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04/02/2025 | FRANCE | N°24MA00303

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 04 février 2025, 24MA00303


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 21 mai 2021 par lequel le maire de Gardanne a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quinze jours et, d'autre part, de mettre à la charge de la commune de Gardanne une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2106422 du 14 décembre

2023, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté du maire de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 21 mai 2021 par lequel le maire de Gardanne a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quinze jours et, d'autre part, de mettre à la charge de la commune de Gardanne une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2106422 du 14 décembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté du maire de Gardanne du 21 mai 2021 et mis à la charge de cette commune une somme de 1 500 euros à verser à Mme A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 février 2024, la commune de Gardanne, représentée par la SELARL Borel et Del Prete, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 14 décembre 2023 et de rejeter la demande de première instance présentée par Mme A... ;

2°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Marseille, l'arrêté contesté de son maire est motivé et Mme A... a eu connaissance des griefs qui lui étaient reprochés ;

- les faits reprochés à Mme A... sont établis et non contestés par cette dernière ;

- ces faits, qui ont nui au bon fonctionnement de ses services, sont suffisamment graves au regard du niveau de responsabilité et des compétences de Mme A..., pour écarter la qualification d'insuffisance professionnelle retenue à tort par les premiers juges ;

- la sanction infligée à Mme A... est proportionnée à ces faits.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2024, Mme A..., représentée par Me Ladouari, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la commune de Gardanne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête de la commune de Gardanne est identique à son mémoire en défense produit devant le tribunal administratif de Marseille : cette commune s'abstient de critiquer le jugement attaqué ; cette requête doit donc être rejetée par adoption des motifs de ce jugement ;

- ainsi que l'a retenu le tribunal administratif de Marseille, la motivation de l'arrêté litigieux est insuffisante ;

- le tribunal administratif de Marseille a retenu, à bon droit, que les manquements relèvent d'une insuffisance professionnelle, et non pas de faits fautifs susceptibles de revêtir une qualification professionnelle ;

- la commune de Gardanne n'est pas fondée à soutenir que la sanction infligée était proportionnée.

Un courrier du 20 septembre 2024 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.

Par une ordonnance du 25 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Une pièce, présentée, pour la commune de Gardanne, par la SELARL Borel et Del Prete, a été enregistrée le 2 décembre 2024, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiquée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lombart,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- et les observations de Me Baillargeon, substituant Me Del Prete, représentant la commune de Gardanne, et celles de Me Extremet, substituant Me Ladouari, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Attachée territoriale, Mme A... était affectée au sein des services de la commune de Gardanne en qualité de responsable du service de la commande publique lorsque, par un arrêté du 21 mai 2021, le maire de Gardanne lui a infligé la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pendant une durée de quinze jours. Par la présente requête, la commune de Gardanne relève appel du jugement du 14 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a, à la demande de Mme A..., annulé cet arrêté.

Sur les moyens d'annulation retenus par les premiers juges :

En ce qui concerne l'insuffisante motivation de l'arrêté contesté :

2. Aux termes de l'article 19 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination. / (...) / Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. / L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés. "

3. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques (...) ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 2° Infligent une sanction (...) ". Selon l'article L. 211-5 du même code : " La motivation (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

4. Ces dispositions imposent à l'autorité qui prononce une sanction disciplinaire de préciser elle-même, dans sa décision, les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre de l'agent concerné, de telle sorte que ce dernier puisse, à la seule lecture de cette décision, connaître les motifs de la sanction qui le frappe.

5. Au cas particulier, il ressort de l'arrêté contesté du 21 mai 2021 que, pour prononcer à son encontre la sanction litigieuse, le maire de Gardanne s'est borné à reprocher à Mme A... " d'avoir commis dans l'exercice de ses fonctions, des erreurs et des manquements professionnels nuisant au bon fonctionnement des services de la commune de Gardanne " et d'avoir " manqué à son obligation de bonne administration de son service ", sans exposer les griefs retenus à l'endroit de l'intéressée de manière suffisamment précise pour la mettre à même, à la seule lecture de cet acte, de connaître les motifs de cette sanction. Cet arrêté, auquel n'était annexé aucun document, ne mentionne d'ailleurs ni la date de commission, ni les circonstances des manquements reprochés. La commune de Gardanne ne saurait utilement soutenir, à cet égard, que le rapport de saisine du conseil de discipline a été lu par la présidente de cet organe lors de la séance qui s'est tenue le 13 avril 2021, ni que son maire a entendu reprendre l'avis émis à cette occasion en le visant dans son arrêté litigieux, d'autant que, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, si le conseil de discipline a retenu, dans le procès-verbal dressé, " un seul grief ", il n'a pas précisé lequel et se borne à rappeler les faits sans les qualifier. Il s'ensuit que le maire de Gardanne n'a pas, contrairement à ce que la commune appelante soutient, satisfait à l'obligation de motivation imposée par les dispositions citées ci-dessus aux points 2 et 3 du présent arrêt.

En ce qui concerne l'erreur dans la qualification juridique des faits :

6. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier des écritures de la commune de Gardanne, que son maire a entendu sanctionner Mme A... pour des " faits liés au dysfonctionnement d[u] service de la commande publique " dont cette dernière était la responsable et qui auraient été confirmés, selon lui, par un audit réalisé, à sa demande, suite à son élection à la suite des élections municipales de 2020, par un cabinet privé. Or, comme l'ont rappelé les premiers juges, il est indiqué, dans le rapport issu de cet audit, que les services de la commune appelante connaissaient des dysfonctionnements dans l'application de la règlementation relative à la passation des marchés publics, procédant à des achats directs en dehors de toute procédure, qu'ils étaient insuffisamment formés aux règles de la commande publique, qu'ils ne tenaient notamment pas compte du nouveau seuil relevé à 40 000 euros hors taxes entré en vigueur en 2019 au-delà duquel la procédure de publicité et de mise en concurrence préalable s'imposait, que le guide des procédures internes n'était pas actualisé et qu'aucune programmation, ni recensement des besoins d'achats n'avait été réalisés. S'il apparaît ainsi qu'en sa qualité de chef du service de la commande publique, Mme A... pourrait avoir participé à ces dysfonctionnements, en l'absence de production au dossier, y compris devant la Cour, de toutes pièces, démontrant une mauvaise volonté délibérée ou d'abstention volontaire de sa part, les manquements qui pourraient lui être personnellement imputés, et qui, ainsi qu'il a été rappelé plus haut, ne sont pas précisément identifiés par le maire, faute d'une motivation suffisante de son arrêté, relèveraient en l'état d'une insuffisance professionnelle, laquelle est insusceptible de justifier l'infliction d'une sanction disciplinaire. Il suit de là que, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Marseille, Mme A... est fondée à soutenir que le maire a commis une erreur dans la qualification de faute disciplinaire des faits reprochés.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Gardanne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté de son maire du 21 mai 2021.

Sur les frais liés au litige :

8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "

9. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A..., laquelle n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme quelconque à la commune de Gardanne au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

10. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune intimée le versement d'une somme de 2 000 euros à Mme A... sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Gardanne est rejetée.

Article 2 : La commune de Gardanne versera à Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Gardanne et à Mme B... A....

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2025, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2025.

2

No 24MA00303


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00303
Date de la décision : 04/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-03-02 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Motifs. - Faits n'étant pas de nature à justifier une sanction.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : SCP BOREL & DEL PRETE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-04;24ma00303 ?
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