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11/03/2025 | FRANCE | N°24MA02327

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 11 mars 2025, 24MA02327


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 2 janvier 2023 par lequel le ministre de l'intérieur l'a révoquée, et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de la réintégrer dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement sous astreinte de 50 euros par jour de retard.



Par un jugement n° 2300178 du 5 juillet 2024, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande de Mme B....


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Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 septembre et 19 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 2 janvier 2023 par lequel le ministre de l'intérieur l'a révoquée, et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de la réintégrer dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2300178 du 5 juillet 2024, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande de Mme B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 septembre et 19 décembre 2024, Mme B..., représentée par Me Genuini, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2300178 du 5 juillet 2024 du tribunal administratif de Bastia ainsi que l'arrêté du ministre de l'intérieur du 2 janvier 2023 ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à sa réintégration, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté est entaché du vice d'incompétence de son signataire ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en raison d'une absence d'exactitude matérielle des faits, la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Paris l'ayant définitivement innocentée des faits reprochés ;

- l'administration était tenue de prendre acte de la relaxe ainsi prononcée ;

- le jugement est insuffisamment motivé dès lors qu'à aucun moment, le tribunal administratif n'a expliqué en quoi la sanction serait proportionnée ;

- en outre, la sanction de la révocation est disproportionnée.

Un courrier du 6 novembre 2024 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 6 janvier 2025, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Martin,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- et les observations de Me Genuini, représentant Mme B..., et de Mme B....

Une note en délibéré, présentée pour Mme B... par Me Genuini, a été enregistrée le 26 février 2025.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 2 janvier 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer, après avoir recueilli l'avis de la commission administrative paritaire nationale siégeant en formation disciplinaire, a prononcé la révocation de Mme B..., qui était jusqu'alors secrétaire administrative de classe supérieure de l'intérieur et de l'outre-mer, affectée à la direction départementale de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations à la préfecture de la Corse-du-Sud. Par un jugement du 5 juillet 2024, dont Mme B... relève appel dans la présente instance, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande d'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, le moyen tiré de ce que la décision attaquée est entachée du vice d'incompétence de son signataire doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges et énoncés avec suffisamment de précision aux points 2 et 3 du jugement attaqué.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 530-1 du code général de la fonction publique : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. ". Aux termes de son article L. 533- 1 : " Les sanctions disciplinaires pouvant être infligées aux fonctionnaires sont réparties en quatre groupes : / (...) / 4° quatrième groupe : / (...) ;/ b) La révocation ".

4. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. Par ailleurs, il incombe à l'autorité investie du pouvoir disciplinaire d'établir la matérialité des faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public.

5. Pour prendre la sanction de révocation en litige, le ministre de l'intérieur et des outre-mer s'est fondé, d'abord, sur la circonstance que des expertises balistiques et investigations biologiques et génétiques menées dans le cadre d'une procédure pénale ont établi la présence de l'empreinte génétique (ADN pur et en mélange) de Mme B... sur de nombreux objets saisis tels que des munitions, chargeur de fusil, pistolets automatiques, et que ces preuves, établies scientifiquement, démontrent incontestablement que l'intéressée a touché ou manipulé lesdits objets malgré ses déclarations faites devant le juge ou en séance devant la formation disciplinaire de la commission administrative paritaire nationale. L'arrêté ajoute ensuite que, par un jugement du tribunal judiciaire de Paris du 31 mars 2022, Mme B... a été déclarée coupable de participation à une association de malfaiteurs établie ou à un groupement formé en vue de la préparation d'actions clandestines terroristes violentes ou de nature à troubler l'ordre public, en participant notamment à la manipulation et à la mise à disposition d'armes entre 2013 et le 18 mars 2014, et condamnée à deux ans d'emprisonnement avec sursis. Enfin, l'arrêté relève que ces faits constituent des manquements graves aux obligations professionnelles et déontologiques auxquels tout agent public est soumis, en l'occurrence au devoir d'exemplarité.

