Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 220 843 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de la faute de l'administration tenant à l'absence de prorogation de son contrat d'engagement pendant la durée de son congé de maladie et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2107093 du 12 janvier 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté comme étant irrecevables les conclusions présentées par M. B....
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 11 mars 2024 et 14 février 2025, M. A... B..., représenté par Me Boulisset, doit être regardé comme demandant à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme globale de 220 843 euros en réparation des préjudices matériel et moral qu'il estime avoir subis du fait de l'absence de prorogation de son contrat d'engagement pendant son congé de maladie, avec intérêts au taux légal à compter du 8 février 2021 et capitalisation des intérêts ;
3°) d'enjoindre à l'Etat de reconstituer sa carrière dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- ses conclusions indemnitaires sont recevables dès lors, d'une part, que sa demande du 8 février 2021 était également fondée sur une faute tenant à l'absence de prorogation de son contrat et, d'autre part, qu'en tout état de cause, il a adressé à son administration une réclamation le 15 mars 2023 qui a fait naître une décision implicite de rejet avant que le tribunal ne statue ;
- son contrat d'engagement devait être prolongé pendant son congé de maladie en application des dispositions de l'article L. 4138-2 du code de la défense ; son employeur a mal géré sa situation administrative ;
- il aurait dû être placé, après 180 jours, en congé de longue maladie pendant 3 années avec le bénéfice d'une pleine solde ; il a également perdu une chance de pouvoir bénéficier de la retraite plus tôt ; enfin, il subit un préjudice moral.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 janvier 2025, le ministre des armées demande à la Cour de rejeter la requête de M. B....
Il soutient que les conclusions présentées par M. B... sont irrecevables faute pour ce dernier d'avoir exercé un recours administratif préalable obligatoire devant la commission des recours des militaires et qu'elles sont, en tout état de cause, infondées.
Par un courrier du 18 mars 2025, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre des armées de procéder à la reconstitution de carrière de M. B... qui sont nouvelles en appel et sont présentées à titre principal, dans le cadre d'un contentieux indemnitaire, hors des cas prévus par les dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vincent,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Boulisset pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... s'est engagé dans l'armée de terre le 1er octobre 1999 en qualité de militaire du rang. Il a ensuite souscrit trois contrats d'engagement, à compter du 1er mars 2003 pour une durée de 8 ans, à compter du 1er mars 2011 pour une durée de 7 ans et enfin, à compter du 1er mars 2018 pour une durée de 3 mois. Par un arrêté en date du 24 avril 2018, notifié le 9 mai 2018, le ministre des armées a décidé de le radier des contrôles au terme de son dernier contrat, soit à compter du 1er juin 2018. Toutefois, M. B... a été victime, le 16 mai 2018, d'un accident de service au cours d'une séance de boxe durant laquelle il a subi de très vives douleurs au genou droit. En dépit de cet accident de service, son contrat d'engagement n'a pas été prorogé à son terme pendant la durée de son congé de maladie. Par une lettre en date du 24 avril 2019, M. B... a présenté à son administration une demande tendant à la réparation des préjudices personnels qu'il estimait avoir subis du fait de son accident de service. Après réalisation d'une expertise médicale, le 27 août 2020, le ministre des armées a proposé à M. B..., le 14 décembre 2020 dans le cadre d'un protocole transactionnel, de lui allouer la somme de 185 euros au titre des souffrances endurées et du préjudice esthétique permanent. Par une lettre en date du 8 février 2021, M. B... a contesté le montant de cette proposition devant la commission des recours des militaires. Par une décision du 2 juin 2021, le ministre des armées lui a proposé la somme de 1 500 euros. M. B... a saisi le tribunal administratif de Marseille de conclusions indemnitaires tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme globale de 220 843 euros en réparation des préjudices matériel et moral qu'il estime avoir subis en raison de la faute de l'administration quant à l'absence de prorogation de son contrat d'engagement pendant la durée de son congé de maladie. Par un jugement du 12 janvier 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les conclusions indemnitaires de M. B... comme étant irrecevables. Ce dernier interjette appel dudit jugement.
