Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner la commune d'Auribeau-sur-Siagne à lui verser la somme de 645 315 euros, avec intérêts de retard majorés de cinq points, au titre de la répétition de sommes indûment payées dans le cadre du programme d'aménagement d'ensemble du quartier des Condamines.
Par un jugement n° 2002419 du 1er juin 2023, le tribunal administratif de Nice a condamné la commune d'Auribeau-sur-Siagne à lui verser la somme de 436 239 euros avec intérêts aux taux légal majoré de cinq points à compter du 13 décembre 2019 et rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 juin 2023, 3 octobre 2024, 3 décembre 2024 et 7 janvier 2025, la commune d'Auribeau-sur-Siagne, représentée par Me Masquelier, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice ;
2°) à titre principal, de rejeter la demande de M. B... ;
3°) à titre subsidiaire, de réduire le montant de la condamnation prononcée à 30 156 euros et de ne faire courir les intérêts qu'à compter de la date de l'arrêt de la Cour ;
4°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé et méconnaît l'article R. 741-2 du code de justice administrative en l'absence de visa du code de l'urbanisme ;
- l'action en répétition est prescrite en application de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme, la réclamation n'ayant été signifiée que le 13 décembre 2019 alors que le dernier versement de M. B... est intervenu le 11 décembre 2014 ; en tout état de cause, ce dernier versement ne porte que sur la somme de 30 156 euros correspondant à un ajustement en 2013 du montant des participations dues ;
- le programme d'aménagement d'ensemble n'est pas illégal et pouvait légalement fonder les participations demandées au lotisseur ; il concernait l'ensemble de la zone et non le seul lotissement des Condamines ; les travaux prévus par ce plan, notamment sur le groupe scolaire, étaient nécessaires et ont été réalisés ; les travaux non réalisés, notamment la passerelle, ont été déduits du montant de la participation due par délibération modificative du 9 juillet 2013 ;
- elle a été condamnée à payer une somme de 436 236 euros, après déduction du montant de la taxe locale d'équipement de 138 488 euros, alors que M. B... ne s'est acquitté que d'une somme de 360 777 euros ; de plus, seule une somme de 404 415 euros a été mise à la charge du lotisseur au profit de la commune ; enfin, M. B... doit justifier des travaux réalisés pour le compte de la commune par la production des factures acquittées ;
- n'ayant pas été représentée en défense en première instance, les intérêts ne devront courir qu'à compter de la date de l'arrêt de la Cour.
Par des mémoires, enregistrés les 14 novembre et 18 décembre 2024, M. B..., représenté par Me Orlandini, conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à ce que la somme que la commune d'Auribeau-sur-Siagne a été condamnée à lui verser soit portée à 451 371,94 euros et la capitalisation des intérêts. Il demande en outre que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la commune d'Auribeau-sur-Siagne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- il s'est acquitté, au profit de la commune, en numéraire ou via le financement direct de travaux, et compte tenu de l'ajustement du plan d'aménagement d'ensemble intervenu en 2013, de la somme totale de 575 171,44 euros ; compte tenu de la compensation avec la taxe locale d'équipement, il est en droit de prétendre au versement de la somme 451 371,94 euros, au lieu de celle de 436 239 euros retenue par le tribunal administratif.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la Cour a désigné Mme Courbon, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement de la 1ère chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Courbon, présidente rapporteure,
- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,
- et les observations de Me Masquelier, représentant la commune d'Auribeau-sur-Siagne et de Me Orlandini, représentant M. B....
