Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) des Planètes a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'ordonner avant dire droit à la société d'économie mixte (SEM) Marseille-Habitat de produire, d'une part, la délégation de l'exercice du droit de préemption urbain de son conseil d'administration à son directeur général et, d'autre part, tous éléments de nature à démontrer que cette délégation ainsi que celle du directeur général à la signataire de la décision contestée ont, toutes deux, fait l'objet d'une publication de nature à les rendre opposables aux tiers, dans un délai de cinq jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, d'autre part, d'annuler la décision du 3 décembre 2020 par laquelle la directrice des opérations urbaines et foncières de la SEM Marseille-Habitat a exercé le droit de préemption urbain renforcé sur le lot n° 6 de la copropriété sise 7 rue Rodolphe Pollak à Marseille (13001) et, enfin, de mettre à la charge de cette société d'économie mixte une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2103781 du 29 juin 2023, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision de la directrice des opérations urbaines et foncières de la SEM Marseille-Habitat du 3 décembre 2020 et mis à la charge de cette société une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, ce mémoire n'ayant pas été communiqué, enregistrés les 29 août 2023 et 20 octobre 2024, la société d'économie mixte (SEM) Marseille-Habitat, représentée par Me Burtez-Doucède, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 29 juin 2023 et de rejeter la demande de première instance présentée par la SCI des Planètes ;
2°) de mettre à la charge de la SCI des Planètes une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la critique du jugement attaqué :
- elle est une société de droit privé qui n'a pas à faire de publicité ; aucun texte ne prévoit que les décisions de son conseil d'administration doivent être publiées ; en jugeant le contraire, le tribunal administratif de Marseille a commis une erreur de droit ainsi qu'une erreur de fait ; elle produit le procès-verbal du 28 octobre 2020 nommant M. C..., directeur général, et qui a été transmis à la préfecture ;
- l'article R. 211-5 du code de l'urbanisme sur lequel s'est fondé le tribunal administratif de Marseille ne s'applique pas aux délégations ou subdélégations en son sein mais uniquement pour la délégation du droit de préemption urbain ;
- elle était bien compétente pour exercer le droit de préemption urbain sur le bien litigieux et Mme A..., directrice des opérations urbaines et foncières, pouvait valablement signer la décision litigieuse ; en tout état de cause, si la Cour devait estimer qu'il s'agit d'un vice de procédure, celui-ci n'a pas de caractère substantiel.
Sur l'effet dévolutif de l'appel :
- les moyens invoqués par la SCI des Planètes sont infondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2024, la société civile immobilière (SCI) des Planètes, représentée par Me Ladouari, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la SEM Marseille-Habitat au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la critique du jugement attaqué par la SEM Marseille-Habitat est dépourvue de
bien-fondé et, ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, la décision de préemption en litige est illégale en tant qu'elle a été signée par Mme A..., ès-qualités de directrice des opérations urbaines et foncières de cette société ;
- sur la légalité de la décision en litige :
. cette décision est insuffisamment motivée ;
. elle a été signée par une autorité incompétente ;
. elle est dépourvue de base légale dès lors que la décision du 20 mars 2020 par laquelle la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence a délégué le droit de préemption urbain renforcé au profit de la SEM Marseille-Habitat est elle-même entachée d'illégalité ;
. elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme ;
. elle procède d'un détournement de pouvoir.
Par une ordonnance du 19 septembre 2024, la clôture de l'instruction, initialement fixée au 27 septembre 2024, a été reportée au 21 octobre 2024, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lombart,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- et les observations de Me Claveau, substituant Me Burtez-Doucède, représentant la SEM Marseille-Habitat, et de Me Daïmallah, substituant Me Ladouari, représentant la SCI des Planètes.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 19 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Marseille a adjugé à la société civile immobilière (SCI) des Planètes le lot n° 6 de l'immeuble sis 7 rue Rodolphe-Pollack à Marseille (13001), correspondant à un appartement de 33 m², situé au 3ème étage du bâtiment A de cet immeuble. La société d'économie mixte (SEM) Marseille-Habitat, qui s'était vue déléguer l'exercice du droit de préemption urbain renforcé par une décision de la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence du 23 mars 2020 pour acquérir ce lot, relève appel du jugement du 29 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a, à la demande de la SCI des Planètes, annulé la décision de sa directrice des opérations urbaines et foncières du 3 décembre 2020 par laquelle elle a exercé ce droit de préemption sur ce lot, au prix de l'adjudication.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En vertu des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif annule un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension en retenant plusieurs moyens, de se prononcer sur le bien-fondé de tous les moyens d'annulation retenus au soutien de leur décision par les premiers juges et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation. Dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance.
