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04/04/2025 | FRANCE | N°23MA00355

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 04 avril 2025, 23MA00355


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les titres exécutoires n° 0757513, n° 0757514, n°0757515 et n° 0757516 émis le 13 décembre 2018 à son encontre par le centre hospitalier universitaire de Nice ainsi que la décision du 16 avril 2019 par laquelle la directrice adjointe des finances et du contrôle de gestion de cet établissement a rejeté ses recours gracieux et de prononcer la décharge de l'obligation de payer les sommes mises à sa charge par

ces titres exécutoires.



Par un jugement n° 1902437 du 8 décembre 2022, le tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les titres exécutoires n° 0757513, n° 0757514, n°0757515 et n° 0757516 émis le 13 décembre 2018 à son encontre par le centre hospitalier universitaire de Nice ainsi que la décision du 16 avril 2019 par laquelle la directrice adjointe des finances et du contrôle de gestion de cet établissement a rejeté ses recours gracieux et de prononcer la décharge de l'obligation de payer les sommes mises à sa charge par ces titres exécutoires.

Par un jugement n° 1902437 du 8 décembre 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 11 février 2023, 14 juillet 2023 et 18 mars 2024, M. B..., représenté par Me Persico, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 8 décembre 2022 ;

2°) d'annuler les titres exécutoires n° 0757513, n° 0757514, n°0757515 et n° 0757516 émis le 13 décembre 2018 à son encontre par le centre hospitalier universitaire de Nice ;

3°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 38 279,86 euros mise à sa charge par les titres exécutoires émis le 13 décembre 2018 ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Nice la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les titres litigieux méconnaissent les dispositions de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique car ils n'indiquent pas les bases de la liquidation ;

- ils méconnaissent les articles L. 6154-3 et D. 6154-10-3 du code de la santé publique ;

- ils sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- ils méconnaissent les stipulations du contrat d'activité libérale ;

- il n'existe aucun enrichissement sans cause de sa part.

Par des mémoires, enregistrés les 14 juin 2023, 16 février 2024 et 28 mai 2024, le centre hospitalier universitaire de Nice, représenté par Me Broc, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rigaud ;

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public ;

- et les observations de Me Gillet, représentant le centre hospitalier universitaire de Nice.

Une note en délibéré, présentée pour M. B..., a été enregistrée le 31 mars 2025.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... relève appel du jugement du 8 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des quatre titres exécutoires émis à son encontre le 13 décembre 2018 par le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice correspondant à 75 % du montant total des dispositifs médicaux implantables (DMI) qu'il a utilisés dans le cadre de son activité libérale entre 2012 et 2015 et de la décision du 16 avril 2019 par laquelle la directrice adjointe des finances et du contrôle de gestion de l'établissement a rejeté ses recours gracieux et à la décharge de l'obligation de payer les sommes mises à sa charge par ces titres exécutoires.

Sur le bienfondé du jugement attaqué :

2. Aux termes du second alinéa de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) ". Cette disposition du titre premier de ce décret est applicable aux établissements publics de santé en vertu du 3° de l'article 1 de ce même décret.

3. En vertu de ces dispositions, une personne publique ne peut mettre en recouvrement une créance sans indiquer, soit dans le titre lui-même, soit par une référence précise à un document joint à ce titre ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde pour mettre les sommes en cause à la charge de ce débiteur.

4. Les titres exécutoires en litige mentionnent explicitement qu'ils sont relatifs au remboursement de montants restants dus pour fourniture de dispositifs médicaux implantables pour les années 2012, 2013, 2014, et 2015 et renvoient au courrier de notification qui les a accompagnés. Ce courrier du 13 décembre 2018 précise que les principes de facturation des implants ont été énoncés dès 2009, que les achats par le CHU de Nice des DMI et biomatériaux sont indépendants du contrat d'activité libérale établi en application de l'article L. 6154-4 du code de la santé publique, que M. B... a cependant facturé des honoraires aux patients comprenant le coût des DMI sans reverser les sommes correspondantes au CHU qui fournissait pourtant ces produits, que dans le cadre de la redevance due au titre de son activité libérale dont le taux est de 25 % des honoraires perçus, il a remboursé à l'établissement 25 % du montant de ces implants et que les titres exécutoires en cause ont vocation à recouvrer les 75 % restant dus du coût de ces DMI utilisés pour son activité libérale et financés par le CHU. Ce courrier renvoie en annexe à deux tableaux récapitulatifs pour chaque année en cause. Ces tableaux exposent d'une part le calcul du montant restant dû pour chaque année et détaillent d'autre part, pour chaque année et pour chaque patient traité, la référence du matériel utilisé, la quantité, son tarif et les honoraires perçus pour chaque acte. Les titres exécutoires en litige, accompagnés de telles indications des bases et des éléments de calcul sur lesquels le CHU de Nice s'est fondé pour déterminer les sommes qu'il a mises à la charge du requérant ne peuvent être utilement contestés pour défaut d'indication des bases de liquidation de la créance.

