La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/05/2025 | FRANCE | N°23MA02392

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 3ème chambre, 12 mai 2025, 23MA02392


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) La Libération a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre du mois de juin 2014 ainsi que des pénalités correspondantes, des majorations dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des mois de novembre 2015 et mai 2016 et de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement du 2 du I de l'article 173

7 du code général des impôts au titre des années 2014 à 2016, et de rétablir les déficits rep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) La Libération a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre du mois de juin 2014 ainsi que des pénalités correspondantes, des majorations dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des mois de novembre 2015 et mai 2016 et de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement du 2 du I de l'article 1737 du code général des impôts au titre des années 2014 à 2016, et de rétablir les déficits reportables déclarés au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016.

Par un jugement n° 2101158 du 10 juillet 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 13 septembre 2023, la SAS La Libération, représentée par Me Maillard, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 10 juillet 2023 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige et le rétablissement des déficits déclarés au titre des exercices clos en 2015 et 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration fiscale a méconnu l'article L. 51 du livre des procédures fiscales en examinant à nouveau, dans le cadre d'un contrôle sur pièces de ses déclarations, la taxe sur la valeur ajoutée et l'impôt sur les sociétés au titre d'une période ayant fait l'objet d'une vérification de comptabilité ;

- elle n'était pas redevable de l'amende pour factures fictives prévue par le 2 du II de l'article 1737 du code général des impôts ;

- cette amende a été appliquée en méconnaissance de la doctrine administrative et plus particulièrement de l'instruction du 27 juillet 1998 publiée au BOI sous la référence 13 N-1-98 ;

- en lui infligeant à la fois l'amende pour factures fictives et la majoration pour manœuvres frauduleuses, l'administration a méconnu le principe non bis in idem, ainsi que le principe de proportionnalité des peines résultant de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SAS La Libération ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mastrantuono,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS La Libération, qui exerce une activité de marchand de biens, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, étendue en matière de taxe sur la valeur ajoutée jusqu'au 31 décembre 2016, puis d'un contrôle sur pièces de ses déclarations, à l'issue duquel elle a été assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre du mois de juin 2014, à des majorations assortissant les rappels de taxe sur la valeur ajoutée précédemment mis à sa charge au titre des mois de novembre 2015 et mai 2016 et à l'amende prévue par le 2 du I de l'article 1737 du code général des impôts au titre des années 2014 à 2016. La SAS La Libération relève appel du jugement du 10 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités auxquels elle a ainsi été assujettie et au rétablissement des déficits reportables déclarés au titre des exercices clos en 2015 et 2016.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales : " Lorsque la vérification de comptabilité ou l'examen de comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou d'une taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes, est achevé, l'administration ne peut procéder à une vérification de comptabilité ou à un examen de comptabilité de ces mêmes écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période (...) ".

3. Il résulte de l'instruction que l'administration, après avoir procédé à la vérification de la comptabilité de la SAS La Libération au titre de la période allant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, lui a notifié des rappels au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016. Si elle a ultérieurement notifié à la société, par une proposition de rectification du 13 décembre 2017, un rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre du mois de juin 2014 ainsi que des rehaussements des résultats imposables à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2015 et 2016, les rectifications, qui ne portaient d'ailleurs pas sur les mêmes impôts ou taxes et pour la même période, ont de surcroit été établies à la suite d'un examen des pièces du dossier détenu par le service à l'issue de l'exercice du droit de communication auprès d'une étude notariale et du contrôle de la SCI France Espaces Publicitaires, sans qu'il soit procédé à une nouvelle vérification des écritures comptables de la société. Dans ces conditions, l'administration, qui n'a pas procédé à une nouvelle vérification de la comptabilité de la SAS La Libération, n'a pas méconnu l'article L. 51 du livre des procédures fiscales.

Sur les pénalités :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 1737 du code général des impôts : " I. - Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant : (...) 2. De la facture, le fait de délivrer une facture ne correspondant pas à une livraison ou à une prestation de service réelle (...) ".

5. Si la personne dont le nom figure sur une facture est présumée être celle qui l'a délivrée, cette présomption peut être combattue par l'administration comme par la personne en cause. Si l'une ou l'autre établit qu'une facture fictive a été délivrée non par la personne dont le nom figure sur cette facture, mais par une autre personne, l'amende prévue par les dispositions précitées ne peut être mise à la charge que de cette dernière, redevable de cette amende, égale à 50 % du montant de la facture.