3. En l'espèce, pour annuler la décision du 3 décembre 2020 par laquelle la directrice des opérations urbaines et foncières de la SEM Marseille-Habitat a exercé le droit de préemption urbain renforcé sur le lot n° 6 de l'immeuble sis 7 rue Rodolphe-Pollack, au prix de l'adjudication, le tribunal administratif de Marseille s'est fondé, en application des dispositions de l'article
L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, sur les motifs tirés, d'une part, de l'absence de publication de la décision de son conseil d'administration portant délégation de ce droit de préemption à son directeur général que lesdits juges ont estimé contenue dans la décision portant nomination de ce dernier et, d'autre part, de l'absence de publication de la décision par laquelle ce même directeur général a lui-même délégué ce pouvoir à ladite directrice des opérations urbaines et foncières, signataire de la décision contestée du 3 décembre 2020.
4. Aux termes de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au présent litige : " (...) Le titulaire du droit de préemption urbain peut déléguer son droit à une société d'économie mixte agréée mentionnée à l'article L. 481-1 du code de la construction et de l'habitation (...). [Son] organe délibérant peut déléguer l'exercice de ce droit, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Dans sa rédaction applicable au présent litige, l'article R. 211-5 du même code précise à ce titre, que : " L'exercice du droit de préemption urbain peut être délégué au président-directeur général, au président du directoire, au directeur général ou à l'un des directeurs par le conseil d'administration, le conseil de surveillance ou le directoire des sociétés ou organismes mentionnés au troisième alinéa de l'article L. 211-2. Cette délégation fait l'objet d'une publication de nature à la rendre opposable aux tiers. (...) ".
5. Il est constant que la décision de préemption contestée du 3 décembre 2020 est signée par Mme B... A..., directrice des opérations urbaines et foncières de la SEM Marseille-Habitat. Cette société n'établit, ni même n'allègue que cette directrice aurait reçu, à cette fin, une délégation émanant de son conseil d'administration. Il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier que Mme A... s'est vue confier, le 29 octobre 2020, une délégation de pouvoir par M. D... C..., directeur général de cette société, qui porte, notamment sur la " Procédure de préemption y compris notifications ". Toutefois, la SEM Marseille-Habitat ne verse aux débats aucun acte par lequel son conseil d'administration aurait délégué à M. C... l'exercice du droit de préemption urbain renforcé qu'il tirait de la décision de la présidente de la métropole
Aix-Marseille-Provence du 23 mars 2020. Elle se borne à produire le procès-verbal de son conseil d'administration daté du 28 octobre 2020, dont le point 2 a trait à la " nomination du directeur général " en la personne de M. C.... Mais, ce procès-verbal ne précise pas l'étendue des pouvoirs confiés à ce dernier et n'indique en particulier pas que lui serait consentie une délégation de l'exercice de ce droit de préemption urbain renforcé. Ainsi, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'exercice de ce droit de préemption ne saurait être regardé comme ayant été délégué par le conseil d'administration de la SEM Marseille-Habitat à M. C..., par la décision par laquelle ce dernier a été nommé directeur général. En l'absence de toute délégation consentie par le conseil d'administration de la SEM Marseille-Habitat à M. C..., ce dernier n'a pas pu en tout état de cause légalement donner compétence, pour signer la décision contestée du 3 décembre 2020, à Mme A.... Dès lors, la SCI des Planètes est fondée à soutenir que cette décision, signée par cette dernière, a été prise par une autorité incompétente.
6. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de première instance, repris en cause d'appel par la SCI des Planètes, la SEM Marseille-Habitat n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 3 décembre 2020.
Sur les frais liés au litige :
7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "
8. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCI des Planètes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par la SEM Marseille-Habitat et non compris dans les dépens.
9. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, et sur le fondement de ces mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de la société appelante une somme de 2 000 euros à verser à la société intimée.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SEM Marseille-Habitat est rejetée.
Article 2 : La SEM Marseille-Habitat versera à la SCI des Planètes une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'économie mixte (SEM) Marseille-Habitat et à la société civile immobilière (SCI) des Planètes.
Délibéré après l'audience du 4 février 2025, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 février 2025.
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No 23MA02240