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13/02/2025 | FRANCE | N°24MA00339

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 1ère chambre, 13 février 2025, 24MA00339


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SCI Polina a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 25 mai 2021 par lequel le maire de la commune de Saint-Raphaël, agissant au nom de l'Etat, l'a mise en demeure de cesser immédiatement les travaux de construction de clôture entrepris sur la parcelle cadastrée BH n° 348, sise 87 boulevard Eugène Brieux à Agay.



Par un jugement n° 2101657 du 22 décembre 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande. >




Procédure devant la Cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 fév...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Polina a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 25 mai 2021 par lequel le maire de la commune de Saint-Raphaël, agissant au nom de l'Etat, l'a mise en demeure de cesser immédiatement les travaux de construction de clôture entrepris sur la parcelle cadastrée BH n° 348, sise 87 boulevard Eugène Brieux à Agay.

Par un jugement n° 2101657 du 22 décembre 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 février et le 28 octobre 2024, la SCI Polina, représentée par Me Boillot, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 22 décembre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 mai 2021 du maire de Saint-Raphaël ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Raphaël la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens en application de l'article R. 761-1 du même code.

Elle soutient que :

- l'ouvrage en cause ne constitue pas une clôture mais un mur de soutènement ;

- la parcelle sur laquelle cet ouvrage est implanté n'est située ni dans le périmètre d'un site patrimonial, ni aux abords d'un monument historique, en sorte que la réalisation d'un mur de soutènement n'a pas à être précédée d'une autorisation d'urbanisme ;

- ce mur ne se situe pas dans le périmètre de la servitude de passage prévue par l'article L. 121-31 du code de l'urbanisme.

Par deux mémoires en intervention, enregistrés les 5 juillet et 6 novembre 2024, la commune de Saint-Raphaël, représentée par Me Baudino, demande que la requête soit rejetée et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la SCI Polina en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2024, la ministre du logement et de la rénovation urbaine conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Claudé-Mougel,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Boillot, représentant la SCI Polina, et celles de Me Baudino, représentant la commune de Saint-Raphaël.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Polina est propriétaire d'un terrain cadastré section BH n° 348, situé 176 boulevard Eugène Brieux, à Saint-Raphaël, sur lequel est édifié une maison d'habitation. Le 9 avril 2021, un agent assermenté a constaté des travaux d'édification d'une clôture en limite sud de la parcelle, sous la forme d'une semelle béton supportant des murets d'une hauteur de 0,60 mètre sans autorisation préalable, et en a dressé procès-verbal. Le 19 avril suivant, le maire de la commune a informé la SCI Polina de ce que le terrain étant situé dans le périmètre d'un site inscrit, l'édification de cette clôture devait être précédée d'une déclaration préalable. Le 23 avril suivant, ce même agent assermenté a relevé que ces travaux se poursuivaient, constatant l'édification d'un ouvrage d'une hauteur de 3 mètres, d'une largeur de 7,70 mètres et d'une longueur de 21 mètres, paraissant affecté tout autant à l'usage de clôture qu'à celui de mur de soutènement. Le 25 mai 2021, le maire de Saint-Raphaël a pris un arrêté interruptif de travaux, en mettant en demeure la SCI Polina de cesser immédiatement ces travaux de construction de clôture. Cette dernière relève appel du jugement du 22 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur l'intervention :

2. La commune de Saint-Raphaël, qui a la qualité d'intervenante et non de partie à l'instance dès lors que l'arrêté contesté a été pris par le maire au nom de l'Etat sur le fondement de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme, justifie d'un intérêt au maintien de l'arrêté en litige. Son intervention en défense doit donc être admise.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En application du premier alinéa de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme : " Les constructions, même ne comportant pas de fondations, doivent être précédées de la délivrance d'un permis de construire. ". En vertu de l'article L. 421-4 du même code dans sa rédaction applicable : " Un décret en Conseil d'Etat arrête la liste des constructions, aménagements, installations et travaux qui, en raison de leurs dimensions, de leur nature ou de leur localisation, ne justifient pas l'exigence d'un permis et font l'objet d'une déclaration préalable. / Ce décret précise les cas où les clôtures sont également soumises à déclaration préalable. ". L'article L. 421-5 du même code renvoie à un décret en Conseil d'Etat la fixation de " la liste des constructions, aménagements, installations et travaux qui, par dérogation aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4, sont dispensés de toute formalité au titre du présent code en raison : a) De leur très faible importance ; (...) ". En vertu de l'article R. 421-2 du même code, sont ainsi dispensés de tout formalité " sauf lorsqu'ils sont implantés dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable, dans les abords des monuments historiques ou dans un site classé ou en instance de classement : / (...) / f) Les murs dont la hauteur au-dessus du sol est inférieure à deux mètres, sauf s'ils constituent des clôtures régies par l'article R. 421-12 ; (...) ". Enfin, l'article R. 421-12 prévoit que : " Doit être précédée d'une déclaration préalable l'édification d'une clôture située : / (...) b) Dans un site inscrit ou dans un site classé ou en instance de classement en application des articles L. 341-1 et L. 341-2 du code de l'environnement (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que, si l'édification d'une clôture est dispensée de formalité au titre du code de l'urbanisme, sauf si elle prend la forme d'un mur d'une hauteur supérieure ou égale à deux mètres, l'édification d'une clôture située dans les différents périmètres énumérés à l'article R. 421-12 du code de l'urbanisme, doit en revanche être précédée d'une déclaration préalable, quelle que soit la hauteur de cette clôture.

