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28/02/2025 | FRANCE | N°24MA02022

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 28 février 2025, 24MA02022


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... D... épouse C... et son époux, M. E... A..., ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les arrêtés du préfet des Alpes-Maritimes du 8 décembre 2023 rejetant leur demande de titre de séjour, les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de leur destination.



Par un jugement n° 2400663, 2400665 du 30 avril 2024, le tribunal administratif de Nice a rejeté leurs demandes.


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Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2024, Mme D... épouse ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... épouse C... et son époux, M. E... A..., ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les arrêtés du préfet des Alpes-Maritimes du 8 décembre 2023 rejetant leur demande de titre de séjour, les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de leur destination.

Par un jugement n° 2400663, 2400665 du 30 avril 2024, le tribunal administratif de Nice a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2024, Mme D... épouse C... et M. A..., représentés par Me Rossler, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 30 avril 2024 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet des Alpes-Maritimes du 8 décembre 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de leur délivrer une carte de séjour temporaire, ou, à défaut, de réexaminer leur situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer dès lors que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen, contenu dans la demande de première instance de Mme D..., tiré de l'erreur de droit qu'a commise le préfet en subordonnant la délivrance du titre qu'elle a sollicité à la production d'une autorisation de travail ;

- l'arrêté contesté par Mme D... est entaché d'erreur de droit ;

- les deux arrêtés attaqués sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- ils méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ils méconnaissant les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

La procédure a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit d'observations.

Mme D... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 juin 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

La demande d'aide juridictionnelle de M. A... a été rejetée par une décision du 28 juin 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Chenal-Peter.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... épouse C... et M. A..., tous deux de nationalité biélorusse, relèvent appel du jugement du 30 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande dirigée contre les arrêtés du préfet des Alpes-Maritimes du 8 décembre 2023 rejetant leur demande de titre de séjour, les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de leur destination.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des mentions du jugement attaqué que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen invoqué par Mme D... dans l'instance n° 2400663 et tiré de l'erreur de droit commise par le préfet en exigeant la production d'une autorisation de travail à l'appui d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour fondée sur les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Un tel moyen n'était pas inopérant. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que ce jugement est entaché d'irrégularité sur ce point et doit, par suite, être annulé en tant qu'il a statué sur sa demande.

3. Dès lors, il y a lieu pour la cour administrative d'appel de se prononcer immédiatement sur la demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Marseille par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions.

Sur la légalité de l'arrêté du 8 décembre 2023 du préfet des Alpes-Maritimes rejetant la demande de titre de séjour de Mme D..., l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de sa destination :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

5. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur, qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, de motifs exceptionnels exigés par la loi.

6. Mme D..., entrée en France en septembre 2018 avec son époux et ses deux enfants mineurs, nés en Biélorussie respectivement les 23 avril 2009 et 12 septembre 2015, n'établit toutefois pas le caractère habituel de son séjour en France en 2018 et 2019, en ne produisant qu'une seule pièce pour chacune de ses années. Si la requérante fait valoir qu'elle a créé une micro-entreprise et dispose en outre d'une promesse d'embauche établie par la société HEBE pour un poste de gestionnaire, que sa famille est bien intégrée et que ses enfants sont scolarisés depuis l'année 2018 sur le territoire, ces seuls éléments ne permettent pas de caractériser des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels ouvrant droit à Mme D... à l'admission au séjour au titre de sa vie privée et familiale ou d'une activité salariée. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet des Alpes-Maritimes a pu refuser de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile.

7. Par ailleurs, il résulte des termes de l'arrêté attaqué que, pour rejeter la demande d'admission exceptionnelle au séjour formulée par Mme D... sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment au titre de son activité professionnelle, le préfet des Alpes-Maritimes a relevé que, si la requérante disposait d'une promesse d'embauche, elle ne produisait pas de demande d'autorisation de travail souscrite par son employeur. Si, ainsi que le fait valoir la requérante, le préfet ne pouvait légalement lui opposer un tel motif pour rejeter sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, il ressort toutefois de l'ensemble de la motivation de cet arrêté que le préfet aurait pris la même décision s'il s'était fondé seulement sur les autres motifs, cités au point précédent.

8. En deuxième lieu, l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que : " " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Si Mme D... soutient qu'elle a fixé le centre de sa vie privée et familiale en France, avec son époux et ses deux enfants, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que la requérante ne justifie pas d'une intégration socio-professionnelle significative sur le territoire et que, son époux étant également en situation irrégulière, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue dans leur pays d'origine, dans lequel ils ont vécu respectivement jusqu'à l'âge de 29 et de 39 ans, et ne démontrent pas y être dépourvus d'attaches familiales. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué ne peut être regardé comme portant au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". L'arrêté contesté n'a ni pour effet, ni pour objet de séparer Mme D... de ses enfants. En outre, s'il ressort des pièces du dossier que ses deux enfants sont régulièrement scolarisés en France depuis l'année 2018 elle n'établit toutefois pas qu'ils ne pourraient poursuivre une scolarité adaptée dans leur pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 8 décembre 2023. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué, en tant qu'il statue sur la demande de première instance de M. A... :

12. En premier lieu, M. A... ne produit aucune pièce de nature à justifier de son intégration socio-professionnelle particulière sur le territoire français. Dans ces conditions, et eu égard à sa situation familiale telle que décrite au point 6, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile.

13. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990, ainsi que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet doivent être écartés pour les motifs exposés aux points 9 et 10.

14. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

15. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des requérants présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2400663, 2400665 du tribunal administratif de Nice du 30 avril 2024 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de Mme D... épouse C....

Article 2 : La demande de première instance de Mme D... épouse C... et le surplus des conclusions de la requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... épouse C..., à M. E... A..., à Me Frédéric Rossler et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 7 février 2025, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Poullain première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 février 2025.

N° 24MA02022 2

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA02022
Date de la décision : 28/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Anne-Laure CHENAL-PETER
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : ROSSLER

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-28;24ma02022 ?
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