Une note en délibéré a été présentée le 13 mars 2025 pour la commune d'Auribeau-sur-Siagne et n'a pas été communiquée.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... est propriétaire d'un terrain d'une surface de 5,5 hectares environ situé dans le quartier des Condamines à Auribeau-sur-Siagne, sur une partie duquel il a déposé, le 8 avril 2005, une demande de permis de lotir, complétée le 12 août suivant, en vue de créer 33 lots. Par délibération du 19 septembre 2005, la commune a mis en place un programme d'aménagement d'ensemble (PAE) du quartier des Condamines, englobant le périmètre du lotissement, en application de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme alors applicable et prévoyant une participation des aménageurs au financement des équipements publics prévus par ce programme. M. B... a obtenu un premier permis de lotir le 11 octobre 2005, retiré le 18 octobre suivant faute d'avoir pris en compte les dispositions du PAE, puis un nouveau permis de lotir le 8 novembre 2005, mettant à sa charge, au titre du PAE, une participation de 514 415 euros. Après plusieurs arrêtés modificatifs, un dernier permis d'aménager a été délivré au pétitionnaire le 18 juin 2013, afin d'augmenter, par subdivision, le nombre des lots de 33 à 36 et au maximum à 40, sans augmentation de la surface de plancher projetée. Par une délibération du 9 juillet 2013, la commune d'Auribeau-sur-Siagne a ajusté la participation due par M. B..., compte tenu des travaux déjà réalisés par l'intéressé, des travaux abandonnés et des travaux supplémentaires résultant du nouveau permis d'aménager, et mis à sa charge une participation supplémentaire de 60 312 euros.
2. Par une demande préalable signifiée en mairie le 13 décembre 2019 par voie d'huissier, M. B... a demandé à la commune d'Auribeau-Sur- Siagne le remboursement d'une somme de 645 315 euros correspondant au montant de participations qu'il estime avoir indûment payées au titre du PAE du quartier des Condamines, demande qui a été implicitement rejetée. La commune d'Auribeau-sur-Siagne relève appel du jugement du 1er juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice l'a condamnée à verser à M. B... la somme de 436 239 euros avec intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter du 13 décembre 2019. M. B... demande à la Cour, par la voie de l'appel incident, de porter la somme à lui verser à 451 371,94 euros, augmentée des intérêts et de la capitalisation des intérêts.
Sur l'appel principal :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
3. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. (...) Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".
4. Si le jugement attaqué ne mentionne pas, dans les visas des textes, le code de l'urbanisme, il cite, dans ses motifs, les dispositions du code de l'urbanisme applicables au litige. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
S'agissant de la prescription opposée en appel par la commune d'Auribeau-sur-Siagne :
5. Aux termes de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable au litige : " Les bénéficiaires d'autorisations de construire ne peuvent être tenus que des obligations suivantes : (...) 1° Le versement de la taxe locale d'équipement prévue à l'article 1585 A du code général des impôts ou de la participation instituée dans les secteurs d'aménagement définis à l'article L. 332-9 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 332-9 du même code : " Dans les secteurs de la commune où un programme d'aménagement d'ensemble a été approuvé par le conseil municipal, il peut être mis à la charge des constructeurs tout ou partie du coût des équipements publics réalisés pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans le secteur concerné. (...) ". Aux termes de l'article L. 332-30 de ce code : " Les taxes et contributions de toute nature qui sont obtenues ou imposées en violation des dispositions des articles L. 311-4 et L. 332-6 sont réputées sans cause ; les sommes versées ou celles qui correspondent au coût de prestations fournies sont sujettes à répétition. L'action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement ou de l'obtention des prestations indûment exigées. (...) Les sommes à rembourser au titre des deux alinéas précédents portent intérêt au taux légal majoré de cinq points. ".
6. Il résulte des termes de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme qui sont applicables aux lotisseurs, eu égard aux versements ou participations susceptibles d'être mis à la charge de ceux-ci, que les actions en répétition soumises à la règle de prescription spéciale qu'institue ce texte sont celles qui tendent à la restitution ou au remboursement de sommes versées ou de dépenses supportées à raison de taxes ou contributions autres que celles prévues aux articles L. 311-4 et L. 332-6 qui peuvent, seules, être légalement exigées des bénéficiaires d'autorisations de construire. Par suite, la règle de prescription spéciale qu'il prévoit n'est pas applicable à des versements effectués au titre de la participation prévue par l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme, et dont l'exigibilité à l'égard des constructeurs ou des lotisseurs est mentionnée par l'article L. 332-6 de ce code.
