Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) Sea Front a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 15 mai 2020 par lequel le maire de la commune de Saint-Jean-Cap-Ferrat a délivré à la société anonyme Mediterranean Estate un permis de construire pour la rénovation de la " villa Sicard ", de sa dépendance et de sa tourette, la création d'une piscine et d'un garage et diverses démolitions sur un terrain cadastré section AB n° 168, 189, 191, 223 à 228 et situé 9, promenade Maurice Rouvier à Saint-Jean-Cap-Ferrat.
Par un jugement n° 2002805 du 26 octobre 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 décembre 2023, la SCI Sea Front, représentée par Me Szepetowski, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 26 octobre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 15 mai 2020 du maire de Saint-Jean-Cap-Ferrat ;
3°) de mettre à la charge de la société Mediterranean Estate la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le dossier de permis de construire ne comprend qu'une seule photographie d'insertion du projet dans son environnement et ne comprend aucune vue d'insertion depuis la voie publique et depuis la mer ;
- la demande de permis de construire déposée par la société anonyme Mediterranean Estate aurait dû être examinée au regard de sa conformité avec le plan local d'urbanisme métropolitain de la métropole Nice Côté d'Azur (PLUM) dès lors qu'à la date de l'obtention du certificat d'urbanisme, un sursis à statuer aurait dû être opposé à la demande de permis de construire au regard de l'atteinte par le projet au périmètre de l'espace boisé classé dans son nouveau périmètre issu de ce document d'urbanisme, alors en outre que le projet ne respecte pas la superficie minimale d'espaces verts prévue par la PLUM pour être comprise entre 65 et 75 % dès lors que le projet s'insère dans la trame verte et bleue, le projet ne déduisant pas le chemin Visconti de la surface de ces espaces, et qu'il ne respecte pas non plus la hauteur maximale de 7 mètres des constructions prévues par le PLUM, ni l'interdiction par ce document de la couleur bleue pour les bassins de piscine ; pour les mêmes motifs, le maire aurait dû surseoir à statuer sur la demande de la société anonyme Mediterranean Estate dès lors que le projet est de nature à compromettre l'exécution du PLUM ou susceptible de la rendre plus onéreuse ;
- le projet méconnaît le coefficient d'emprise au sol prévu par le plan d'occupation des sols (POS) en ne prenant pas en compte l'emprise de certaines constructions, dont celles de la piscine et des escaliers ;
- il méconnaît la règle de hauteur de 7 mètres à l'égout de toit fixé par le POS.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2024, la commune de Saint-Jean-Cap-Ferrat, représentée par Me Zohar, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SCI Sea Front la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à la société Mediterranean Estate qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Claudé-Mougel,
- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,
- et les observations de Me Loiseau, substituant Me Zohar, représentant la commune de Saint-Jean-Cap-Ferrat.
Considérant ce qui suit :
1. La société Mediterranean Estate a déposé le 19 juin 2019 une demande de permis de construire ayant pour objet la rénovation de la " villa Sicard ", de sa dépendance et de sa tourette, la création d'une piscine et d'un garage et diverses démolitions sur un terrain cadastré section AB n° 168, 189, 191 et 223 à 228 et situé 9, promenade Maurice Rouvier à Saint-Jean-Cap-Ferrat. Le 24 octobre suivant, elle a déposé une demande de certificat d'urbanisme portant sur ce terrain. Le lendemain, la métropole Nice Côté d'Azur a approuvé le plan local d'urbanisme métropolitain (PLUM), qui est devenu exécutoire le 5 décembre 2019. Le 13 novembre 2019, le maire de Saint-Jean-Cap-Ferrat a délivré le certificat d'urbanisme sollicité par ladite société. Le permis de construire demandé par cette société lui a été délivré le 15 mai 2020. La SCI Sea Front relève appel du jugement du 26 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce permis.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 431-2 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural définit, par des plans et documents écrits, l'implantation des bâtiments, leur composition, leur organisation et l'expression de leur volume ainsi que le choix des matériaux et des couleurs. / Il précise, par des documents graphiques ou photographiques, l'insertion dans l'environnement et l'impact visuel des bâtiments ainsi que le traitement de leurs accès et de leurs abords. " Par ailleurs, l'article R. 431-7 du même code dispose : " Sont joints à la demande de permis de construire : / a) Un plan permettant de connaître la situation du terrain à l'intérieur de la commune ; / b) Le projet architectural défini par l'article L. 431-2 et comprenant les pièces mentionnées aux articles R. 431-8 à R. 431-12. " Enfin, l'article R. 431-10 du même code dispose : " Le projet architectural comprend également : / (...) c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. (...) ".
3. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
4. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire déposé par la société Mediterranean Estate comprend une photographie d'insertion du projet dans son environnement, constituant une vue aérienne cotée PCMI6, n'a pu, en l'espèce, fausser l'appréciation du maire Saint-Jean-Cap-Ferrat, alors qu'il comprend aussi une planche graphique cotée PCMI19-A2 permettant d'apprécier son insertion dans son environnement proche. L'article R. 431-10, ni aucune autre disposition, n'implique que ce dossier comprenne des vues du projet depuis la voie publique ou depuis la mer. Ce moyen ne peut qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée :/ a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ; / b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus./ Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique./ Lorsque le projet est soumis à avis ou accord d'un service de l'Etat, les certificats d'urbanisme le mentionnent expressément. Il en est de même lorsqu'un sursis à statuer serait opposable à une déclaration préalable ou à une demande de permis. Le certificat d'urbanisme précise alors expressément laquelle ou lesquelles des circonstances prévues aux deuxième à sixième alinéas de l'article L. 424-1 permettraient d'opposer le sursis à statuer./ Le certificat d'urbanisme est délivré dans les formes, conditions et délais déterminés par décret en Conseil d'Etat par l'autorité compétente mentionnée au a et au b de l'article L. 422-1 du présent code. " Aux termes du 2ème alinéa de l'article L. 424-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus au 6° de l'article L. 102-13 et aux articles L. 153-11 et L. 311-2 du présent code et par l'article L. 331-6 du code de l'environnement. " Le dernier alinéa de l'article L. 153-11 dispose que " L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable. "
6. Il résulte de la combinaison des articles L. 153-11, L. 410-1 et L. 424-1 du code de l'urbanisme que tout certificat d'urbanisme délivré sur le fondement de l'article L. 410-1 a pour effet de garantir à son titulaire un droit à voir toute demande d'autorisation ou de déclaration préalable déposée dans le délai indiqué examinée au regard des règles d'urbanisme applicables à la date de la délivrance du certificat. Figure cependant parmi ces règles la possibilité de se voir opposer un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis, lorsqu'est remplie, à la date de délivrance du certificat, l'une des conditions énumérées à l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme. Une telle possibilité vise à permettre à l'autorité administrative de ne pas délivrer des autorisations pour des travaux, constructions ou installations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan local d'urbanisme. Lorsque le plan en cours d'élaboration et qui aurait justifié, à la date de délivrance du certificat d'urbanisme, que soit opposé un sursis à une demande de permis ou à une déclaration préalable, entre en vigueur dans le délai du certificat, les dispositions issues du nouveau plan sont applicables à la demande de permis de construire ou à la déclaration préalable.
7. Il ressort du dossier de permis de construire déposé par la société Mediterranean Estate que son projet ne modifie pas la hauteur de la villa Sicard. L'ajout d'un parc de stationnement en sous-œuvre de la dépendance existante, impliquant un décaissement entraînant une faible baisse du niveau du terrain naturel ne saurait à lui seul être regardé comme de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuses l'exécution du PLUM limitant à l'article 2.1.2 de son règlement la hauteur maximale des constructions à 7 mètres en zone UFC6 où se trouve la parcelle d'assiette du projet litigieux, alors en outre que l'arrêté litigieux prescrit que la hauteur de cette dépendance devrait s'établir à 20,83 mètres afin de ne pas excéder la hauteur frontale maximale de 10 mètres fixée par l'article UC 10 du règlement du plan d'occupation des sols. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société appelante, le projet prévoit que le revêtement de la piscine soit en grès cérame, et non de couleur bleue. De même, il ressort du plan du dossier de permis complémentaire déposé le 7 octobre 2019 par la pétitionnaire, coté PCMI2-Q, que les espaces verts représentent une surface de 3788,33 m², soit plus de 65 % de la surface de 5822 m² de l'unité foncière et si la société appelante soutient qu'il " semble " que le chemin Visconti n'ait pas été déduit de la surface des espaces verts, elle n'assortit pas cette branche du moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Enfin, la circonstance que le projet prévoit une rampe d'accès en bordure du chemin Visconti qui empiète sur le périmètre de l'espace boisé classé tel qu'étendu par le PLUM n'est pas davantage, eu égard à son ampleur limitée, susceptible de faire regarder le projet litigieux comme de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuses l'exécution du PLUM. Le maire de Saint-Jean-Cap-Ferrat n'a donc pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en n'opposant pas un sursis à statuer à la demande la société Mediterranean Estate et, eu égard au principe rappelé au point 6, la société appelante ne peut donc davantage utilement soutenir que le projet litigieux méconnaîtrait des dispositions du PLUM.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article UC 10 du règlement du plan d'occupation des sols (POS) de Saint-Jean-Cap-Ferrat approuvé le 27 mars 2002 et applicable, ainsi qu'il vient d'être dit, à la demande de permis de construire déposé par la société Mediterranean Estate : " La hauteur des constructions, mesurée en tout point des façades du sol naturel ou excavé jusqu'au niveau de l'égout du toit, ne pourra excéder 7 mètres. / (...) La hauteur frontale ne doit pas excéder 10 mètres. / La hauteur des constructions annexes (garages, buanderies, locaux sanitaires et techniques, abris de jardin, remises, barbecues etc...) ne pourra excéder 2,50 mètres à l'égout de toit et 3 mètres au faîtage (...) ".
