Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Sous le numéro 2005368, Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner la commune du Cannet à lui payer la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'agissements de harcèlement moral, augmentée des intérêts de droit à compter de sa demande préalable avec capitalisation des intérêts, de lui accorder la protection fonctionnelle ainsi qu'un changement de poste et de lui accorder la possibilité de bénéficier de l'ensemble des formations qu'elle aurait dû suivre dans le cadre de sa fonction de policier municipal.
Sous le numéro 2202673, Mme B... A... a réitéré sa demande.
Par un jugement n° 2005368 et n°2202673 du 28 novembre 2023, le tribunal administratif de Nice, après avoir joint ses deux demandes, les a rejetées.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 janvier et 18 décembre 2024, Mme A..., représentée par Me Dunac Borghini, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'écarter des débats toutes les pièces de la commune du Cannet non communiquées en appel ;
2°) de reconnaître qu'elle a fait l'objet d'un harcèlement moral et d'une discrimination positive ;
3°) de lui accorder la protection fonctionnelle ;
4°) de condamner la commune du Cannet à lui payer la somme de 100 000 euros en réparation de son préjudice caractérisé de harcèlement moral, augmentée des intérêts de droit à compter de sa demande préalable avec capitalisation à compter de la date anniversaire de cet événement et à chaque échéance annuelle postérieure ;
5°) de mettre à la charge de la commune du Cannet la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- ses conclusions sont recevables ;
- les pièces produites par la commune du Cannet en première instance devront être écartées des débats dès lors que le conseil de la requérante a changé et que la commune s'est abstenue de lui produire lesdites pièces ;
- elle a été victime d'un harcèlement moral ;
- en raison du harcèlement moral dont elle a été victime, elle a droit à la protection fonctionnelle et à un changement de poste.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 novembre 2024 et le 5 février 2025, la commune du Cannet, représentée par Me Carrère, de la SCP Seban et associés, conclut au rejet de la requête de Mme A... et à ce que soit mise à la charge de celle-ci la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- elle renvoie à ses écritures de première instance s'agissant de l'irrecevabilité des conclusions de la requérante relatives à la protection fonctionnelle et aux formations ;
- aucun manquement au principe du contradictoire ne saurait découler d'une éventuelle carence déontologique des conseils successifs de Mme A... ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mahmouti,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me Maroudin-Viramale représentant la commune du Cannet.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner la commune du Cannet à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'un harcèlement moral, de lui accorder la protection fonctionnelle, un changement de poste et la possibilité de bénéficier de l'ensemble des formations qu'elle aurait dû suivre dans le cadre de sa fonction de policier municipal. Par un jugement du 28 novembre 2023, le tribunal a rejeté sa demande. Mme A... demande à la cour d'écarter des débats toutes les pièces de la commune du Cannet non communiquées en appel, d'annuler ce jugement et de lui accorder la protection fonctionnelle.
Sur la demande de Mme A... d'écarter des pièces du débat :
2. Mme A..., au motif qu'elle a changé de conseil entre la première instance et l'appel, demande à la cour d'écarter des débats les pièces que la commune du Cannet a produites en première instance et qu'elle s'est abstenue de produire à nouveau en appel. Toutefois, outre que la cour n'est pas chargée d'assurer le respect des obligations déontologiques auxquelles les conseils successifs de Mme A... sont soumis, la commune du Cannet a, en tout état de cause, produit les pièces en question dans son mémoire enregistré le 5 février 2025 et communiqué le jour-même. La demande de Mme A... d'écarter des pièces du débat doit donc être rejetée.
Sur le bien-fondé jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
3. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa version alors applicable au litige : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ".
4. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.
6. En l'espèce, Mme A..., titularisée le 13 décembre 2005 dans le grade de gardien de la police municipale et affectée depuis le 1er février 2008 à la mairie du Cannet, soutient qu'elle a, au sein du service de la police municipale de cette commune, été victime d'un harcèlement moral qui a suscité chez elle le développement d'un syndrome anxiodépressif réactionnel justifiant un arrêt maladie à compter du 31 juillet 2019.
7. Toutefois, si Mme A... expose, en premier lieu, avoir été privée de l'évaluation annuelle obligatoire ou, à tout le moins, d'un retour de la part de sa hiérarchie, elle ne conteste pas, ainsi que l'a déjà jugé le tribunal, avoir bénéficié d'entretiens annuels d'évaluation lorsqu'elle n'était pas placée en congé de maladie et que la campagne d'entretien pour les années 2019 et 2020 a, en raison de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid, été reportée à l'année 2021 durant laquelle elle a été placée en congé maladie puis mutée le 1er octobre. Par suite, le grief qu'elle invoque n'est en rien de nature à révéler un fait susceptible de lui nuire.
8. En deuxième lieu, Mme A... expose que la commune du Cannet n'a pas mis en œuvre son obligation de formation prévue à l'article R.511-35 du code de la sécurité intérieure qui prévoit qu'une formation continue doit intervenir dans un délai de 5 ans. Toutefois, elle n'allègue ni ne démontre qu'elle aurait formulé des demandes de formations qui lui auraient été refusées sans motif légitime. Par suite, les agissements reprochés ne révèlent encore aucune volonté de lui nuire.