6. Lors de la vérification de comptabilité de la SAS La Libération, l'administration avait constaté qu'elle avait déduit de ses résultats imposables des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 des charges, pour des montants respectifs de 35 000 euros, 36 000 euros et 24 000 euros hors taxes, correspondant à des factures établies à l'en-tête de la SARL Ellipse Architecture, de la SCI France Espaces Publicitaires et de la SAS Foncière Etude Prospection dont il n'est pas contesté qu'elles étaient fictives. Au cours du contrôle de la SCI France Espaces Publicitaires, M. A..., qui est le dirigeant de la SAS La Libération, a reconnu avoir lui-même établi ces factures, et avoir appréhendé les règlements de la société par le biais d'un compte bancaire ouvert au nom de la SCI France Espaces Publicitaires dont il était le seul utilisateur, à l'insu de la dirigeante et des associés de la SCI. Si la SAS La Libération soutient que l'amende ne pouvait être infligée qu'à son gérant, il résulte de l'instruction que la comptabilisation par la société de ces factures fictives en charges déductibles des résultats des exercices clos en 2015 et 2016, pour lesquels elle a déposé des déclarations de résultats au titre de l'impôt sur les sociétés, lui a permis de majorer indûment les déficits déclarés et, par ailleurs, de minorer la taxe sur la valeur ajoutée déclarée au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016. Le ministre établit ainsi que la SAS La Libération a, par l'intermédiaire de son dirigeant, délibérément eu recours à ce procédé pour majorer indûment ses déficits et le montant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible. Dans ces conditions, l'administration a pu regarder les factures fictives en cause comme ayant été délivrées par la SAS La Libération et mettre à sa charge l'amende prévue au 2 du I de l'article 1737 précitée du code général des impôts quand bien même son gérant a par ailleurs tiré avantage de l'utilisation du compte bancaire ouvert au nom de la SCI France Espaces Publicitaire dans le cadre d'une activité de détournement de fonds. Le moyen tiré de ce que la SAS La Libération a été, à tort, considérée comme la redevable de l'amende doit dès lors être écarté.

7. En deuxième lieu, la société requérante ne peut utilement soutenir que le principe " non bis in idem ", garanti par l'article 4 du protocole n° 7, additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ferait obstacle à ce que les mêmes faits donnent lieu à l'application de l'amende en litige et de la majoration de 80 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts dès lors, d'une part, que ce principe ne s'applique qu'aux poursuites à caractère pénal et, d'autre part, que les sanctions prévues par les articles 1729 et 1737 du code général des impôts ne sanctionnent pas les mêmes faits, la première sanctionnant le non-respect d'une obligation déclarative et la seconde une infraction aux règles de facturation en matière de taxe sur la valeur ajoutée.

8. En troisième lieu, à supposer que la requérante ait entendu soutenir que l'administration aurait méconnu le principe de proportionnalité des peines découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, elle n'a pas présenté de mémoire distinct soulevant une question prioritaire de constitutionnalité, ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges.

9. En quatrième lieu, aux termes du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ". La société requérante soutient qu'en lui infligeant l'amende pour factures fictives et la majoration pour manœuvres frauduleuses, l'administration fait application d'une sanction disproportionnée et méconnaît pour ce motif ces stipulations. Toutefois, un tel moyen, qui porte, non sur le contrôle juridictionnel auquel est soumise cette sanction administrative, mais sur la sanction elle-même, est inopérant.

10. En cinquième et dernier lieu, si la société évoque " l'instruction 13 N-1-98 du 28 juillet 1998 ", elle ne s'en prévaut pas sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ni même ne la produit. Au demeurant cette instruction a été rapportée à compter du 12 septembre 2012.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS La Libération n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Par conséquent, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS La Libération est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée La Libération et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 24 avril 2025, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- Mme Mastrantuono, première conseillère,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 mai 2025.

2

N° 23MA02392


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02392
Date de la décision : 12/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité - Garanties accordées au contribuable.

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : MAILLARD

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-12;23ma02392 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award