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14/03/2025 | FRANCE | N°24MA00134

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 14 mars 2025, 24MA00134


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 11 décembre 2020 par laquelle le commandant de la légion étrangère a prononcé à son encontre la résiliation de son contrat, à titre de sanction disciplinaire, et d'enjoindre à cette autorité de le réintégrer dans ses fonctions et de procéder à la reconstitution de ses droits.





Par un jugement n° 2100696 du 1er décembre 2023, le tribunal administratif de

Marseille a rejeté sa demande.





Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 11 décembre 2020 par laquelle le commandant de la légion étrangère a prononcé à son encontre la résiliation de son contrat, à titre de sanction disciplinaire, et d'enjoindre à cette autorité de le réintégrer dans ses fonctions et de procéder à la reconstitution de ses droits.

Par un jugement n° 2100696 du 1er décembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 janvier 2024, M. A..., représenté par Me Stark, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 1er décembre 2023 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler la décision du 11 décembre 2020 du commandant de la légion étrangère ;

3°) d'ordonner sa réintégration dans ses fonctions et la reconstitution de ses droits ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- le tribunal a insuffisamment motivé son jugement en n'expliquant pas ce que constitue l'attitude exemplaire d'un militaire ni même l'atteinte à la réputation de l'institution militaire.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

- l'appréciation de sa personnalité ne peut être réduite aux seuls faits commis le 12 novembre 2017 pour lesquels il a été sanctionné pénalement, dans un cadre privé, et en occultant totalement ses qualités militaires ;

- la décision contestée est entachée d'erreurs manifestes d'appréciation dès lors qu'il n'a pas commis de manquement à son devoir d'exemplarité et que son comportement n'a pas porté une atteinte à la réputation de l'institution militaire ;

- l'auteur de la décision a manqué à son devoir d'exemplarité, à son obligation de probité et a porté atteinte à la réputation de l'institution militaire ;

- la sanction est disproportionnée et est entachée de détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête, et à la suppression des propos injurieux, outrageants et diffamatoires contenus dans les écritures du requérant.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés ;

- certains passages de la requête présentent un caractère injurieux, outrageant ou diffamatoire qu'il convient de supprimer.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- le décret n° 2008-956 du 12 septembre 2008 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chenal-Peter,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Stark, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., qui a souscrit un contrat d'engagement le 11 août 2004 pour servir au sein de la légion étrangère, a été promu au grade de caporal-chef le 1er août 2012, puis a été affecté au deuxième régiment étranger d'infanterie à Nîmes le 1er septembre 2015. Par un jugement du 23 septembre 2019, le tribunal correctionnel de Montpellier l'a condamné à une peine de cinq ans d'emprisonnement, assortie d'une mesure de sursis avec mise à l'épreuve pendant trente mois, pour des faits " d'arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire d'otage pour assurer la fuite ou l'impunité d'auteur de crime ou délit, suivi de libération avant 7 jours (...) vol avec violence ayant entraîné une incapacité totale de travail n'excédant pas 8 jours aggravé par une autre circonstance ". Par une décision du 11 décembre 2020, le commandant de la légion étrangère a prononcé la sanction disciplinaire de résiliation du contrat de l'intéressé. M. A... relève appel du jugement du 1er décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des motifs du jugement attaqué que le tribunal a répondu de manière circonstanciée et suffisamment motivée aux moyens soulevés par M. A..., et en particulier celui tiré de ce que la sanction prise à son encontre était entachée d'erreur d'appréciation et de disproportion, eu égard aux faits qui lui étaient reprochés et aux obligations auxquelles les militaires sont tenus. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de ce jugement ne peut, dès lors, qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 4137-1 du code de la défense : " Sans préjudice des sanctions pénales qu'ils peuvent entraîner, les fautes ou manquements commis par les militaires les exposent : / 1° A des sanctions disciplinaires prévues à l'article L. 4137-2 ; / (...) ". L'article L. 4137-2 du même code dispose que : " Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes : 1° Les sanctions du troisième groupe sont : a) Le retrait d'emploi...b) La radiation des cadres ou la résiliation du contrat. (...) ". Et aux termes de l'article 26 du décret du 12 septembre 2008 relatif aux militaires servant à titre étranger : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 4137-2 du code de la défense, les sanctions du troisième groupe applicables aux militaires servant à titre étranger sont :1° La réduction d'un ou plusieurs grades ;2° Le retrait d'emploi ;3° La résiliation du contrat. (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 4111-1 du code de la défense : " (...) L'état militaire exige en toute circonstance (...) discipline, disponibilité, loyalisme et neutralité. (...) ". Aux termes de l'article L. 4122-3 de ce code : " Le militaire est soumis aux obligations qu'exige l'état militaire conformément au deuxième alinéa de l'article L. 4111-1. Il exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. (...) ". Aux termes de l'article 2 du décret n° 2008-956 du 12 septembre 2008 relatif aux militaires servant à titre étranger : " Les militaires servant à titre étranger s'engagent à servir la France avec honneur et fidélité ".

5. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

6. L'autorité de chose jugée appartenant aux décisions des juges répressifs devenues définitives qui s'impose aux juridictions administratives s'attache à la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement et qui sont le support nécessaire du dispositif.

7. Par un jugement du 23 septembre 2019, le tribunal correctionnel de Montpellier a déclaré M. A... coupable des faits d'arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire d'otage pour assurer la fuite ou l'impunité d'auteur de crime ou délit, suivi de libération avant sept jours, vol avec violence ayant entrainé une incapacité totale de travail n'excédant pas huit jours. Le comportement d'un fonctionnaire ou d'un militaire en dehors du service peut constituer une faute de nature à justifier une sanction s'il a pour effet de perturber le bon déroulement du service ou de jeter le discrédit sur l'administration. En l'espèce, les faits susmentionnés, qui ne sont pas contestés, révèlent un comportement incompatible avec les qualités attendues d'un caporal-chef de la légion étrangère et la dignité de ses fonctions, constituent un manquement grave aux exigences d'exemplarité et portent atteinte à la réputation de l'institution militaire, alors même que ces faits n'ont pas été relayés par la presse. Ces agissements, qui caractérisent également une infraction pénale, constituent dès lors une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire.

8. Pour contester le caractère disproportionné de cette sanction, le requérant se prévaut de l'ensemble de ses qualités militaires, invoquées notamment dans l'avis de l'autorité militaire de deuxième niveau soulignant sa " très bonne manière de servir ", de ce que le conseil d'enquête, qui s'est réuni le 27 novembre 2020, a émis l'avis de lui infliger une sanction moins lourde, soit la réduction de grade, et enfin de ce que la résiliation de son contrat emporte de graves conséquences sur ses droits à la pension de retraite. Toutefois, alors même que sa manière de servir donnait satisfaction et qu'il n'avait jamais été sanctionné auparavant, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire n'a pas, compte tenu de la nature et de la particulière gravité des faits reprochés, pris une sanction disproportionnée en lui infligeant, au regard du pouvoir d'appréciation dont elle disposait, la sanction du troisième groupe de la résiliation de son contrat.

9. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire aurait eu l'intention de nuire à M. A..., en prenant la sanction en litige. Dès lors, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

11. Le présent arrêt qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. A... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu par suite de rejeter les conclusions susvisées.

Sur la suppression des propos injurieux, outrageants et diffamatoires :

12. Aux termes de l'article L. 741-2 du code de justice administrative : " Sont également applicables les dispositions des alinéas 3 à 5 de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ci-après reproduites : " Art. 41, alinéas 3 à 5.-Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux. / Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts. (...)" ".

13. Les passages de la requête introductive d'instance de M. A..., enregistrée le 19 janvier 2024, déclarant, page 5, " La justice rendue...disproportionnée ", ceux commençant, page 5, par les mots " Mais encore, l'exemplarité de l'auteur... " et se terminant les mots par " ...auxquelles restent soumis les grands chefs militaires ", ceux déclarant, page 6, " Or, la motivation du tribunal administratif... inadaptée en 2023 ", et, page 6, " Les hauts gradés... ne choque personne " excèdent le droit à la libre discussion et présentent un caractère outrageant et diffamatoire. Dès lors, il y a lieu d'en prononcer la suppression en application des dispositions précitées de l'article L. 741-2 du code de justice administrative.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les passages de la requête de M. A... mentionnés au point 13 sont supprimés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 28 février 2025 à laquelle siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Poullain, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 mars 2025.

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N° 24MA00134

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00134
Date de la décision : 14/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

08-01-01-05 Armées et défense. - Personnels militaires et civils de la défense. - Questions communes à l'ensemble des personnels militaires. - Discipline.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Anne-Laure CHENAL-PETER
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : STARK

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-14;24ma00134 ?
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