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11/03/2025 | FRANCE | N°24MA01562

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 11 mars 2025, 24MA01562


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :



M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, en premier lieu, de l'admettre, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle, en deuxième lieu, d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, en troisième lieu, d'enjoindre audit préfet de réexaminer sa situation et de l

ui délivrer une autorisation provisoire de séjour et, en quatrième et dernier lieu, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, en premier lieu, de l'admettre, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle, en deuxième lieu, d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, en troisième lieu, d'enjoindre audit préfet de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et, en quatrième et dernier lieu, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil, en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2312001 du 25 janvier 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a, après avoir admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 juin 2024, M. A..., représenté par Me Capdefosse, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille du 25 janvier 2024 ;

2°) d'annuler cet arrêté préfectoral du 29 novembre 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pour soins en sa qualité de parent d'enfant malade ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros hors taxes, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, lesquels seront distraits au profit de son conseil, qui s'engage alors expressément à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle conformément aux dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- s'agissant de l'irrégularité du jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'arrêté préfectoral contesté est entaché du vice d'incompétence ;

- le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;

- le préfet des Bouches-du-Rhône a porté une atteinte excessive à son droit au respect de la vie privée et familiale et a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté préfectoral contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans le cadre de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et a été pris en méconnaissance des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 ;

- cet arrêté a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas présenté de mémoire.

Par une ordonnance du 6 janvier 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 février 2025, à 12 heures.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 26 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lombart,

- et les observations de Me Capdefosse, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Né le 28 février 1982 et de nationalité algérienne, M. A... a été interpellé le 29 novembre 2023 par les services de police dans le cadre d'un contrôle d'identité, puis placé en retenue administrative pour vérification de son droit au séjour et à la circulation en France, avant que le préfet des Bouches-du-Rhône ne prenne, le même jour, à son encontre, un arrêté portant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi. M. A... doit être regardé comme relevant appel du jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille du 25 janvier 2024 en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et, dès lors, comme sollicitant de la Cour l'annulation de l'article 2 de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision des premiers juges et, d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, le moyen tiré de ce que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille aurait commis une erreur manifeste d'appréciation est inopérant. Au demeurant, les critiques formulées par M. A... sur ce point relèvent du bien-fondé du jugement et non pas de sa régularité.

Sur le bien-fondé de l'article 2 du jugement attaqué :

3. En premier lieu, l'arrêté en litige a été signé par M. B... E..., qui bénéficiait, en sa qualité d'adjoint à la cheffe du bureau de l'éloignement, du contentieux et de l'asile de la préfecture des Bouches-du-Rhône, par un arrêté n°13-2023-10-06-00006 du préfet de ce département du 6 octobre 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture, d'une délégation à cet effet. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire, qui manque en fait, doit être écarté.

3. En deuxième lieu, bien qu'il n'ait pas mentionné de manière expresse l'état de santé de son fils aîné, il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté contesté, ni des autres pièces versées aux débats, que le préfet des Bouches-du-Rhône n'aurait pas procédé à un examen de la situation particulière de M. A.... Le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit, par suite, être écarté.

4. En troisième lieu, M. A..., qui au demeurant n'établit ni même n'allègue avoir déposé une demande d'admission au séjour, ne peut en tout état de cause utilement invoquer le bénéfice des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien qui concerne les ressortissants étrangers qui sollicitent un certificat de résidence pour raison de santé pour eux-mêmes, ni davantage les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ont trait au ressortissant étranger dont le propre état de santé fait obstacle à l'édiction d'une décision portant obligation de quitter le territoire français.

5. En quatrième lieu, les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile, qui prévoient la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour au bénéfice des parents d'enfants dont l'état de santé répond aux conditions prévues par l'article L. 425-9 du même code, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Cette circonstance ne fait toutefois pas obstacle à ce que le préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, délivre à ces ressortissants un certificat de résidence pour l'accompagnement d'un enfant malade.

6. Au cas particulier, il ressort des pièces du dossier que, né le 27 mai 2010, le jeune C..., fils de M. A..., est atteint d'un trouble autistique. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que son état de santé nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, que le jeune C... ne pourrait pas voyager sans risque vers l'Algérie ou encore que ce dernier n'aurait pas la possibilité d'accéder effectivement à un traitement adapté dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet des Bouches-du-Rhône, dans l'usage de son pouvoir discrétionnaire ne peut, alors en tout état de cause que les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont en l'espèce pas applicables ainsi qu'il a été dit au point 5 ci-dessus du présent arrêt, qu'être écarté.

7. En cinquième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

8. M. A... expose être entré, sur le territoire français, en mai 2023, accompagné de son épouse et de leurs deux enfants. Ainsi, leur présence y était encore très récente, à la date d'édiction de l'arrêté préfectoral contesté du 29 novembre 2023. En outre, M. A..., qui est hébergé et qui, lors de son audition par les services de police, a déclaré être sans emploi, ne se prévaut d'aucune intégration à la société française autre que la scolarisation de son fils cadet. Alors qu'ainsi qu'il a été dit au point 6 ci-dessus du présent arrêt, l'état de santé du jeune C... ne saurait faire obstacle à leur retour dans leur pays d'origine, M. A... ne fait état d'aucune autre circonstance qui s'opposerait à ce qu'avec son épouse, dont il n'est pas contesté qu'elle se trouve également en situation irrégulière sur le territoire français, et ces deux enfants, ils poursuivent leur vie familiale dans ce pays ou tout autre pays de leur choix. Il s'ensuit que le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'appelant une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a édicté la décision portant obligation de quitter le territoire français en litige. Le représentant de l'Etat n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. L'ensemble de ces moyens doit, par conséquent, être écarté.

9. En sixième et dernier lieu, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ".

10. Cet article, dès lors qu'il est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Cependant, bien que cet accord ne prévoie pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, un préfet peut délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

11. Eu égard à ce qui a été dit aux points précédents, M. A..., qui ne fait valoir aucun autre élément à l'appui de ce moyen, n'établit pas l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels susceptibles de justifier la régularisation, à titre exceptionnel, de sa situation administrative. Par suite, il n'est pas fondé, en tout état de cause, à soutenir qu'en lui refusant le bénéfice d'une telle mesure de régularisation, le préfet des Bouches-du-Rhône aurait entaché son arrêté du 29 novembre 2023 d'une erreur manifeste d'appréciation. Ce moyen doit, dès lors, être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par conséquent, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de M. A... tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi susvisée relative à l'aide juridique doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à Me Julie Capdefosse et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 25 février 2025, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2025.

2

No 24MA01562


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA01562
Date de la décision : 11/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : CAPDEFOSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-11;24ma01562 ?
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