9. De même, en troisième lieu, elle réitère en appel son assertion selon laquelle elle n'a jamais été conviée aux séances de tirs obligatoires prévues par l'article R. 511-21 du code de la sécurité intérieure, sans toutefois sérieusement contester, comme l'avait jugé le tribunal, qu'à la suite de ses arrêts maladie, elle a été affectée sur des missions qui ne requéraient pas le port d'une arme et, par conséquent, qui ne soumettaient pas son employeur à l'obligation de lui faire suivre un entraînement régulier et obligatoire aux tirs. Par suite, elle ne démontre pas qu'elle aurait été confrontée à des décisions négatives, sans motif légitime, qui révéleraient une intention de lui nuire.
10. En quatrième lieu, et encore une fois, si elle expose être en possession d'une carte de police non valide, compte tenu des mentions erronées qui y sont portées s'agissant de son grade et de sa date, elle n'allègue ni ne démontre s'être heurtée à un refus de délivrance d'une carte à jour.
11. En cinquième lieu, si Mme A... fait état d'un " service où étaient présents (...) des ordres contradictoires (...) et des ordres de missions impossibles à réaliser ", elle n'assortit toutefois ses allégations d'aucune pièce. Si elle invoque également le fait que son dossier de demande de détachement a été envoyé à l'Etat par le service des ressources humaines alors même qu'il était incomplet, elle ne conteste toutefois pas sérieusement que l'agent concerné par cette incomplétude, affecté sur deux postes à mi-temps, avait fait une simple erreur matérielle et, en particulier, elle ne démontre pas, encore une fois, que cet agent aurait intentionnellement agi dans le but de lui nuire ou aurait obéi à un quelconque ordre de commettre l'erreur en cause. En outre, Mme A... invoque avoir été la cible de propos humiliants et dégradants tenus à son égard en public, mais ne verse aucune attestation en ce sens tandis que les mails dont elle se prévaut où, dans l'un son supérieur hiérarchique lui demande, certes de manière indélicate, de nommer un autre agent par son prénom et son nom et non par son seul prénom, et l'autre où un autre agent du service, dont elle n'indique en rien le rôle et la fonction, la félicite, avec ironie selon elle, pour sa promotion, ne révèlent aucun propos dégradant ou humiliant. Par ailleurs, la circonstance qu'elle ait dû, durant plusieurs années, partager le vestiaire avec les hommes, pour regrettable qu'elle soit, ne démontre encore en rien une volonté de lui nuire dès lors notamment, encore une fois, qu'elle ne démontre pas s'être heurtée à des refus de demandes de modification de la situation. De même, la commune justifie que l'étroitesse du gilet pare-balles qui lui a été octroyée résulte d'une simple erreur de commande. Enfin, si Mme A... estime être un agent doté d'une grande conscience professionnelle et avoir obtenu des diplômes qui mériteraient une promotion de grade, la seule circonstance qu'elle n'ait pas obtenu la reconnaissance et la promotion auxquelles elle estimait avoir droit ne révèle pas une volonté de lui nuire, en particulier eu égard au fait qu'elle a été promue au grade de brigadier par arrêté du 2 décembre 2013 et à celui de brigadier-chef par arrêté du 13 février 2018 alors même qu'elle a été en situation de congé maladie durant cinq années au total sur cette période et affectée sur des missions hors du terrain depuis le mois d'août 2008.
12. Par conséquent et compte tenu de tout ce qui vient d'être dit, les faits soumis à la cour par Mme A..., pris isolément ou même cumulativement, ne sauraient être regardés comme étant de nature à faire présumer l'existence d'agissements de harcèlement moral dont elle aurait été victime de la part de sa hiérarchie au cours de ses fonctions. Par suite, elle n'est pas fondée à demander la condamnation de la commune du Cannet à l'indemniser du préjudice moral qu'elle estime avoir subi à ce titre. Dès lors et comme l'a jugé le tribunal, ses conclusions indemnitaires doivent être rejetées.
En ce qui concerne les conclusions tendant à l'octroi de la protection fonctionnelle :
13. Mme A..., qui n'a pas saisi la cour d'une contestation portant sur une décision lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle, doit être regardée comme demandant d'enjoindre au maire du Cannet de lui accorder un tel bénéfice. Toutefois, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution, et en particulier pas celle de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle. Dès lors, ses conclusions à fin d'octroi de la protection fonctionnelle ne peuvent qu'être rejetées, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense et tirée de leur irrecevabilité.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune du Cannet qui, dans la présente instance, n'est pas partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la requérante et non compris dans les dépens sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme de 1 500 euros à verser à la commune du Cannet au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Mme A... versera à la commune du Cannet une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune du Cannet.
Délibéré après l'audience du 27 février 2025 où siégeaient :
- Mme Fedi, présidente de chambre,
- Mme Rigaud, présidente-assesseure,
- M. Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mars 2025.
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N° 24MA00208
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