Sur les conclusions indemnitaires :
2. Aux termes du I de l'article R. 4125-1 du code de la défense : " Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. / Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense ". Aux termes de l'article R. 4125-2 du même code : " A compter de la notification ou de la publication de l'acte contesté, ou de l'intervention d'une décision implicite de rejet d'une demande, le militaire dispose d'un délai de deux mois pour saisir la commission par tout moyen conférant date certaine de réception de cette saisine au secrétariat permanent placé sous l'autorité du président de la commission. (...) / La saisine de la commission est accompagnée d'une copie de l'acte contesté et mentionne les griefs formulés contre cet acte. Dans le cas d'une décision implicite de rejet, la saisine est accompagnée d'une copie de la demande. / Si la copie de l'acte ou, dans le cas d'une décision implicite de rejet, la copie de la demande ne sont pas jointes à l'envoi, le secrétariat permanent de la commission met l'intéressé en demeure de la produire dans un délai de deux semaines ; en l'absence de production dans ce délai, l'intéressé est réputé avoir renoncé à son recours. Le président de la commission en dresse le constat et en informe l'intéressé ". La saisine de la commission des recours des militaires s'impose à peine d'irrecevabilité d'un recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle, que ce recours tende à l'annulation d'une décision ou à l'octroi d'une indemnité à la suite d'une décision préalable ayant lié le contentieux. Il importe peu, dans ce dernier cas, que le recours indemnitaire ait pour objet la réparation des conséquences dommageables de l'illégalité d'une décision elle-même incluse dans le champ de compétence de la commission ou de simples agissements de l'administration, pourvu que le litige puisse être regardé comme relatif à la situation personnelle du militaire concerné.
3. D'une part, ainsi que l'ont à bon droit estimé les premiers juges, la lettre adressée le 8 février 2021 par M. B... à la commission des recours des militaires avait pour seul objectif de contester la proposition d'indemnisation, d'un montant très faible de 185 euros, faite le 14 décembre 2020 par le ministre des armées sur sa demande du 24 avril 2019 tendant à la réparation de l'intégralité des préjudices personnels subis du fait de son accident de service du 16 mai 2018. Par cette lettre, dont les termes étaient imprécis, M. B... ne peut, en revanche et alors que le litige est relatif à sa situation personnelle au sens des dispositions précitées, être regardé comme ayant entendu solliciter une indemnisation au titre de la faute née du refus de prorogation de son contrat d'engagement pendant la durée de son congé de maladie. En tout état de cause, à supposer même que cette lettre puisse être interprétée comme tendant au bénéfice d'une telle indemnisation, elle n'a pas été préalablement adressée à son administration et ne saurait donc avoir lié le contentieux.
4. D'autre part, s'il est constant que, par une lettre en date du 15 mars 2023 réceptionnée le 21 mars 2023, M. B... a présenté à son administration, par l'intermédiaire de son avocat, une demande en bonne et due forme tendant à la réparation des préjudices matériel et moral qu'il estime avoir subis du fait de l'absence de prorogation de son contrat d'engagement au cours de la période de son congé de maladie, il n'établit pas avoir, après naissance d'une décision implicite de rejet née sur cette demande, saisi la commission des recours des militaires et qu'une décision implicite de rejet aurait été prise sur cette demande avant que le tribunal ne statue.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. B..., à qui il appartiendra, le cas échéant, de présenter une nouvelle demande indemnitaire à son administration et, en cas de refus, de saisir la commission des recours des militaires, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions indemnitaires comme étant irrecevables.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ".
7. M. B... demande à la Cour d'enjoindre à l'Etat de reconstituer sa carrière dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir. Toutefois, ces conclusions sont, d'une part, nouvelles en appel et sont, d'autre part, présentées à titre principal hors des cas prévus par les dispositions précitées. Elles sont, par suite, irrecevables.
Sur les frais d'instance :
8. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par M. B... doivent, dès lors, être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2025, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- M. Point, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 mai 2025.
N° 24MA00607 2
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