Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 31 août 2021 par laquelle le directeur général de l'office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge une somme de 15 000 euros au titre des contributions spéciale et forfaitaire respectivement prévues par les articles L. 8253-1 du code du travail et L. 822-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble la décision du 25 novembre 2021 portant rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n° 2200636 du 18 janvier 2024, le tribunal administratif de Marseille a annulé les décisions des 31 août et 25 novembre 2021 et mis à la charge de l'office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 5 mars 2024, l'office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me de Froment, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 janvier 2024 ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. B... ;
3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les services de police ont constaté que M. A... était en situation de travail en utilisant le compte Uber Eats de M. B... ; leur procès-verbal fait foi jusqu'à preuve du contraire ; dès lors que M. B... dispose d'un pouvoir de direction sur ce compte, il ne saurait dénier sa qualité d'employeur.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 et 31 mai 2024, M. C... B..., représenté par Me Dinparast, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'office français de l'immigration et de l'intégration au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poullain,
- et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'office français de l'immigration et de l'intégration relève appel du jugement du tribunal administratif ayant annulé la décision de son directeur général du 31 août 2021 mettant à la charge de M. B... une somme de 15 000 euros au titre des contributions spéciale et forfaitaire respectivement prévues par les articles L. 8253-1 du code du travail et L. 822-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble la décision du 25 novembre 2021 portant rejet de son recours gracieux.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code, dans sa version applicable : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. (...) ". Aux termes de l'article L. 822-2 du même code alors applicable : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui a occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquitte une contribution forfaitaire représentative des frais d'éloignement du territoire français de cet étranger ".
3. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision telle celle en litige, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard des dispositions citées ci-dessus. Pour leur application, il appartient à l'autorité administrative de relever, sous le contrôle du juge, les indices objectifs de subordination permettant d'établir la nature salariale des liens contractuels existant entre un employeur et le travailleur qu'il emploie.
4. En l'espèce, M. A..., ressortissant libanais en situation irrégulière sur le territoire, a été interpellé par les services de police, le 12 novembre 2020, alors qu'il effectuait, à l'aide de son scooter, des livraisons proposées par la société Uber Eats à M. B..., dont il utilisait le compte ouvert auprès de cette société. Si ce dernier soutient qu'il aurait prêté son compte seulement afin de rendre service, qu'il aurait payé les cotisations sociales afférentes à ces prestations, et reversé à l'intéressé tout l'argent des livraisons effectuées qu'il percevait par virement hebdomadaire de la société Uber Eats, il ressort du procès-verbal d'audition de M. A... que celui-ci a indiqué travailler pour le compte d'un certain Zakaria qui le payait en espèces, entre 20 et 25 euros la soirée. Alors que le dernier virement reçu sur le compte de M. B... de la part de la société Uber Eats, le 16 novembre 2020, s'élevait à 281 euros pour 5 soirs de travail, représentant un montant moyen de 56 euros, le requérant ne justifie pas avoir reversé cette somme, même pour partie, à M. A.... Il ne saurait sérieusement contester, dans ces circonstances, qu'il tirait un revenu du travail accompli par M. A... en utilisant son compte. Dès lors, eu égard à la situation de dépendance dans laquelle se trouvait ce ressortissant étranger en situation irrégulière à l'égard de M. B..., la matérialité de son emploi est établie, quand bien même il aurait conservé une certaine liberté dans le choix des courses à effectuer et utilisé son propre matériel.
5. Aucune autorité de chose jugée ne s'attache aux motifs d'un jugement pénal prononçant une relaxe, tirés de que les faits reprochés ne sont pas établis. Dès lors, M. B... ne saurait se prévaloir de la circonstance qu'il a, pour de tels motifs, été relaxé des infractions pénales qui lui étaient à cet égard reprochées par un jugement du tribunal judiciaire de Marseille du 20 octobre 2021.
6. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce que la situation d'emploi n'était pas établie pour annuler les décisions en litige.
7. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif.
8. En premier lieu, l'exercice d'un recours gracieux n'ayant d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position, les vices propres dont serait entachée une décision de rejet d'un recours gracieux sont inopérants. Il s'en suit que le moyen tiré de ce que la décision du 25 novembre 2021, portant rejet du recours gracieux formé par M. B..., serait insuffisamment motivée ou dénaturerait certains faits doit être écarté. La décision du 31 août 2021 comporte quant à elle l'énoncé des considérations de droit et de faits, propres à la situation de M. B..., sur lesquelles elle est fondée, en renvoyant principalement au procès-verbal de police établi le 12 novembre 2020.
9. En deuxième lieu, si M. B... indique qu'il ne soupçonnait pas l'irrégularité de la situation de M. A... dès lors que ce dernier lui avait présenté le récépissé d'une plainte qu'il avait déposée, il n'allègue pas avoir effectué la moindre vérification à cet égard avant de le faire travailler. Dans ces circonstances, et alors qu'aucun élément intentionnel n'est nécessaire à la caractérisation du manquement, c'est sans erreur de droit ou d'appréciation que le directeur général de l'office français de l'immigration et de l'intégration a décidé de faire application des dispositions des articles L. 8253-1 du code du travail et L. 822-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. En troisième lieu, au regard de la nature et de la gravité des agissements sanctionnés comme de l'exigence de répression effective des infractions, les circonstances que M. B... n'en aurait retiré qu'un revenu limité et qu'il serait par ailleurs un étudiant sérieux doté de faibles revenus ne sont pas d'une particularité telle qu'elles nécessiteraient qu'il soit, à titre exceptionnel, dispensé des contributions en litige.
11. Il résulte de tout ce qui précède que l'office français de l'immigration et de l'intégration est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé les décisions des 31 août et 25 novembre 2021.
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'office français de l'immigration et de l'intégration qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions au bénéfice de l'office.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 janvier 2024 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'office français de l'immigration et de l'intégration et à M. C... B....
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 février 2025.
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N° 24MA00531
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