Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision implicite de rejet du ministre des armées née du silence gardé sur son recours administratif préalable obligatoire formé le 8 avril 2021 à l'encontre du titre de perception émis par la direction spécialisée des finances publiques pour l'étranger à son encontre le 30 avril 2015 pour un montant de 5 387,51 euros correspondant au remboursement de l'avance des frais de déménagement entre Brest et Northwood (Royaume-Uni) versée en août 2023, de le décharger de l'obligation de payer cette somme et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2103343 du 13 février 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la requête de M. A....
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 27 mars 2024 et 30 janvier 2025, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. B... A..., représenté par Me Moumni, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet née sur son recours préalable obligatoire adressé le 8 avril 2021, ensemble le titre de perception du 30 avril 2015 ;
3°) de le décharger du paiement de la somme de 5 387, 51 euros ou, à titre subsidiaire, de lui accorder une réduction du montant dû ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête de première instance n'était pas tardive ;
- le jugement est entaché d'irrégularité en ce qu'il a omis de statuer sur le moyen tiré de la prescription ;
- le titre litigieux est insuffisamment motivé et ne comporte pas les bases de la liquidation ;
- la créance était prescrite de même que l'action en recouvrement.
Par mémoires en défense enregistrés les 15 et 16 janvier 2025, le ministre des armées demande à la Cour de rejeter la requête de M. A....
Il soutient que la requête de première instance de M. A... était tardive et que les moyens de la requête sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le livre des procédures fiscales ;
- le code civil ;
- le code de la défense ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 2007-640 du 30 avril 2007 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vincent,
- et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a souscrit, le 3 septembre 2007, un contrat d'engagement avec la marine nationale au grade de maître, spécialité " détecteur anti-sous-marin ", d'une durée de dix ans. Il était, jusqu'en 2013, affecté à Brest. Par une décision du 15 mai 2013, il a été muté à Northwood (Royaume-Uni) à compter du 12 août 2013. Après avoir fait établir, le 27 juin 2013, un devis par l'entreprise de déménagement " déménager sans stress, il a, le 12 juillet 2013, présenté au centre d'administration ministériel des indemnités de déplacement (CAMID), une demande d'avance des frais de déménagement à engager. Une avance d'un montant de 5 387,51 euros, correspondant à 90 % du montant total du devis précité lui a été versée en août 2023. N'ayant pas présenté, dans le délai imparti, les justificatifs établissant la réalité de la dépense exposée, un titre exécutoire d'un montant de 5 387,51 euros a été émis le 30 avril 2015. Une mise en demeure valant commandement de payer a été émise le 25 août 2015 pour un montant de 5 926,51 euros comprenant une majoration de 10 %. Par une lettre en date du 8 avril 2021, M. A... a, par l'intermédiaire de son avocate, demandé au ministre des armées d'annuler le titre de perception précité et de le décharger de l'obligation de payer la somme de 5 387,51 euros. Cette demande a été implicitement rejetée. M. A... interjette appel du jugement du 13 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de cette décision implicite de rejet et de décharge.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 118 du décret susvisé du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique dans sa rédaction alors applicable : " Avant de saisir la juridiction compétente, le redevable doit adresser une réclamation appuyée de toutes justifications utiles au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer.
