la date de consolidation de son état de santé. Ce recours a été rejeté par une lettre du 19 février 2021. Par un jugement du 8 février 2024, dont Mme C... née B... relève appel dans la présente instance, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 22 octobre 2020 et 19 février 2021 en tant qu'elles fixent la date de consolidation de son état de santé au 31 janvier 2019.

Sur la légalité des décisions attaquées :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 19 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans sa version applicable au litige : " (...) Le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de la partie administrative de son dossier. Un délai minimum de huit jours doit séparer la date à laquelle cette consultation est possible de la date de la réunion de la commission de réforme ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. / La commission de réforme, si elle le juge utile, peut faire comparaître le fonctionnaire intéressé. Celui-ci peut se faire accompagner d'une personne de son choix ou demander qu'une personne de son choix soit entendue par la commission de réforme. (...) Le secrétariat de la commission de réforme informe le fonctionnaire : / -de la date à laquelle la commission de réforme examinera son dossier ; / -de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de se faire entendre par la commission de réforme, de même que de faire entendre le médecin et la personne de son choix. (...) ".

3. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

4. Mme C... née B... soutient qu'elle n'a jamais été destinataire de la convocation en vue de la tenue de la commission de réforme qui s'est réunie le 13 octobre 2020, de sorte qu'elle n'a pas été mise à même de prendre connaissance de son dossier, de faire valoir ses observations, ni de se faire assister par un médecin ou un conseiller de son choix. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier, ni n'est établi par le ministre, que l'intéressée aurait été informée de la date de réunion de la commission de réforme ni, à plus forte raison, de ses droits concernant la possibilité d'obtenir la communication de son dossier et la possibilité de se faire entendre par la commission de même que de faire entendre le médecin de son choix. Un tel vice doit par ailleurs être regardé comme ayant privé l'intéressée d'une garantie, de sorte qu'elle est fondée à soutenir que la décision du 22 octobre 2020, en tant qu'elle fixe la date de consolidation de son état de santé, est entachée d'une irrégularité procédurale.

5. En second lieu, la consolidation de l'état de santé d'un agent victime d'une affection en lien avec un accident de service, correspond au moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent, tel qu'un traitement n'est plus nécessaire si ce n'est pour en éviter l'aggravation, et qu'il est possible d'apprécier un certain degré d'incapacité permanente réalisant un préjudice définitif.

6. Au cas particulier, pour fixer la date de consolidation de l'état de santé de Mme C... née B... au 31 janvier 2019, la commission de réforme s'est appuyée sur deux rapports d'expertise établis les 1er avril 2020 et 24 septembre 2020. Toutefois, alors que ces rapports n'apportent aucune précision sur les éléments médicaux pris en compte par l'expert pour établir ses conclusions, il ressort des pièces du dossier qu'une précédente expertise du 10 août 2019, diligentée à la demande de l'administration, avait expressément indiqué qu'il n'était pas possible, à cette date, de fixer une date de consolidation et un taux d'invalidité permanente.

Il ressort par ailleurs d'un certificat médical établi le 2 juin 2020 par le psychiatre assurant le suivi de l'intéressée que le " burn-out " reconnu imputable au service n'est pas du tout guéri mais que son état " s'améliore lentement ". Ce même médecin constate, dans un certificat médical du 2 décembre 2020, une " amélioration partielle mais insuffisante " et précise qu'il n'est pas possible de fixer une date de consolidation. Dans ces conditions, et alors que la pathologie psychiatrique de Mme C... née B... résulte exclusivement de l'accident survenu en service le 26 novembre 2018, celle-ci établit que la date de consolidation ne pouvait être fixée le 31 janvier 2019 dès lors que son état de santé, qui a continué à s'améliorer postérieurement, n'était pas stabilisé à cette date. Par suite, l'administration ne pouvait, sans commettre d'erreur d'appréciation, fixer, par les décisions en litige, la date de consolidation de son état de santé au 31 janvier 2019.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ni de diligenter une expertise médicale, que Mme C... née B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 22 octobre 2020 en tant que, par cette décision, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Marseille a fixé la date de consolidation de son état de santé au 31 janvier 2019, et de la décision du 19 février 2021 rejetant le recours gracieux qu'elle a formé contre cette décision. Par suite, ces décisions doivent, dans cette mesure, être annulées, de même que le jugement du 8 février 2024 du tribunal administratif de Toulon.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de procéder au réexamen de la situation de Mme C... née B... afin de déterminer la date de consolidation de son état de santé, ainsi que ses droits à congés maladie pour accident de service à compter du 1er février 2019, dans un délai qu'il convient de fixer à trois mois à compter de la date de la notification de l'arrêt. Il n'y a toutefois pas lieu d'assortir l'injonction ainsi prononcée d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à Mme C... née B....

D É C I D E :

Article 1er : La décision de la direction interrégionale des services pénitentiaires de Marseille du 22 octobre 2020, en tant qu'elle fixe la date de consolidation de l'état de santé de Mme C... née B... au 31 janvier 2019, et la décision du 19 février 2021 portant rejet du recours gracieux de Mme C... née B..., sont annulées.

Article 2 : Le jugement n° 2101009 du 8 février 2024 du tribunal administratif de Toulon est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice de procéder au réexamen de la situation de Mme C... née B... afin de déterminer la date de consolidation de son état de santé ainsi que ses droits à congés maladie pour accident de service à compter du 1er février 2019, dans un délai de trois mois à compter de la date de notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Mme C... née B... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... née B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 29 avril 2025, où siégeaient :

- M. Duchon-Doris, président de la Cour,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 mai 2025.

N° 24MA00832 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00832
Date de la décision : 13/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-10-01 Fonctionnaires et agents publics. - Statuts, droits, obligations et garanties. - Garanties et avantages divers. - Protection en cas d'accident de service.


Composition du Tribunal
Président : M. DUCHON-DORIS
Rapporteur ?: M. Stéphen MARTIN
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : AARPI CLAMENCE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-13;24ma00832 ?
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