6. S'il est certes exact, ainsi que le soutient l'appelante, que le jugement du tribunal judiciaire de Paris a été infirmé par un arrêt définitif de la cour d'appel de Paris du 13 février 2024, qui relève que l'enquête et l'information n'ont pas apporté d'éléments de nature à corroborer son implication réelle dans l'association de malfaiteurs regroupant son conjoint et deux autres individus, cet arrêt ne remet nullement en cause la présence de son profil ADN sur certaines armes et objets découverts au cours de la perquisition, ni le fait qu'elle les a manipulés, ainsi que l'a jugé le tribunal judiciaire de Paris après avoir relevé qu'en raison du nombre de matériels génétiques retrouvés sur ceux-ci, de surcroît sans mélange sur plusieurs d'entre eux, l'hypothèse d'un transfert d'ADN était impossible. Dans ces conditions, les articles de la revue AJ Pénal, versés au dossier, relativisant la force probante de la découverte d'un ADN, ne sauraient suffire à remettre en cause la matérialité des faits de manipulations d'armes et objets destinés à des actions violentes. De plus, outre que Mme B..., mise à même de présenter des observations sur de tels faits au cours de la procédure disciplinaire mais également tant devant le juge pénal que dans le cadre du présent contentieux, n'a apporté aucune explication crédible de nature à remettre en cause cette matérialité. Dans ces conditions, la matérialité de tels faits est établie.

7. Les faits qui viennent d'être exposés, bien que commis en dehors des fonctions, constituent, eu égard à leur nature et leur extrême gravité, des fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire. Par ailleurs, et ainsi que l'a relevé le ministre dans la décision attaquée, confirmé en cela à bon droit par le tribunal administratif de Bastia par un jugement suffisamment motivé, ces faits rendaient incompatible le maintien de l'appelante dans les effectifs du ministère de l'intérieur, et ce, en dépit de la circonstance qu'elle n'avait jamais fait l'objet d'une sanction disciplinaire auparavant, et qu'elle justifie par ailleurs d'appréciations élogieuses de sa hiérarchie sur sa manière de servir. Par suite, le moyen tiré du caractère disproportionné de cette sanction doit être écarté.

8. En troisième et dernier lieu, en principe, l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'impose à l'administration comme au juge administratif qu'en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire du dispositif d'un jugement devenu définitif, tandis que la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité. Il appartient, dans ce cas, à l'autorité administrative d'apprécier si les mêmes faits sont suffisamment établis et, dans l'affirmative, s'ils justifient l'application d'une sanction administrative. Il n'en va autrement que lorsque la légalité de la décision administrative est subordonnée à la condition que les faits qui servent de fondement à cette décision constituent une infraction pénale, l'autorité de la chose jugée s'étendant alors exceptionnellement à la qualification juridique donnée aux faits par le juge pénal.

9. S'il ressort des pièces du dossier que le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 31 mars 2022 a été infirmé par la cour d'appel de Paris, en tant, notamment, qu'il a prononcé la condamnation de Mme B..., il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire, notamment pas celles de l'article L. 530-1 du code général de la fonction publique, que l'édiction d'une sanction disciplinaire à l'encontre d'un agent public soit subordonnée à la condition que les faits qui la fondent constituent une infraction pénale. En outre, si la décision de révocation en litige se réfère expressément au jugement du tribunal judiciaire de Paris du 31 mars 2022, les faits qui servent de fondement à cette décision sont également constitués par la circonstance, non remise en cause par l'arrêt de la cour d'appel de Paris ainsi qu'il a été dit, selon laquelle elle a manipulé des armes et matériels destinés à commettre des actions violentes. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration était tenue de prendre acte de la décision de la cour d'appel de Paris ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 2 janvier 2023 par lequel le ministre de l'intérieur l'a révoquée. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation et d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 25 février 2025, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 11 mars 2025.

N° 24MA02327 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA02327
Date de la décision : 11/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Procédure disciplinaire et procédure pénale.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Stéphen MARTIN
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : SCP TOMASI SANTINI VACCAREZZA BRONZINI DE CARAFFA

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-11;24ma02327 ?
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