7. Il résulte de l'instruction que les participations mises à la charge de M. B..., mentionnées à l'article 8 de l'arrêté du 8 novembre 2005 lui délivrant un permis de lotir, trouvent leur fondement dans le PAE du quartier des Condamines approuvé par délibération du conseil municipal d'Auribeau-sur-Siagne du 19 septembre 2005. Il s'ensuit, quel que soit le bien-fondé de ces participations, qu'elles ne peuvent être réputées sans cause et que, par conséquent, elles ne relèvent pas du régime de prescription spéciale prévu par les dispositions de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme.
8. La répétition des participations prises en charge en application d'un PAE est, dès lors, soumise à la prescription quadriennale de droit commun ressortant de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968, laquelle prévoit, en son article 7 que " L'Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond. (...) ". En l'espèce, à supposer même que la commune d'Auribeau-sur-Siagne puisse être regardée comme se prévalant en appel, à titre subsidiaire, de la prescription quadriennale, il est constant qu'elle ne l'a pas invoquée devant le tribunal administratif de Nice, devant lequel elle n'a pas produit de mémoire en défense, alors qu'elle a été rendue destinataire de la requête de M. B... et qu'un avocat s'est constitué pour la représenter. Par suite, le moyen de défense tiré de la prescription des participations mises à la charge de M. B... ne peut être accueilli.
S'agissant de la demande de répétition de l'indû :
9. Aux termes de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " Dans les secteurs de la commune où un programme d'aménagement d'ensemble a été approuvé par le conseil municipal, il peut être mis à la charge des constructeurs tout ou partie du coût des équipements publics réalisés pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans le secteur concerné. Lorsque la capacité des équipements programmés excède ces besoins, seule la fraction du coût proportionnelle à ces besoins peut être mise à la charge des constructeurs. (...) / Dans les communes où la taxe locale d'équipement est instituée, les constructions édifiées dans ces secteurs sont exclues du champ d'application de la taxe. / Le conseil municipal détermine le secteur d'aménagement, la nature, le coût et le délai prévus pour la réalisation du programme d'équipements publics. Il fixe, en outre, la part des dépenses de réalisation de ce programme qui est à la charge des constructeurs, ainsi que les critères de répartition de celle-ci entre les différentes catégories de constructions. Sa délibération fait l'objet d'un affichage en mairie. Une copie de cette délibération est jointe à toute délivrance de certificat d'urbanisme. / (...) ". Aux termes de l'article R. 332-25 du code de l'urbanisme alors applicable : " La délibération du conseil municipal ou de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent approuvant, en application de l'article L. 332-9, un programme d'aménagement d'ensemble dans un ou plusieurs secteurs qu'elle délimite, accompagnée du document graphique faisant apparaître le ou les périmètres concernés, est affichée en mairie pendant un mois. Mention en est en outre insérée dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département. / La délibération prend effet à compter de l'accomplissement de l'ensemble des formalités de publicité mentionnées à l'alinéa précédent. Pour l'application du présent alinéa, la date à prendre en compte pour l'affichage en mairie est celle du premier jour où il est effectué. / Les dispositions des deux premiers alinéas sont applicables à la délibération du conseil municipal ou de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent modifiant le régime de la participation en application de l'article L. 332-11. ".
10. Il résulte des mentions de la délibération du 19 septembre 2005 approuvant le PAE du quartier des Condamines qu'elle a été affichée en mairie le 11 octobre 2005 et transmise à la sous-préfecture de Grasse le même jour. Toutefois, cette délibération ne mentionne pas qu'elle fera l'objet d'une publication dans deux journaux régionaux ou locaux et la commune d'Auribeau-sur-Signes n'établit pas, ni même n'allègue, avoir procédé à cette publication. Par suite, et en l'absence d'accomplissement des formalités de publicité prévues par les dispositions précitées, le PAE, qu'il soit ou non conforme aux dispositions précitées de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme, était inopposable à M. B... et ne pouvait légalement fonder les participations mises à sa charge.
