Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 22 août 2022 par laquelle la présidente-directrice générale de l'Institut de recherche pour le développement a prononcé son licenciement et, d'autre part, de mettre à la charge de cet institut une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2208830 du 2 avril 2024, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision de la présidente-directrice générale de l'Institut de recherche pour le développement du 22 août 2022 et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, avant de rejeter les conclusions présentées sur ce même fondement par cet institut.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mai et 23 septembre 2024, l'Institut de recherche pour le développement, représenté par Me Journault, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 avril 2024 et de rejeter la demande de première instance présentée par M. B... ;
2°) de mettre à la charge de M. B... une somme 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.
Il soutient que :
- il faisait valoir devant le tribunal administratif de Marseille que les moyens soulevés par M. B..., qui critiquent son refus de le repositionner sur un poste qu'il considère comme de nature à lui permettre un reclassement, sont inopérants puisque ces moyens ne remettent pas en cause la réalité de la suppression de l'emploi pour lequel ce dernier avait été recruté, qui est le motif du licenciement ; le tribunal n'a pas répondu à ce moyen ;
- le tribunal administratif de Marseille a commis une erreur d'appréciation et de qualification juridique des faits dès lors que, au jour du licenciement, les conditions posées par l'article 45-3 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 étaient réunies et le licenciement est donc justifié ;
- le détournement de pouvoir allégué n'existe pas ;
- à titre subsidiaire, et si, par extraordinaire, la Cour devait considérer qu'à la date de son licenciement, M. B... était affecté sur des fonctions de responsable ou de directeur éditorial et stratégie de contenus, il sera fait droit à sa demande de substitution de motif qui tient à ce qu'il est établi par les pièces produites, qu'en l'absence de besoin permanent, ce poste a été supprimé avant même d'avoir été officiellement créé ; le moyen tiré de l'absence de consultation de la commission administrative partiaire manque en fait.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 juillet et 21 octobre 2024, M. B..., représenté par Me Ferchichi, conclut, dans le dernier état de ses écritures, d'une part, au rejet de la requête, d'autre part, à ce que le jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 avril 2024 soit annulé en tant qu'il a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à ce que cette somme soit mise à la charge de l'Institut de recherche pour le développement et, enfin, et à ce qu'une somme de 2 400 euros soit mise à la charge de cet institut au titre de ce même article, pour les frais liés au litige d'appel.
Il fait valoir que :
- le tribunal administratif a répondu au moyen tiré de l'inopérance des moyens que l'Institut de recherche pour le développement avait soulevé devant lui ;
- la décision de licenciement contestée est entachée d'une erreur d'appréciation et d'un détournement de pouvoir ;
- il n'y a pas lieu de faire droit à la substitution de motifs sollicitée par l'Institut de recherche pour le développement qui n'est pas fondée et qui aurait au surplus pour effet de le priver de la garantie attachée à la consultation de la commission administrative paritaire, laquelle n'a pas été saisie des circonstances fondant ce motif ;
- alors que le jugement attaqué condamne l'Etat à lui régler une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et qu'il a en vain tenté d'obtenir l'exécution de cette condamnation auprès de l'Institut de recherche pour le développement, il est recevable et fondé à solliciter, par la voie de l'appel incident, la réformation de ce jugement sur ce point et, par suite, la condamnation de cet institut à lui verser cette somme.
Un courrier du 9 septembre 2024 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.
Par une ordonnance du 13 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lombart,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- les observations de Me Journault, représentant l'Institut de recherche pour le développement,
- et les observations tant de Me Ferchichi, représentant M. B..., que de ce dernier.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a été recruté par l'Institut de recherche pour le développement, par un contrat à durée déterminée, en qualité de rédacteur en chef de la revue " Sciences au Sud ", poste relevant de la catégorie A, à compter du 1er mars 2008 et jusqu'au 28 février 2011. Ce contrat à durée déterminée a été prolongé jusqu'au 28 février 2014, avant d'être transformé, en contrat à durée indéterminée, à compter du 1er mars 2014. Mais, par une décision du 22 août 2022, la présidente-directrice générale de cet institut a prononcé le licenciement de M. B.... Par le jugement du 2 avril 2024, le tribunal administratif de Marseille a, à la demande de ce dernier, annulé cette décision et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. L'Institut de recherche pour le développement relève appel de ce jugement tandis que, par la voie de l'appel incident, M. B... sollicite de la Cour l'annulation de l'article 2 de cette décision juridictionnelle par lequel le tribunal administratif de Marseille a mis à la charge de l'Etat cette somme de 1 500 euros.
