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11/03/2025 | FRANCE | N°24MA00454

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 11 mars 2025, 24MA00454


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 22 juillet 2021 par laquelle le maire de la commune de Roquefort-la-Bédoule lui a infligé un avertissement.



Par un jugement n° 2108084 du 28 décembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. B....



Procédure devant la Cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 février et 26 novembr

e 2024, M. B..., représenté par Me Martinez, demande à la Cour :



1°) d'annuler le jugement du tribunal administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 22 juillet 2021 par laquelle le maire de la commune de Roquefort-la-Bédoule lui a infligé un avertissement.

Par un jugement n° 2108084 du 28 décembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 février et 26 novembre 2024, M. B..., représenté par Me Martinez, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 2108084 du 28 décembre 2023 ainsi que la décision du 22 juillet 2021 du maire de la commune de Roquefort-la-Bédoule ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Roquefort-la-Bédoule la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que la procédure disciplinaire s'est tenue en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- l'on ne peut que douter de la matérialité des faits imputés dès lors que la commune ne rapporte pas la preuve des propos qui lui sont reprochés ;

- à titre subsidiaire, ces propos, qui ne font que traduire l'exercice de la liberté d'opinion conférée au fonctionnaire par l'article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, ne sont pas constitutifs d'un manquement au devoir de réserve du fonctionnaire.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 novembre et 13 décembre 2024, la commune de Roquefort-la-Bédoule, représentée par Me Boulisset, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du requérant la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Un courrier du 27 novembre 2024 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.

Par une ordonnance du 8 janvier 2025, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Martin,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- et les observations de Me Boulisset, représentant la commune de Roquefort-la-Bédoule.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 22 juillet 2021, le maire de la commune de Roquefort-la-Bédoule a infligé la sanction de l'avertissement à M. B..., qui occupe les fonctions de brigadier-chef principal. Par la présente requête, M. B... demande à la Cour d'annuler le jugement du 28 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

2. En premier lieu, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le requérant ne peut donc utilement se prévaloir de ce que le jugement attaqué serait entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation.

3. En deuxième lieu, et d'une part, aux termes du deuxième alinéa de l'article 19 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors applicable : " Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. ". Aux termes de l'article 4 du décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux : " L'autorité investie du pouvoir disciplinaire informe par écrit l'intéressé de la procédure disciplinaire engagée contre lui, lui précise les faits qui lui sont reprochés et lui indique qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel au siège de l'autorité territoriale et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix. / L'intéressé doit disposer d'un délai suffisant pour prendre connaissance de ce dossier et organiser sa défense. Les pièces du dossier et les documents annexés doivent être numérotés. / A sa demande, une copie de tout ou partie de son dossier est communiqué à l'agent dans les conditions prévues par l'article 14 du décret n° 2011-675 du 15 juin 2011 relatif au dossier individuel des agents publics et à sa gestion sur support électronique. ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors en vigueur : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : l'avertissement ; (...) ".

5. Une sanction ne peut être légalement prononcée à l'égard d'un agent public sans que l'intéressé ait été mis en mesure de présenter utilement sa défense. S'agissant des sanctions du premier groupe, dont fait partie, pour les fonctionnaires territoriaux, l'avertissement en vertu des dispositions précitées de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, cette garantie procédurale est assurée, en application des dispositions de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, par l'information donnée par l'administration à l'intéressé qu'une procédure disciplinaire est engagée, et qu'il dispose du droit à la communication de son dossier individuel et de tous les documents annexes, ainsi qu'à l'assistance des défenseurs de son choix.

6. Il ressort des pièces du dossier que, par courrier du 26 mai 2021, le maire de la commune de Roquefort-la-Bédoule a, en application des dispositions citées au point 3, informé M. B... de ce que l'administration envisageait de prendre à son encontre la sanction de l'avertissement en raison d'une violation du devoir de réserve commise le 4 janvier 2020. Si M. B... soutient qu'il n'a pas été en mesure de présenter utilement des observations en réponse à ce courrier, dès lors qu'il était absent le 4 janvier 2020, et que ce n'est qu'à la suite de la notification de la sanction intervenue le 22 juillet 2021 qu'il a pris connaissance pour la première fois des faits reprochés, commis non pas le 4 janvier 2020 mais le 4 janvier 2021, il ressort du procès-verbal de communication de dossier, qu'il a signé sans observation le 8 juillet 2021, qu'il a pu prendre connaissance de l'intégralité de son dossier personnel, au sein duquel figurait le rapport de l'adjoint délégué à la sécurité, daté du 3 mai 2021, exposant les motifs pour lesquels était sollicitée une sanction disciplinaire à l'encontre de l'intéressé, et mentionnant expressément que les faits reprochés avaient été commis le 4 janvier 2021. Dans ces conditions, M. B... était à même de connaître les griefs reprochés et de présenter toutes observations utiles sur ceux-ci avant même l'intervention de la sanction en litige. Par suite, dès lors que l'erreur de date entachant le courrier du 26 mai 2021 ne saurait, à elle seule, révéler une violation du principe du contradictoire, un tel moyen ne peut qu'être écarté.

7. En dernier lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

8. D'une part, la sanction en litige repose sur la circonstance que, le 4 janvier 2021, M. B... a procédé à des annotations écrites sur le tableau de la salle de repos, qui ont été considérées par l'autorité hiérarchique, selon les écritures de la commune en défense, comme constitutives d'un manquement au devoir de réserve. La matérialité de tels écrits doit être regardée comme suffisamment établie par le rapport du 3 mai 2021 de l'adjoint délégué à la sécurité déjà cité, qui reprend en intégralité ces annotations, et ce en dépit de la circonstance que ce rapport n'est accompagné d'aucune autre pièce, notamment photographique, dès lors que le requérant, qui se borne à soutenir que " l'on ne peut que douter de la matérialité des faits imputés " par la commune, fait lui-même valoir, dans ses écritures, que par lesdits propos, il n'a fait qu'exprimer une opinion purement personnelle à l'occasion du début de l'année 2021, sans viser directement et exclusivement l'administration, et qu'il avait seulement pour intention d'apporter un message de soutien à ses collègues. Enfin, la circonstance qu'il s'est écoulé un délai de près de cinq mois entre la date des faits reprochés et la rédaction du rapport de l'adjoint délégué à la sécurité n'est pas de nature à remettre en cause, par elle-même, la matérialité des faits relevés dans ce document.

9. D'autre part, en dépit de la circonstance que les écrits incriminés ne visent pas expressément une personne en particulier, ils doivent nécessairement être regardés, particulièrement le passage " merde à ceux qui ont voulu ma peau, ils ont peut-être gagné une bataille mais pas la guerre ", compte tenu du lieu dans lequel ils ont été rédigés et des termes menaçants utilisés, par un agent titulaire du grade de brigadier-chef principal de la police municipale, comme de nature à porter atteinte à la sérénité et au bon fonctionnement du service, de sorte qu'ils doivent être regardés comme constitutifs d'une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 22 juillet 2021 du maire de la commune de Roquefort-la-Bédoule. Par suite, ses conclusions d'appel aux fins d'annulation, ainsi que celles présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Roquefort-la-Bédoule en application de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Roquefort-la-Bédoule en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Roquefort-la-Bédoule.

Délibéré après l'audience du 25 février 2025, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 11 mars 2025.

N° 24MA00454 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00454
Date de la décision : 11/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Stéphen MARTIN
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS TERTIAN - BAGNOLI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-11;24ma00454 ?
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