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25/04/2025 | FRANCE | N°24MA01894

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 25 avril 2025, 24MA01894


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Distribution Casino France a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 26 octobre 2021 par laquelle le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de Provence, Alpes, Côte-d'Azur a prononcé à son encontre plusieurs amendes administratives au titre d'un manquement aux dispositions des articles L. 3171-2 et D. 3171-8 du code du travail, pour un montant total de 67 200 euros.



Par un juge

ment n° 2200056 du 11 juillet 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Distribution Casino France a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 26 octobre 2021 par laquelle le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de Provence, Alpes, Côte-d'Azur a prononcé à son encontre plusieurs amendes administratives au titre d'un manquement aux dispositions des articles L. 3171-2 et D. 3171-8 du code du travail, pour un montant total de 67 200 euros.

Par un jugement n° 2200056 du 11 juillet 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire non communiqué, enregistrés les 22 juillet 2024 et 14 février 2025, la société Distribution Casino France, représentée par Me Bouchez El Ghozi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 juillet 2024 ;

2°) d'annuler la décision du 26 octobre 2021 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le système de décompte individuel du temps de travail mis en place respecte les dispositions applicables qui ne prévoient aucun formalisme particulier ; le planning établi, corrigé le cas échéant par les salariés, est fiable, ainsi que cela a pu être constaté lors des contrôles sur place ; il comprend les pauses ; l'employeur n'a pas à vérifier quotidiennement le décompte effectué par son collaborateur ; un récapitulatif hebdomadaire est dûment établi ;

- toute autre interprétation, faute de prévisibilité, méconnaîtrait le principe de légalité des délits et des peines.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2025, la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Poullain,

- et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de plusieurs contrôles effectués par les inspecteurs du travail dans l'établissement secondaire de la société Distribution Casino France situé à Saint-Raphaël il a été constaté que durant quatre semaines consécutives entre les mois de février et mars 2020, la société y avait manqué à son obligation, fixée par les articles L. 3171-2 et D. 3171-8 du code du travail, de tenir les décomptes individuels et quotidiens de la durée de travail de 28 de ses salariés n'étant pas soumis à un même horaire collectif de travail. La société Distribution Casino France relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulon n° 2200056 du 11 juillet 2024 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 octobre 2021 par laquelle le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de Provence, Alpes, Côte-d'Azur a prononcé à son encontre 28 amendes administratives d'un montant unitaire de 2 400 euros à ce titre, pour un montant total de 67 200 euros.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 3171-2 du code du travail : " Lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés ". En vertu de l'article D. 3171-8 du même code : " Lorsque les salariés d'un atelier, d'un service ou d'une équipe, au sens de l'article D. 3171-7, ne travaillent pas selon le même horaire collectif de travail affiché, la durée du travail de chaque salarié concerné est décomptée selon les modalités suivantes : / 1° Quotidiennement, par enregistrement, selon tous moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d'heures de travail accomplies ; / 2° Chaque semaine, par récapitulation selon tous moyens du nombre d'heures de travail accomplies par chaque salarié ".

3. Il résulte des dispositions citées au point précédent que lorsque les salariés d'un atelier, d'un service ou d'une équipe ne travaillent pas selon le même horaire collectif de travail affiché, il incombe à l'employeur de prévoir les modalités par lesquelles un décompte des heures accomplies par chaque salarié est établi quotidiennement et chaque semaine, selon un système qui doit être objectif, fiable et accessible.

4. En premier lieu, en l'espèce, il résulte de l'instruction que la société Distribution Casino France dispose d'un planning hebdomadaire prévisionnel et collectif de travail, faisant apparaître les horaires individuels de prise et de fin de poste de ses salariés prévus pour chaque jour de la semaine, le cas échéant amendé en cas de présence ou d'absence non initialement prévue. Il n'est toutefois pas prévu que les salariés y reportent quotidiennement leurs heures effectives de début et de fin de période de travail, ni le relevé du nombre d'heures de travail accomplies. Les rares corrections qui y apparaissent, au demeurant de façon pas toujours lisible, portent ainsi sur des temps de présence supérieurs ou égaux à une demi-heure. Si la société établit également un décompte hebdomadaire faisant supposément apparaitre le temps de travail effectivement réalisé chaque jour de la semaine écoulée par chaque salarié, ce dernier document reprend exactement les temps et heures de présence portés sur le planning prévisionnel amendé. Si elle indique que les temps de pause qui en sont déduits correspondent aux temps effectifs de pause, elle ne donne aucune indication quant à la manière dont ceux-ci sont relevés et ne contredit pas l'administration qui indique qu'ils sont simplement préprogrammés en fonction de la durée de présence prévue. Dans ces circonstances, alors même que, lors de leurs contrôles, les inspecteurs ont pu constater la présence des salariés prévue au planning hebdomadaire prévisionnel, le système mis en place manque de précision et ne peut être regardé comme objectif, fiable et accessible. Sans que sa forme ou le principe de la participation des salariés à son établissement n'aient en eux-mêmes d'incidence, il ne permet pas le décompte quotidien des heures de travail effectives et ne satisfait ainsi pas aux exigences issues des dispositions des articles L. 3171-2 et D. 3171-8 du code du travail.

5. En deuxième lieu, le principe de légalité des délits et des peines, qui s'étend à toute sanction ayant le caractère d'une punition, fait obstacle à ce que l'administration inflige une sanction si, à la date des faits litigieux, la règle en cause n'est pas suffisamment claire, de sorte qu'il n'apparaît pas de façon raisonnablement prévisible par les professionnels concernés que le comportement litigieux est susceptible d'être sanctionné.

6. Contrairement à ce que soutient la requérante, en retenant que son système ne permettait pas le décompte du temps de travail effectif de ses salariés, l'administration n'a pas, eu égard à ce qui vient d'être exposé au point 4, ajouté, de façon imprévisible, des exigences formelles aux dispositions applicables. Elle n'a pas méconnu le principe de légalité des délits.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Distribution Casino France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Distribution Casino France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Distribution Casino France et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

Copie en sera adressée au directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de Provence, Alpes, Côte-d'Azur.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Poullain, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 avril 2025.

2

N° 24MA01894

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA01894
Date de la décision : 25/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Répression - Domaine de la répression administrative - Régime de la sanction administrative.

Travail et emploi - Conditions de travail.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : AARPI JEANTET ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-25;24ma01894 ?
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