Sur l'appel principal de l'Institut de recherche pour le développement :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
2. L'Institut de recherche pour le développement soutient que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen de défense qu'il avait invoqué en première instance, tiré de ce que les moyens alors soulevés par M. B... étaient inopérants dès lors que ce dernier critiquait le refus de sa présidente-directrice générale de le repositionner sur un poste qu'il considérait comme de nature à lui permettre un reclassement, sans remettre en cause la réalité de la suppression de l'emploi pour lequel il avait été recruté. Toutefois, au regard du sens des écritures de M. B..., ce moyen de défense était inopérant. En effet, ce dernier soutenait devant les premiers juges, et soutient toujours devant la Cour, que si l'emploi sur lequel il avait été initialement recruté en 2008, soit celui de rédacteur en chef de la revue " Sciences au Sud ", a été supprimé en 2016, année au cours de laquelle cette publication a cessé de paraître, il occupait depuis lors de nouvelles fonctions au sein de l'Institut de recherche pour le développement, celles de directeur éditorial et stratégie de contenus. Il suit de là que l'appelant n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier pour défaut de réponse expresse à un tel moyen de défense.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article 45-3 du décret susvisé du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat : " Sans préjudice des dispositions relatives au licenciement pour faute disciplinaire, pour insuffisance professionnelle ou pour inaptitude physique, le licenciement d'un agent contractuel recruté pour répondre à un besoin permanent doit être justifié par l'un des motifs suivants : / (...) 1° La suppression du besoin ou de l'emploi qui a justifié le recrutement de l'agent ; / 2° La transformation du besoin ou de l'emploi qui a justifié le recrutement, lorsque l'adaptation de l'agent au nouveau besoin n'est pas possible ; / 3° Le recrutement d'un fonctionnaire lorsqu'il s'agit de pourvoir un emploi soumis à la règle énoncée à l' article L. 311-1 du code général de la fonction publique ; / 4° Le refus par l'agent d'une modification d'un élément substantiel du contrat proposée dans les conditions prévus à l'article 45-4 ; / 5° L'impossibilité de réemploi de l'agent, dans les conditions prévues à l'article 32, à l'issue d'un congé sans rémunération ; / 6° L'incompatibilité du comportement de l'agent occupant un emploi participant à des missions de souveraineté de l'Etat ou relevant de la sécurité ou de la défense, avec l'exercice de ses fonctions, dans les conditions prévues au IV de l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure et aux articles 45-6 et 45-7 du présent décret. ".
4. En premier lieu, il ressort des motifs de la décision contestée de la présidente-directrice générale de l'Institut de recherche pour le développement du 22 août 2022 que le licenciement de M. B... qu'elle prononce est fondé sur le motif selon lequel " le besoin ayant justifié [son] recrutement (...) en tant que Rédacteur en chef de la revue "Sciences au Sud" a été supprimé ". Il ressort toutefois des pièces du dossier que cette revue a disparu consécutivement à une réorganisation du service initiée en 2015, les dernières publications étant intervenues en 2016, pour le format papier, et en 2017, pour la version numérique. Par conséquent, la présidente-directrice générale de l'Institut de recherche pour le développement ne pouvait légalement, cinq années au moins après cette suppression, se prévaloir des dispositions précitées du 1° de l'article 45-3 du décret du 17 janvier 1986, pour prononcer le licenciement de M. B... dont il est au surplus constant qu'il a continué d'occuper un poste au sein de cet institut jusqu'à ce licenciement.
5. En second lieu, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
6. Pour établir que la décision contestée était légale, l'Institut de recherche pour le développement invoque, pour la première fois devant la Cour, un autre motif, tiré de ce que, à supposer que M. B... ait été affecté, à la date de son licenciement, sur des fonctions de responsable, voire même de directeur, éditorial et stratégie de contenus, en l'absence de besoin permanent, ce poste a été supprimé avant même d'avoir été officiellement créé. Il ne saurait toutefois être fait droit à une telle demande de substitution dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que, quel que soit l'intitulé exact du poste confié à M. B..., ce dernier a continué à occuper des fonctions, au sein de l'Institut de recherche pour le développement, de 2016 à 2022, et que l'appelant ne justifie ni que ces fonctions ne correspondaient pas à un emploi budgétaire, ni de la suppression qu'il allègue.
7. Il résulte de ce qui précède que l'Institut de recherche pour le développement n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision de sa présidente-directrice générale du 22 août 2022 prononçant le licenciement de M. B....
En ce qui concerne l'appel incident de M. B... et la dévolution des frais liés au litige de première instance :
8. En revanche, M. B... est fondé à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que les premiers juges ont mis, à l'article 2 de leur jugement attaqué, à la charge l'Etat, qui n'était pas partie à l'instance, une somme de 1 500 euros au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a dès lors lieu, pour la Cour, d'annuler cet article 2 et, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, de mettre cette somme à la charge de l'Institut de recherche pour le développement, partie perdante devant les premiers juges.
Sur les dépens :
9. La présente instance n'a pas donné lieu à dépens au sens des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions de l'Institut de recherche pour le développement tendant à ce que les entiers dépens soient mis à la charge de M. B... ne peuvent donc qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige d'appel :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'Institut de recherche pour le développement sollicite au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'appelant le versement à l'intimé d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l'Institut de recherche pour le développement est rejetée.
Article 2 : L'article 2 du jugement n° 2208830 du tribunal administratif de Marseille du 2 avril 2024 est annulé.
Article 3 : L'Institut de recherche pour le développement versera à M. B..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros, pour les frais liés au litige de première instance, et une somme de 2 000 euros, pour les frais liés au litige d'appel.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Institut de recherche pour le développement et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2025, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2025.
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No 24MA01341
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