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13/02/2025 | FRANCE | N°23MA01711

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 3ème chambre, 13 février 2025, 23MA01711


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2016 et 2017.



Par un jugement n° 2100404 du 4 mai 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistr

e le 4 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Planchat, demande à la Cour :



1°) d'annuler le jugement n° 210040...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2016 et 2017.

Par un jugement n° 2100404 du 4 mai 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Planchat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100404 du 4 mai 2023 du tribunal administratif de Toulon ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;

- l'administration a manqué à son devoir de loyauté ;

- le principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques doit lui permettre d'opter pour le régime réel d'imposition ;

- la majoration prévue à l'article 1758 A du code général des impôts méconnaît l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 8 et 9 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- l'administration ne démontre pas l'existence d'un élément intentionnel.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.

Par un mémoire distinct, enregistré le 5 juillet 2023, M. B... a demandé à la Cour, à l'appui de sa requête, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 4. de l'article 50-0 du code général des impôts.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 août 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a demandé à la Cour de ne pas faire droit à la transmission demandée.

Par une ordonnance du 27 septembre 2023, la présidente de la 3ème chambre de la Cour administrative d'appel de Marseille a rejeté la demande de transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance du 28 août 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 septembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Platillero,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B..., propriétaires de biens immobiliers à Sainte Maxime, qu'ils donnent en location, ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces, à l'issue duquel une proposition de rectification du 29 octobre 2019 leur a été notifiée. Au terme de la procédure, ils ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2016 et 2017, assorties des intérêts de retard et de la majoration de 10 % prévue à l'article 1758 A du code général des impôts. M. B... relève appel du jugement du 4 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et majorations, de ces impositions.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

3. La proposition de rectification du 29 octobre 2019 adressée à M. B... comporte la désignation des impôts concernés ainsi que des années et des bases d'imposition. Elle énonce les motifs de droit et de fait sur lesquels l'administration s'est fondée pour justifier les rectifications envisagées, tirés de ce que les produits de la location de trois biens situés à Sainte-Maxime déclarés dans la catégorie des revenus fonciers étaient imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux suivant le régime prévu à l'article 50-0 du code général des impôts, s'agissant de locations meublées. Aucune disposition ni aucun principe ne faisait obligation à l'administration de rappeler à M. B... qu'il aurait eu la faculté d'opter pour un régime réel d'imposition, alors qu'au demeurant, à la date de la proposition de rectification, cette possibilité ne lui était plus ouverte. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la proposition de rectification serait insuffisamment motivée, faute d'indiquer qu'il pouvait opter pour un régime réel d'imposition, ainsi que le prévoit le 4. de l'article 50-0 du code général des impôts, et que l'administration, qui ne l'a pas induit en erreur sur l'étendue de ses obligations, aurait méconnu son devoir de loyauté.

Sur le bien-fondé des impositions :

4. Aux termes du 4. de l'article 50-0 du code général des impôts : " Les entreprises placées dans le champ d'application du présent article (...) peuvent opter pour un régime réel d'imposition. Cette option doit être exercée avant le 1er février de la première année au titre de laquelle le contribuable souhaite bénéficier de ce régime. Toutefois, les entreprises soumises de plein droit à un régime réel d'imposition l'année précédant celle au titre de laquelle elles sont placées dans le champ d'application du présent article exercent leur option l'année suivante, avant le 1er février. Cette dernière option est valable pour l'année précédant celle au cours de laquelle elle est exercée. En cas de création, l'option peut être exercée sur la déclaration visée au 1° du I de l'article 286 (...) ".

5. Les dispositions qui instituent un régime fiscal optionnel et prévoient que le bénéfice de ce régime doit être demandé dans un délai déterminé n'ont, en principe, pas pour effet d'interdire au contribuable qui a omis d'opter dans ce délai de régulariser sa situation dans le délai de réclamation prévu à l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales. Il en va autrement si la loi a prévu que l'absence d'option dans le délai qu'elle prévoit entraîne la déchéance de la faculté d'exercer l'option ou lorsque la mise en œuvre de cette option implique nécessairement qu'elle soit exercée dans un délai déterminé. Si, en application des dispositions de l'article 50-0 du code général des impôts, les entreprises dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas les seuils qu'elles fixent relèvent en principe du régime fiscal et comptable des micro-entreprises, ce même article leur offre la faculté d'opter pour le régime réel d'imposition. Cette option qui, une fois souscrite, est valable de façon irrévocable pour une durée de deux ans, ramenée à un an concernant les options exercées ou reconduites tacitement à compter du 1er janvier 2016, doit être exercée par une entreprise suffisamment tôt au cours de la première année au titre de laquelle elle souhaite en bénéficier pour qu'elle soit en mesure de se conformer aux règles comptables, déclaratives et fiscales qu'elle implique, ce qui fait obstacle à ce que l'option puisse être souscrite au-delà de la date du 1er février fixée par la loi.

6. Il résulte de ce qui précède que M. B..., qui relève du régime prévu à l'article 50-0 du code général des impôts compte-tenu du chiffre d'affaires réalisé et qui n'a demandé le bénéfice du régime réel d'imposition au titre des années en litige que dans le cadre des observations du contribuable du 20 décembre 2019, postérieurement au délai prévu au 4. de cet article, ne peut bénéficier de l'option en faveur du régime réel et que les impositions ne manquent ainsi pas de base légale. A cet égard, la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, du 4. de l'article 50-0 du code général des impôts n'ayant pas été transmise par une ordonnance du 27 septembre 2023, M. B... ne peut utilement contester hors de cette procédure la constitutionnalité des dispositions en cause.

Sur les pénalités :

7. Aux termes de l'article 1758 A du code général des impôts : " I. Le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits mis à la charge du contribuable ou de la créance indue (...) ".

8. D'une part, les dispositions de l'article 1758 A du code général des impôts instituent une pénalité, exclusive de toute appréciation de la bonne foi ou des manquements délibérés du contribuable ou de l'existence de manœuvres frauduleuses, qui est nécessaire au bon fonctionnement d'un système fiscal déclaratif et qui est proportionnée au montant des sommes sur lesquelles porte l'infraction qu'elle vise à réprimer. Elles ne font pas peser la charge de la preuve sur le contribuable dès lors qu'il incombe à l'administration d'établir l'existence de l'obligation déclarative pesant sur le contribuable ainsi que les inexactitudes ou les omissions entachant les déclarations qu'il a souscrites. En outre, les absences, omissions et insuffisances de déclaration peuvent, sous certaines conditions, être réparées, rendant ainsi inapplicable la majoration de 10 %. Celle-ci, en toute hypothèse, ne peut intervenir qu'à l'issue d'une procédure contradictoire dans le cadre de laquelle le contribuable peut faire valoir tout élément en sa faveur. Dans ces conditions, ces dispositions ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. D'autre part, M. B..., qui n'a pas saisi la Cour d'une question prioritaire de constitutionnalité dans les formes et conditions prévues par les dispositions de l'article R. 771-3 du code de justice administrative, n'est pas recevable à soutenir que l'article 1758 A du code général des impôts méconnaîtrait les principes constitutionnels découlant des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation de ce jugement et de décharge, en droits et majorations, des impositions en litige doivent dès lors être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais qu'il a exposés.

D E C I D E :

Article 1 : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 février 2025.

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N° 23MA01711


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01711
Date de la décision : 13/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement) - Proposition de rectification (ou notification de redressement) - Motivation.

Procédure.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : SCP NATAF & PLANCHAT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-13;23ma01711 ?
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