Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Roxim Management a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la délibération du 6 mai 2021 par laquelle le conseil municipal de la commune de Roquebrune-sur-Argens a renoncé à la cession d'un tènement foncier cadastré section CD n° 204, 175 et 176 et de mettre à la charge de la commune de Roquebrune-sur-Argens la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2101333 du 26 octobre 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la requête de la société Roxim Management.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 22 décembre 2023 et 10 décembre 2024, la société Roxim Management, nouvellement dénommée Imagine'R, représentée par Me Gaspar, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon ;
2°) d'annuler la délibération précitée du conseil municipal de la commune de Roquebrune-sur-Argens du 6 mai 2021 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Roquebrune-sur-Argens le paiement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la délibération du 11 décembre 2018 avait créé des droits à son profit ;
- la délibération attaquée est entachée d'un détournement de pouvoir.
Par mémoires en défense enregistrés les 22 novembre 2024 et 12 janvier 2025, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la commune de Roquebrune-sur-Argens, représentée par Me Marques, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la société Imagine'R ;
2°) de mettre à la charge de la société Imagine'R le paiement de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vincent,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Gaspar pour la société Imagine'R et de Me Marques pour la commune de Roquebrune-sur-Argens.
Une note en délibéré présentée pour la société Imagine'R par Me Gaspar a été enregistrée le 28 février 2025.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Roquebrune-sur-Argens, dans le cadre d'un projet de réhabilitation du quartier San Peïre, a lancé un appel à projets en vue de la cession d'un tènement foncier de 2 995 m² comprenant les parcelles CD n° 204, CD n° 175 et CD 176 ainsi que 485 m² constitués de voirie et d'un local Télécom vide, pour la réalisation d'une opération de construction mixte comprenant des logements, dont 25 % de logements locatifs sociaux, des locaux destinés à la réinstallation des services municipaux et un parc de stationnement. La société Roxim Management, nouvellement dénommée Imagine'R, a été retenue pour la réalisation de ce projet pour lequel elle prévoyait la réalisation de 43 logements dont 13 logements locatifs sociaux, 433 m² de locaux bruts destinés à la réinstallation des services publics municipaux et 95 places de stationnement dont 30 publiques. Par une délibération du 11 décembre 2018, le conseil municipal de la commune de Roquebrune-sur-Argens a approuvé la cession du tènement foncier précité à la société Roxim Management. Un compromis de vente, dont la durée de validité expirait le 30 novembre 2020 au terme de deux avenants en date des 18 décembre 2019 et 30 septembre 2020, a été conclu le 28 décembre 2018. Par une délibération en date du 6 mai 2021, le conseil municipal de la commune a décidé de " renoncer " à la cession de ce tènement foncier. La société Imagine'R interjette appel du jugement du 26 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de cette dernière délibération.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public ".
3. Il ressort des pièces du dossier, en dépit des mentions erronées contenues tant dans la délibération du 11 décembre 2018 que dans le compromis de vente subséquent, que la cession envisagée par la commune de Roquebrune-sur-Argens portait, d'une part, sur la parcelle cadastrée CD n° 204 qui relevait de son domaine privé après désaffectation et déclassement d'une ancienne école primaire, et d'autre part, sur les parcelles cadastrées CD n° 175 et n° 176 qui, accueillant les services de la police municipale, de la mairie annexe et d'une agence postale, étaient affectées à l'usage direct du public et relevaient ainsi de son domaine public. Relevaient également du domaine public les voiries et un local Télécom vide pour une surface de 485 m².