9. la circonstance qu'une construction existante n'est pas conforme à une ou plusieurs dispositions d'un document d'urbanisme régulièrement approuvé ne s'oppose pas, en l'absence de dispositions de ce plan spécialement applicables à la modification des immeubles existants, à la délivrance ultérieure d'un permis de construire s'il s'agit de travaux qui, ou bien doivent rendre l'immeuble plus conforme aux dispositions réglementaires méconnues, ou bien sont étrangers à ces dispositions.
10. Il ressort des pièces du dossier de la demande de permis de construire déposée par la société Mediterranean Estate que la hauteur de la dépendance existante s'établit à l'égout de toit à une cote altimétrique de 21,59 mètres, la hauteur du terrain naturel en pied de façade s'établissant à un cote altimétrique de 10,83 mètres, soit une hauteur de cette construction existante de 10,76 mètres. Alors que le projet de rénovation de cette dépendance consiste à abaisser cette hauteur à la cote altimétrique de 21,19 mètres, l'arrêté en litige a prescrit, ainsi qu'il a été dit au point 7, de la limiter à la cote de 20,83 mètres afin que la hauteur de l'annexe ne dépasse pas 10 mètres de hauteur frontale. Ainsi, à supposer même que ce bâtiment soit qualifié de construction annexe au sens de l'article UC 10 du plan d'occupation des sols de Saint-Jean-Cap-Ferrat, le projet tel qu'autorisé par l'arrêté en litige a pour effet de rendre cette construction plus conforme à la règle d'urbanisme applicable et le moyen tiré de la méconnaissance de cet article ne peut qu'être écarté.
11. En quatrième lieu, aux termes de l'article UC 9 du règlement du POS de Saint-Jean-Cap-Ferrat : " L'emprise au sol des bâtiments ne doit pas excéder : / (...) 15 % de la superficie de l'unité foncière dans les secteurs UCb (...) "
12. Il ressort du plan du dossier de permis complémentaire déposé le 7 octobre 2019 par la pétitionnaire, coté PCMI2-P, que l'emprise au sol du projet est de 662,64 m², soit 11,37 % de la surface de 5822 m² de l'unité foncière. A supposer que, comme le soutient la société Sea Front, la surface de la piscine de 156 m² doive être prise en compte dans le calcul de l'emprise du projet, celle-ci, en s'établissant à 818,64 m², demeurerait inférieure à l'emprise maximale possible de 873,30 m². A supposer également que, comme ladite société appelante le soutient, les escaliers n'auraient pas été pris en compte, elle n'établit pas que leur surface excèderait l'emprise possible restante de 54,66 m². Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UC 9 du règlement du POS doit donc être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Sea Front n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
14. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chacune des parties la charge de ses frais.
D É C I D E
Article 1er : La requête de la SCI Sea Front est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Saint-Jean-Cap-Ferrat fondée sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Sea Front, à la commune de Saint-Jean-Cap-Ferrat et à la société Mediterranean Estate.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, où siégeaient :
- M. Portail, président,
- Mme Courbon, présidente-assesseure,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 avril 2025.
N° 23MA02949
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