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25/02/2025 | FRANCE | N°24MA00282

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 25 février 2025, 24MA00282


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 24 avril 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de sa notification, et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2304414 du 9 janvier 2024, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.



Procédur

e devant la Cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 et 21 février 2024, M. B..., repr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 24 avril 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de sa notification, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2304414 du 9 janvier 2024, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 et 21 février 2024, M. B..., représenté par Me Zouatcham, demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement n° 2304414 du 9 janvier 2024 du tribunal administratif de Nice, ainsi que l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 24 avril 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à défaut et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas entaché la décision litigieuse d'une insuffisance de motivation ;

- c'est à tort que le tribunal n'a pas retenu l'acquiescement de la préfecture face à l'argument tiré de ce que les traitements de ses pathologies n'étaient pas disponibles dans son pays d'origine ;

- c'est au terme d'une erreur que le tribunal administratif a jugé que le préfet des Alpes-Maritimes a, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, refusé de renouveler sa demande de titre de séjour, dès lors qu'un suivi médical similaire à celui dont il bénéficie en France n'est pas possible au Nigéria ; il démontre que non seulement la disponibilité mais surtout l'effectivité de la prise en charge médicale ne sont nullement garanties dans son pays d'origine, en particulier la ventilation à pression positive nécessaire pour traiter son apnée du sommeil ; ce faisant, le préfet a méconnu l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

- c'est au terme d'une erreur d'appréciation des faits que les premiers juges ont estimé que l'arrêté attaqué ne portait pas une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis à son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors qu'il a fixé en France son centre d'intérêt et qu'il n'a plus aucune attache dans son pays.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par ordonnance du 16 octobre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 31 octobre 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Martin,

- et les observations de Me Zouatcham, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité nigériane, né le 27 janvier 1975, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Après avoir consulté le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration, le préfet des Alpes-Maritimes, par un arrêté du 24 avril 2023, a rejeté la demande d'admission au séjour présentée par M. B..., a abrogé l'autorisation provisoire de séjour en possession de l'intéressé, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 9 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président ". Aux termes de l'article 61 du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles : " L'admission provisoire peut être accordée dans une situation d'urgence (...). / L'admission provisoire est accordée par la juridiction compétente ou son président (...), soit sur une demande présentée sans forme par l'intéressé, soit d'office si celui-ci a présenté une demande d'aide juridictionnelle (...) sur laquelle il n'a pas encore été statué ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le requérant n'a pas déposé de demande d'aide juridictionnelle depuis l'enregistrement de sa requête. Par suite et en l'absence d'urgence, il n'y a pas lieu de l'admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le tribunal administratif de Nice aurait, en application des dispositions de l'article R. 612-6 du code de justice administrative, mis en demeure le préfet de produire des observations en défense. Par conséquent, M. B... ne peut utilement soutenir que le tribunal se serait abstenu, à tort, de regarder le préfet comme ayant acquiescé aux faits qu'il avait exposés en première instance.

5. En deuxième lieu, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Nice, l'arrêté attaqué mentionne avec suffisamment de précisions les circonstances de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. A cet égard, le requérant ne peut utilement soutenir qu'il justifie d'une impossibilité d'accéder aux soins dans son pays d'origine, et pas davantage qu'il entrerait dans le champ d'application des dispositions de l'article R. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de telles circonstances relevant, en toute état de cause, de la légalité interne de l'arrêté attaqué.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. / (...) ".

7. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... souffre d'apnée du sommeil sévère nécessitant une assistance ventilatoire nocturne, d'une cardiopathie ischémique, d'une hypertension artérielle, d'une obésité de grade II et d'une insulino-résistance. Selon l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 8 novembre 2022, si cet état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, M. B... peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et voyager sans risque vers ce pays. Si, pour remettre en cause cet avis, l'appelant produit son dossier médical, composé notamment de plusieurs certificats des médecins qui assurent son suivi pluridisciplinaire en France, selon lesquels son état de santé nécessite la poursuite des soins en France compte tenu de son instabilité, il ne ressort pas de ces documents qu'il ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié au Nigéria. Une telle circonstance ne ressort pas davantage des quatre certificats rédigés en langue anglaise, postérieurement à l'arrêté en litige, par des médecins nigérians, qui se bornent à recommander à l'intéressé, essentiellement en raison du coût des traitements qui lui sont nécessaires, de poursuivre son suivi médical en France, sans établir qu'il ne pourrait pas bénéficier

du traitement et du suivi appropriés à ses pathologies au Nigéria. Enfin, il n'établit pas davantage, en se bornant à renvoyer à un article généraliste relatif à la couverture sanitaire universelle au Nigéria, mis en ligne sur le site internet " theglobalfund.org ", qu'il n'existe aucune possibilité pour lui d'acquérir ou de se voir mettre à disposition l'équipement de respiration nocturne nécessité par son état de santé. Par suite, et en tout état de cause, il n'est pas fondé à soutenir que le refus de délivrance d'un titre de séjour qui lui a été opposé méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France au cours de l'année 2017 à l'âge de quarante-deux ans, pays dans lequel il ne justifie d'aucune attache familiale. A la date de l'arrêté attaqué, il avait vécu l'essentiel de son existence dans son pays d'origine, au sein duquel il ne justifie pas être dépourvu d'attache. A cet égard, en effet, l'intéressé se borne à faire état du décès de ses parents, sans aucune autre précision sur sa situation familiale, et ce, alors même que selon le compte rendu d'hospitalisation du 11 février 2020 qu'il produit dans l'instance, il est fait état de deux enfants vivant au Nigéria. Par ailleurs, si, selon l'évaluation sociale établie par la Fondation de Nice le 4 octobre 2023, M. B..., suivi dans le cadre du dispositif insertion depuis le 15 juillet 2021, serait totalement intégré et inséré dans la société, et qu'il cumule deux postes en contrats à durée déterminée en qualité de boulanger, il ressort de ce même document que l'intéressé ne parle pas la langue française, en dépit d'une présence en France depuis six ans à la date de l'évaluation. Par suite, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et, à le supposer soulevé, de l'erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 24 avril 2023. Par suite, ses conclusions d'appel aux fins d'annulation, d'injonction sous astreinte, ainsi que celles présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 4 février 2025, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 25 février 2025.

N° 24MA00282 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00282
Date de la décision : 25/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Stéphen MARTIN
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : ZOUATCHAM

Origine de la décision
Date de l'import : 02/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-25;24ma00282 ?
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