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 3111-1 du code précité : " Les biens des personnes publiques mentionnées à l'article L. 1, qui relèvent du domaine public, sont inaliénables et imprescriptibles ". Aux termes de l'article L. 3112-4 dudit code : " Un bien relevant du domaine public peut faire l'objet d'une promesse de vente ou d'attribution d'un droit réel civil dès lors que la désaffectation du bien concerné est décidée par l'autorité administrative compétente et que les nécessités du service public ou de l'usage direct du public justifient que cette désaffectation permettant le déclassement ne prenne effet que dans un délai fixé par la promesse. / A peine de nullité, la promesse doit comporter des clauses précisant que l'engagement de la personne publique propriétaire reste subordonné à l'absence, postérieurement à la formation de la promesse, d'un motif tiré de la continuité des services publics ou de la protection des libertés auxquels le domaine en cause est affecté qui imposerait le maintien du bien dans le domaine public (...) ". Et aux termes de l'article L. 2141-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 2141-1, le déclassement d'un immeuble appartenant au domaine public artificiel des personnes publiques et affecté à un service public ou à l'usage direct du public peut être prononcé dès que sa désaffectation a été décidée alors même que les nécessités du service public ou de l'usage direct du public justifient que cette désaffectation ne prenne effet que dans un délai fixé par l'acte de déclassement. Ce délai ne peut excéder trois ans. Toutefois, lorsque la désaffectation dépend de la réalisation d'une opération de construction, restauration ou réaménagement, cette durée est fixée ou peut être prolongée par l'autorité administrative compétente en fonction des caractéristiques de l'opération, dans une limite de six ans à compter de l'acte de déclassement. En cas de vente de cet immeuble, l'acte de vente stipule que celle-ci sera résolue de plein droit si la désaffectation n'est pas intervenue dans ce délai. L'acte de vente comporte également des clauses relatives aux conditions de libération de l'immeuble par le service public ou de reconstitution des espaces affectés à l'usage direct du public, afin de garantir la continuité des services publics ou l'exercice des libertés dont le domaine est le siège ".
5. Il ressort des pièces du dossier que la délibération du conseil municipal de Roquebrune-sur-Argens du 11 décembre 2018 avait pour portée d'autoriser la cession à une personne privée, notamment, d'une dépendance du domaine public sous la condition suspensive qu'il soit procédé préalablement à la désaffectation et au déclassement formel du bien en cause. Une telle délibération ne saurait être regardée comme conférant, par elle-même, à la personne qu'elle désigne comme l'acquéreur, un droit à la réalisation de la vente. Si par cette même délibération, la commune de Roquebrune-sur-Argens s'était engagée, en faisant en cela usage de la procédure de déclassement anticipé prévue à l'article L. 2141-2 du code général de la propriété des personnes publiques précité, à procéder au déclassement de 485 m² de voirie, son engagement, qui ne portait pas au demeurant sur les parcelles CD n° 175 et n° 176 relevant pourtant de son domaine public ainsi qu'il a été dit précédemment, restait subordonné à l'absence, postérieurement à la formation de la promesse, d'un motif tiré de la continuité des services publics ou de la protection des libertés auxquels le domaine en cause est affecté qui imposerait le maintien du bien dans le domaine public. Or, il est constant que la cession décidée par la délibération du 11 décembre 2018 n'avait été consentie que pour la mise en œuvre du projet pour lequel la société Roxim Management avait été sélectionnée à la suite d'un appel à projets. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que peu de temps avant l'expiration de la durée de validité du compromis de vente fixée au 30 novembre 2020 par second avenant du 30 septembre 2020, la société pétitionnaire, du fait d'un recours engagé par des riverains à l'encontre du permis de construire qui lui avait été délivré le 31 janvier 2020, a, sans qu'il ressorte des pièces du dossier que ces propositions alternatives résulteraient d'une demande de la commune elle-même, proposé à cette dernière des modifications notables de son projet en réduisant sensiblement la surface de plancher totale du projet dont celle affectée aux services municipaux, le nombre de logements, dont les logements sociaux, et de places de stationnement publiques, ces modifications ayant été de nature, à mettre en péril la continuité des services publics présents sur site. Ainsi, à la date de la délibération attaquée, le 6 mai 2021, à laquelle le tribunal administratif de Toulon n'avait pas encore statué sur le recours dirigé contre le permis de construire précité, le projet tel qu'initialement déterminé était irréalisable et les modifications envisagées étaient de nature à porter atteinte à la continuité des services publics. Par suite, c'est sans méconnaître les dispositions précitées que la commune de Roquebrune sur Argens a, par la délibération attaquée, renoncé à son engagement.
6. En troisième lieu, si la société requérante fait valoir que la délibération attaquée serait entachée d'un détournement de pouvoir en ce qu'elle résulterait de l'opposition du nouveau maire élu en 2020 à ce projet, celui-ci, alors qu'ainsi qu'il a été dit précédemment le projet initial avait été très nettement modifié par l'acquéreuse, n'est pas établi.
7. Il résulte de ce qui précède que la société Imagine'R n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de la délibération du conseil municipal de Roquebrune-sur-Argens en date du 6 mai 2021.
Sur les frais d'instance :
8. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par la société Imagine'R doivent, dès lors, être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Roquebrune-sur-Argens en application des dispositions précitées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Imagine'R est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Roquebrune-sur-Argens en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Imagine'R et à la commune de Roquebrune-sur-Argens.
Délibéré après l'audience du 28 février 2025, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 mars 2025.
N° 23MA03110 2
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