5. Par ailleurs, aux termes de L. 480-1 du code de l'urbanisme : " Les infractions aux dispositions des titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l'Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l'urbanisme suivant l'autorité dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu'à preuve du contraire./ (...) / Lorsque l'autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ont connaissance d'une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 480-4 et L. 610-1, ils sont tenus d'en faire dresser procès-verbal. (...) " Aux termes de l'article L. 480-2 du même code : " L'interruption des travaux peut être ordonnée soit sur réquisition du ministère public agissant à la requête du maire, du fonctionnaire compétent ou de l'une des associations visées à l'article L. 480-1, soit, même d'office, par le juge d'instruction saisi des poursuites ou par le tribunal correctionnel. (...)/ Dès qu'un procès-verbal relevant l'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 du présent code a été dressé, le maire peut également, si l'autorité judiciaire ne s'est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux. (...) " L'article L. 480-4 de ce code, dans sa rédaction en vigueur, dispose : " Le fait d'exécuter des travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-5 en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les règlements pris pour leur application ou en méconnaissance des prescriptions imposées par un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou par la décision prise sur une déclaration préalable est puni d'une amende comprise entre 1 200 euros et un montant qui ne peut excéder, soit, dans le cas de construction d'une surface de plancher, une somme égale à 6 000 euros par mètre carré de surface construite, démolie ou rendue inutilisable au sens de l'article L. 430-2, soit, dans les autres cas, un montant de 300 000 euros. En cas de récidive, outre la peine d'amende ainsi définie un emprisonnement de six mois pourra être prononcé. (...) "

6. Si le maire, agissant au nom de l'Etat en sa qualité d'auxiliaire de l'autorité judiciaire, peut, en vertu des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme, interrompre les travaux pour lesquels a été relevée, par procès-verbal dressé en application de l'article L. 480-1 du même code, une infraction mentionnée à l'article L. 480-4 de ce code, résultant soit de l'exécution de travaux sans les autorisations prescrites par le livre IV du code de l'urbanisme, soit de la méconnaissance des autorisations délivrées, il ne peut légalement prendre un arrêté interruptif pour des travaux exécutés conformément aux autorisations d'urbanisme en vigueur à la date de sa décision et ce même s'il estime que les travaux en cause méconnaissent les règles d'urbanisme et notamment le document local d'urbanisme.

7. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal établi par l'agent assermenté de la commune le 23 avril 2021, que la SCI Polina a édifié sur la parcelle cadastrée section BH n° 348 lui appartenant un mur d'une hauteur de 3 mètres, d'une largeur de 7,70 mètres et d'une longueur de 21 mètres affecté à l'usage de clôture et de soutènement. Cet ouvrage, désormais achevé, est composé d'un mur de soutènement, supportant un mur bahut surmonté en totalité par une bande grillagée, agrémenté en partie d'un filet opaque. A supposer même qu'il ait, pour la partie que surplombe une terrasse, la fonction de retenir le remblai qui s'est avéré par la suite nécessaire à sa réalisation, il présente à l'évidence pour sa partie supérieure le caractère d'un mur de clôture. Or, il est constant que la parcelle de la SCI Polina est située dans le site du Rastel d'Agay inscrit à l'inventaire des sites par un arrêté ministériel du 21 janvier 1966. En application des dispositions précitées de l'article R. 421-12 du code de l'urbanisme, son édification aurait dû être précédée d'une déclaration préalable. Dans ces conditions, le maire de Saint-Raphaël pouvait légalement prendre l'arrêté en litige.

8. Il résulte de l'instruction que le maire de Saint-Raphaël aurait pris le même arrêté interruptif de travaux s'il s'était fondé uniquement sur le motif tiré de l'absence de déclaration préalable en méconnaissance de l'article R. 421-12 du code de l'urbanisme. Dès lors, le moyen dirigé contre le motif tiré de ce que l'édification de ce mur ne méconnaît pas la servitude de passage prévue par l'article L. 121-31 du code de l'urbanisme est sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige.

9. Il résulte de ce qui précède que la SCI Polina n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande de la commune de Saint-Raphaël, intervenante en défense, sur ce fondement.

Sur l'amende pour recours abusif :

12. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ".

13. La requête de la SCI Polina, qui a poursuivi des travaux qui avaient à l'évidence le caractère de clôture en dépit d'un arrêté de mise en demeure du maire de Saint-Raphaël, présente un caractère abusif au sens de l'article R. 741-12 du code de justice administrative. Il y a ainsi lieu de la condamner à payer une amende de 5 000 euros.

D É C I D E

Article 1er : L'intervention de la commune de Saint-Raphaël est admise.

Article 2 : La requête de la SCI Polina est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Raphaël sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La SCI Polina est condamnée à une amende de 5 000 euros, en application de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Polina, au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, à la commune de Saint Raphaël et au directeur départemental des finances publiques du Var.

Copie en sera adressée au préfet du Var et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Draguignan.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- Mme Courbon, présidente-assesseure,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 février 2025.

2

N° 24MA00339


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00339
Date de la décision : 13/02/2025

Analyses

68-03-05-02 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Contrôle des travaux. - Interruption des travaux.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : BAUDINO

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-13;24ma00339 ?
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