5. Aux termes de l'article L. 6154-3 du code de la santé publique : " Le praticien exerçant une activité libérale choisit de percevoir ses honoraires directement ou, par dérogation aux dispositions de l'article L. 162-2 du code de la sécurité sociale, par l'intermédiaire de l'administration de l'hôpital. / (...) / L'activité libérale donne lieu au versement à l'établissement par le praticien d'une redevance dans des conditions déterminées par décret. (...). L'article D. 6154-10-1 de ce code précise que : " La redevance mentionnée à l'article L. 6154-3, due à l'établissement par les praticiens qui exercent une activité libérale, est fixée en pourcentage des honoraires qu'ils perçoivent au titre de cette activité. ". Enfin, aux termes de l'article D. 6154-10-3 de ce code : " Le taux de la redevance mentionnée à l'article L. 6154-3 est ainsi fixé : 1° Consultations : 16 % pour les centres hospitaliers universitaires, 15 % pour les centres hospitaliers ; 2° Actes autres que les actes d'imagerie, de radiothérapie, de médecine nucléaire, de biologie : 25 % pour les centres hospitaliers universitaires, 16 % pour les centres hospitaliers ; 3° Actes d'imagerie, de radiothérapie, de médecine nucléaire, de biologie : 60 % pour les centres hospitaliers universitaires et pour les centres hospitaliers. (...) ".

6. Le versement à l'établissement hospitalier prévu par l'article L. 6154-3 du code de la santé publique à la charge des praticiens hospitaliers qui y exercent une activité libérale a le caractère d'une redevance pour service rendu et non d'une imposition. La valeur du service ainsi rendu n'est pas limitée au coût des installations techniques, des locaux mis à leur disposition et des dépenses de personnel exposées par l'établissement, mais peut également être appréciée au regard des avantages de toute nature que ces praticiens en retirent, eu égard notamment à la possibilité qui leur est ainsi ouverte d'exercer leur activité libérale dans le cadre et avec les moyens du service, en bénéficiant le cas échéant de la notoriété qui s'attache à l'établissement dans lequel ils exercent cette activité.

7. Il résulte du procès-verbal de la commission d'activité libérale du 22 décembre 2009, dont les termes ont été confirmés par la même commission tel que cela ressort du procès-verbal du 18 mars 2011, que les praticiens concernés remboursent au CHU " le produit coûteux selon son montant exact " et que " la redevance est assise sur le seul acte intellectuel, sans considération du produit coûteux qui est d'ores et déjà remboursé au CHU ".

8. Aux termes de l'article L. 6146-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable : " Dans des conditions fixées par voie réglementaire, le directeur d'un établissement public de santé peut, sur proposition du chef de pôle, après avis du président de la commission médicale d'établissement, admettre des médecins (...) exerçant à titre libéral, autres que les praticiens statutaires exerçant dans le cadre des dispositions de l'article L. 6154-1, à participer à l'exercice des missions de service public mentionnées à l'article L. 6112-1 attribuées à cet établissement ainsi qu'aux activités de soins de l'établissement. (...) / Les professionnels de santé mentionnés au premier alinéa participent aux missions de l'établissement dans le cadre d'un contrat conclu avec l'établissement de santé, qui fixe les conditions et modalités de leur participation et assure le respect des garanties mentionnées à l'article L. 6112-3 du présent code. (...) ".