11. Il résulte de l'instruction, et notamment de la délibation du 19 septembre 2005 et de l'arrêté du 8 novembre 2015 portant autorisation de lotir, qu'ont été mises à la charge de M. B... la somme de 404 415 euros à verser à la commune, la somme 40 000 euros à verser au département et de 60 000 euros sous forme de travaux sur les réseaux à financer par le lotisseur. Par une délibération du 20 novembre 2006, il a été décidé d'augmenter la part de travaux à financer directement par le lotisseur de la somme de 103 950 euros, correspondant à la réalisation de trottoirs sur le chemin du Couloubrier, la réfection du chemin des Passerels et la réalisation de trottoirs sur ce chemin, venant s'imputer sur le montant dû en numéraire à la commune, réduit à la somme de 300 465 euros, dont il résulte de l'instruction que M. B... s'est acquitté en deux versements de 150 232,50 euros chacun, intervenus respectivement le 3 juillet 2007 et le 12 janvier 2009. Par une délibération du 17 décembre 2010, la commune d'Auribeau-sur Siagne a décidé de réaliser les travaux prévus au PAE portant sur l'aménagement du carrefour RD 609 pour le compte du département et avec l'accord de celui-ci et de percevoir directement la participation du financeur, à l'encontre duquel elle a émis un titre exécutoire de 44 444, 44 euros le 27 octobre 2011. Par une délibération du 9 juillet 2013, et afin de tenir compte du nouveau permis d'aménager accordé à M. B..., augmentant le nombre de logements du lotissement, la commune d'Auribeau-sur-Siagne a actualisé la participation due par l'intéressé, résultant de la prise en compte, d'une part, du coût de création d'une demi-classe supplémentaire et, d'autre part, des travaux non prévus dans le PAE mais rendus nécessaires et financés par le lotisseur (70 588 euros) et enfin, le remboursement de la quote-part du lotisseur au titre des travaux prévus au PAE de la passerelle sur la Frayère, non réalisés à cause de crues (21 600 euros), entrainant la mise à la charge de M. B... d'une participation complémentaire de 60 312 euros à verser à la commune, dont l'intéressé s'est acquitté en deux versements de 30 156 euros chacun, intervenus respectivement les 23 décembre 2013 et 11 décembre 2014.
12. Si la commune d'Auribeau-sur Siagne soutient que M. B... ne justifie pas, par la production de factures, du montant des travaux qu'il a financés, elle a elle-même indiqué, dans la délibération du 17 décembre 2010, qu'à ce jour, le lotisseur " a réalisé les travaux prévus au PAE ", ce qui correspond aux travaux sur les réseaux prévus dans la délibération du 19 septembre 2005 (60 000 euros) et aux travaux de réfection de chemins et trottoirs mentionnés dans la délibération du 20 novembre 2006 (103 950 euros). Elle a également acté, dans la délibération du 9 juillet 2013, du financement, par M. B..., de la somme de 70 588 euros au titre de travaux supplémentaires, ayant " en leur temps, été constatés par les élus de la commission des travaux et détaillés par courriers du 23 juillet 2008 et 5 février 2009 ". En revanche, M. B... ne justifie pas, par la seule production du titre exécutoire de 44 444, 44 euros émis à son encontre par la commune au titre des travaux du carrefour RD 609 et d'une lettre de relance revêtue de la mention manuscrite " payé le 05/02/2012 ", du paiement de cette somme. Il en résulte que la participation globale justifiée de M. B... au titre du PAE s'élève à la somme de 595 315 euros (360 777 euros en numéraire et 234 538 euros en financement direct de travaux).