La réclamation doit être déposée, sous peine de nullité : 1° En cas d'opposition à l'exécution d'un titre de perception, dans les deux mois qui suivent la notification de ce titre ou du premier acte de poursuite qui procède du titre en cause ; 2° En cas d'opposition à poursuites, dans les deux mois qui suivent la notification de l'acte de poursuite. / L'autorité compétente délivre un reçu de la réclamation, précisant la date de réception de cette réclamation. Elle statue dans un délai de six mois dans le cas prévu au 1° et dans un délai de deux mois dans le cas prévu au 2°. A défaut d'une décision notifiée dans ces délais, la réclamation est considérée comme rejetée ". Par ailleurs, aux termes de l'article 119 du même décret : " Le débiteur peut saisir la juridiction compétente dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la décision prise sur sa réclamation ou, à défaut de cette notification, dans un délai de deux mois à compter de la date d'expiration des délais prévus à l'article 118 ". Enfin, aux termes de l'article R. 4125-1 du code de la défense, dans sa rédaction alors applicable : " I.- Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. / Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense. / La saisine de la commission est seule de nature à conserver le délai de recours contentieux jusqu'à l'intervention de la décision prévue à l'article R. 4125-10. II.- Les dispositions de la présente section ne sont pas applicables aux recours contentieux formés à l'encontre d'actes ou de décisions : 1° Concernant le recrutement du militaire ou l'exercice du pouvoir disciplinaire ; 2° Pris en application du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et du code des pensions civiles et militaires de retraite ainsi que ceux qui relèvent de la procédure organisée par les articles 112 à 124 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique. "
3. En cas de notification au militaire d'un titre de perception, l'opposition à ce titre, émis en application des dispositions de l'article 117 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, doit être précédée, conformément aux dispositions du 2° du II de l'article R. 4125-1 du code de la défense, d'une réclamation au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer, et non d'un recours devant la commission des recours des militaires.
4. Le tribunal administratif de Toulon a, par le jugement attaqué, jugé que la requête de M. A... était irrecevable faute pour celui-ci d'avoir exercé un recours administratif préalable dans les délais impartis.
5. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, dès le 29 septembre 2015, soit dans les deux mois du premier acte de poursuite que constitue la mise en demeure valant commandement de payer en date du 25 août 2015 et conformément aux dispositions précitées du 1° de l'article 118 du décret du 7 novembre 2012, M. A..., a par l'intermédiaire de son avocat, adressé à la direction spécialisée des finances publiques pour l'étranger (DSFIPE) un recours administratif préalable obligatoire dont il a été accusé réception, ainsi qu'établi par le tampon de la DSFIPE, le 9 octobre 2015. En l'absence de réponse sur ce recours administratif préalable obligatoire, une décision implicite de rejet est née six mois plus tard, soit le 9 avril 2016.
6. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.
7. Les règles énoncées au point 6, relatives au délai raisonnable au-delà duquel le destinataire d'une décision ne peut exercer de recours juridictionnel, qui ne peut en règle générale excéder un an sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, sont également applicables à la contestation d'une décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur une demande présentée devant elle, lorsqu'il est établi que le demandeur a eu connaissance de la décision. La preuve d'une telle connaissance ne saurait résulter du seul écoulement du temps depuis la présentation de la demande. Elle peut en revanche résulter de ce qu'il est établi, soit que l'intéressé a été clairement informé des conditions de naissance d'une décision implicite lors de la présentation de sa demande, soit que la décision a par la suite été expressément mentionnée au cours de ses échanges avec l'administration, notamment à l'occasion d'un recours gracieux dirigé contre cette décision. Le demandeur, s'il n'a pas été informé des voies et délais de recours dans les conditions prévues par l'article R. 421-5 du code de justice administrative, dispose alors, pour saisir le juge, d'un délai raisonnable qui court, dans la première hypothèse, de la date de naissance de la décision implicite et, dans la seconde, de la date de l'événement établissant qu'il a eu connaissance de la décision.
8. Ainsi qu'il a été dit précédemment, une décision implicite de rejet est née le 9 avril 2016 sur le recours administratif préalable obligatoire exercé le 29 septembre 2015 par M. A.... L'administration n'ayant pas accusé réception de ce recours administratif et informé son auteur des conditions dans lesquelles il devrait être regardé comme implicitement rejeté, M. A... disposait, pour saisir le juge, d'un délai raisonnable courant à compter de la date de l'événement établissant qu'il a eu connaissance de ce rejet. Il ne résulte toutefois d'aucune des pièces du dossier, et alors que plus aucun acte de poursuite n'a été engagé après la mise en demeure du 25 août 2015, que M. A... aurait eu connaissance de cette décision implicite de rejet de sa réclamation préalable obligatoire. En outre, si par une décision du 8 octobre 2018, le recours de M. A... a finalement été expressément rejeté par le directeur du CAMID, il n'est pas établi, en l'absence de signature par M. A... du récépissé produit par le ministre des armées ou d'un accusé de réception, que celui-ci aurait eu notification ou même connaissance de cette décision. Par suite, sa requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Toulon le 8 décembre 2021 n'était pas tardive.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit, dès lors, besoin de statuer sur l'autre cause d'irrégularité du jugement soulevée par le requérant, que ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa requête comme étant irrecevable. Il y a lieu, par suite, d'annuler ledit jugement et de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions présentées par M. A....