9. Aux termes de l'article 7 du contrat d'activité libérale que le requérant a conclu le 27 septembre 2011 avec le CHU de Nice : " L'hôpital met à la disposition de M. A... B... les moyens nécessaires pour lui permettre d'exercer son art compte-tenu de la spécialité exercée dans la limite du budget autorisé et des moyens disponibles pour l'exercice de l'activité publique ".

10. Le requérant soutient qu'il résulte de ces stipulations que les DMI constituent des moyens devant être mis à disposition du praticien par l'hôpital en contrepartie de la redevance prévue à l'article L. 6154-3 de la santé publique. Il soutient également que l'exclusion des DMI, par le CHU de Nice, des moyens visés par ces stipulations au titre des années d'exercice antérieures à 2015 consiste en une modification rétroactive et illégale du contrat.

11. L'acte qualifié par le législateur de contrat, par lequel sont retracées les modalités de l'activité libérale exercée par un praticien hospitalier à l'hôpital, ne détermine pas cette redevance, dont le montant peut légalement excéder le seul coût de la prestation fournie. Les praticiens hospitaliers exerçant à temps plein, autorisés à exercer cette activité en vertu de l'article L. 6154-1 du code de la santé publique, sont placés, vis-à-vis de l'administration, dans une situation réglementaire et non contractuelle. En tout état de cause, aucune stipulation du contrat d'activité libérale conclu par M. B... ne peut être regardée comme intégrant au sein de l'assiette de calcul de la redevance le prix coûtant des DMI, cette assiette ne comprenant que la mise à disposition des locaux, des équipements et du personnel disponibles pour l'exercice de l'activité de service public. C'est donc à bon droit que le tribunal administratif a écarté les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations du contrat d'activité libérale et d'une modification rétroactive des clauses de ce contrat.

12. Les titres exécutoires litigieux correspondent, comme ils en font explicitement mention, au remboursement du coût restant des DMI fournis par le CHU durant les années 2012, 2013, 2014 et 2015 et facturés à ses patients par M. B.... Conformément à ce qui a été exposé au point 11, ils ne sont pas émis en exécution du contrat d'exercice libéral. C'est donc à bon droit que le tribunal administratif a écarté le moyen tiré du défaut de base légale dont auraient été entachés les titres exécutoires en litige.

13. Il n'est pas contesté par le requérant que les DMI fournis par le CHU de Nice ont été facturés à ses patients. Il n'a reversé au CHU de Nice que 25 % du prix de ces DMI dans le cadre de la redevance pour service rendu. Il résulte de ce qui a été dit aux points 10 et 11 que les premiers juges ont, à bon droit, retenu que l'enrichissement qui a résulté pour M. B... de la facturation de ces DMI à ses patients ne trouve sa cause dans aucune règle de droit positif, unilatérale ou contractuelle. C'est également à bon droit que le tribunal administratif a jugé que la décision concernant le remboursement du coût des DMI a été prise par la commission d'activité libérale lors de sa séance du 18 mars 2011 à laquelle le Pr. Mahler, chef du pôle odontologie, a assisté et donné son accord. Il résulte de ce qui précède que M. B... ne peut utilement contester le jugement attaqué en ce qu'il a confirmé que le CHU était fondé à réclamer le remboursement des 75 % restants du montant des DMI qu'il a utilisés dans le cadre de son activité libérale.

14. M. B... se borne à soutenir que les sommes mentionnées au sein des tableaux apparaissent disproportionnées au regard des tarifs habituellement pratiqués et qu'aucun élément ne permet de s'assurer du montant effectivement acquitté par le CHU de Nice au titre de l'achat des DMI. S'il produit des devis d'achat en gros de DMI, ces éléments ne sont pas de nature à remettre en cause la véracité des informations mentionnées dans les tableaux joints en annexe aux titres en litige, précisant les références et marques des matériels implantés ainsi que les tarifs TTC unitaires.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CHU de Nice la somme que demande M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros au titre des frais d'instance y compris les dépens en application des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera au CHU de Nice la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au centre hospitalier universitaire de Nice.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme C. Fedi, présidente de chambre,

- Mme L. Rigaud, présidente-assesseure,

- M. J. Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2025.

2

N° 23MA00355


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00355
Date de la décision : 04/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: Mme Lison RIGAUD
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : PERSICO

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-04;23ma00355 ?
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