13. Aux termes de l'article L. 332-11 du code de l'urbanisme, alors applicable : " (...) / Si les équipements publics annoncés n'ont pas été réalisés dans le délai fixé par la délibération instituant ou modifiant la participation, la restitution des sommes éventuellement versées ou de celles qui correspondent au coût des prestations fournies peut être demandée par les bénéficiaires des autorisations de construire. Dans les communes où la taxe locale d'équipement est instituée, la taxe est alors rétablie de plein droit dans le secteur concerné et la restitution de ces sommes peut être demandée par les bénéficiaires des autorisations de construire pour la part excédant le montant de la taxe locale d'équipement qui aurait été exigible en l'absence de la délibération prévue à l'article L. 332-9. Les sommes à rembourser portent intérêt au taux légal. "
14. Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, la compensation entre la taxe locale d'équipement applicable sur le secteur concerné et les participations mises à la charge des constructeurs au titre d'un PAE n'est applicable que lorsque la restitution des participations est demandée, et accordée, aux constructeurs à raison de l'absence de réalisation, dans le délai prévu par la délibération, des équipements publics annoncés. En l'espèce, il résulte de ce qui a été dit au point 10 ci-dessus que le PAE, faute d'avoir été régulièrement publié, n'est jamais devenu opposable. Dans une telle hypothèse, les bénéficiaires des autorisations d'urbanisme peuvent prétendre au remboursement de la totalité des participations mises à leur charge.
Sur l'appel incident de M. B... :
15. M. B... demande, dans son appel incident, que la somme de 436 239 euros que les premiers juges ont condamné la commune d'Auribeau-sur-Siagne à lui verser, au titre de la restitution des participations indûment mises à sa charge, soit portée à 451 371,94 euros. Il y a lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 12 et 14 ci-dessus, de faire droit à cette demande.
16. Il résulte de ce qui précède que la commune d'Auribeau-Sur-Siagne n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice l'a condamnée à verser une somme de 436 239 euros à M. B... et que ce dernier est, quant à lui, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a limité l'indemnité due par la commune à cette somme, et à obtenir qu'elle soit portée, comme il le demande, à 451 371,94 euros.
Sur les intérêts :
17. Aux termes de l'article 1231-6 du code civil : " Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. / Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. /(...) ". Aux termes de l'article 1231-7 du même code : " En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement. / (...) ". Aux termes de l'article 1344-1 de ce code : " La mise en demeure de payer une obligation de somme d'argent fait courir l'intérêt moratoire, au taux légal, sans que le créancier soit tenu de justifier d'un préjudice. ". Lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1231-6 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine.
18. Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, l'action en répétition engagée par M. B... ne relève pas, ainsi qu'il a été dit aux points 6 et 7 du présent arrêt, du régime prévu à l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme. Par suite, M. B... ne peut prétendre à ce que les sommes qui lui sont dues par la commune d'Auribeau-sur-Siagne portent intérêts au taux légal majoré de cinq points prévu par cet article. En l'espèce, les intérêts au taux légal dus à l'intéressé au titre de la créance qu'il détient sur la commune d'Auribeau-sur-Siagne courent à compter du 13 décembre 2019, date de signification à cette dernière de sa demande préalable. A cet égard, la commune ne saurait utilement se prévaloir de ce qu'elle ne s'est pas défendue en première instance, cette situation lui étant imputable, pour solliciter que ces intérêts ne courent qu'à compter de la date de notification du présent arrêt.
Sur la capitalisation des intérêts :
19. Aux termes de l'article 1343-2 du code civil : " Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise ". Pour l'application de ces dispositions, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière. Le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande.
20. M. B... a demandé la capitalisation des intérêts dans son mémoire enregistré au greffe de la Cour le 18 décembre 2024. A cette date, les intérêts étaient dus pour au moins une année entière. Il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande.
Sur les frais liés au litige :
21. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à chacune des parties la charge de ses frais d'instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune d'Auribeau-sur-Siagne est rejetée.
Article 2 : La somme de 436 239 euros que la commune d'Auribeau-sur-Siagne a été condamnée à payer à M. B... est portée à 451 371,94 euros, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2019 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 18 décembre 2024.
Article 3 : Le jugement n° 2002419 du tribunal administratif de Nice du 1er juin 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de l'appel incident de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Auribeau-sur-Siagne et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 6 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Courbon, présidente,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller,
- Mme Dyèvre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 mars 2025.
2
N° 23MA01551