Sur les conclusions aux fins d'annulation et de décharge :
10. En premier lieu, aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Dans les conditions prévues pour chaque catégorie d'entre elles, les recettes sont liquidées avant d'être recouvrées. La liquidation a pour objet de déterminer le montant de la dette des redevables. Les recettes sont liquidées pour leur montant intégral, sans contraction avec les dépenses. / Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. En cas d'erreur de liquidation, l'ordonnateur émet un ordre de recouvrer afin, selon les cas, d'augmenter ou de réduire le montant de la créance liquidée. Il indique les bases de la nouvelle liquidation. Pour les créances faisant l'objet d'une déclaration, une déclaration rectificative, indiquant les bases de la nouvelle liquidation, est souscrite. / L'ordre de recouvrer peut être établi périodiquement pour régulariser les recettes encaissées sur versement spontané des redevables ". Tout état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.
11. Le titre exécutoire du 30 avril 2015 porte la mention " Titre de perception émis à la demande du ministère de la défense au titre d'un trop-perçu de frais de déplacement (...). Conformément au décret n° 2007-640 du 30 avril 2007, vous avez perçu au mois d'août 2013 une avance sur frais de transport mobilier d'un montant de 5 387, 51 euros au titre de votre mutation de Brest vers Northwood (Grande Bretagne). Conformément aux dispositions mentionnées sur la demande préalable, le dossier de liquidation doit être transmis dans un délai de neuf mois suivant le versement de l'avance. Votre dossier n'étant pas parvenu au CAMID dans le délai imparti, vous êtes redevable d'un trop-perçu du même montant (...) ". Ce titre est ainsi suffisamment motivé en droit et en fait et comporte l'ensemble des éléments permettant à l'intéressé de comprendre les bases de la liquidation. Par suite, le moyen tiré de ce que ce titre exécutoire n'aurait pas été suffisamment motivé et ne comporterait pas les bases de la liquidation doit être écarté.
12. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive ".
13. Il résulte de ces dispositions qu'une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée. Sauf dispositions spéciales, les règles fixées par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont applicables à l'ensemble des sommes indûment versées par des personnes publiques à leurs agents à titre de rémunération, y compris les avances et, faute d'avoir été précomptées sur la rémunération, les contributions ou cotisations sociales. En revanche, elles ne sont pas applicables aux avances et versements indus portant sur des frais occasionnés par les déplacements des agents qui ne constituent pas un élément de leur rémunération. Il suit de là, s'agissant du remboursement d'une avance sur frais de déménagement, que seule la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil en vertu duquel " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ", est applicable.
14. La créance de l'Etat, née au terme du délai imparti à l'agent pour justifier de la réalité des frais de déménagement exposés, n'était pas prescrite à la date du titre de perception attaqué. Par suite, le moyen tiré de ce que la créance serait prescrite ne peut être qu'écarté.
15. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales : " Les comptables publics des administrations fiscales qui n'ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable (...) ".
16. Si M. A... fait valoir que l'action en recouvrement serait prescrite, ce moyen est toutefois inopérant en l'absence de tout acte de recouvrement autre que la mise en demeure valant commandement de payer émise le 25 août 2015, soit dans le délai de quatre années précité.
17. Il résulte de ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation et de décharge présentées en première instance et en appel par M. A... doivent être rejetées.
Sur les frais d'instance :
18. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par M. A... en première instance et en appel doivent, dès lors, être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2103343 du 13 février 2024 du tribunal administratif de Toulon est annulé.
Article 2 : Les conclusions de première instance et d'appel de M. A... sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre des armées et à la direction spécialisée des finances publiques pour l'étranger.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2025, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- M. Point, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 mai 2025.
N° 24MA00743 2
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