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04/02/2025 | FRANCE | N°24MA00221

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 04 février 2025, 24MA00221


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2020 par lequel la directrice générale des douanes et des droits indirects lui a infligé la sanction disciplinaire de déplacement d'office et l'a affecté, en conséquence, à la résidence Fos / Port-de-Bouc, à compter du 15 janvier 2021, et, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du

code de justice administrative.



Par un jugement n° 2010211 du 1er décembre 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2020 par lequel la directrice générale des douanes et des droits indirects lui a infligé la sanction disciplinaire de déplacement d'office et l'a affecté, en conséquence, à la résidence Fos / Port-de-Bouc, à compter du 15 janvier 2021, et, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2010211 du 1er décembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 1er février et 12 novembre 2024, et le 9 janvier 2025, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. A..., représenté par Mes Silleres et Rosier, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 1er décembre 2023 ;

2°) d'annuler cet arrêté de la directrice générale des douanes et des droits indirects du 16 décembre 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'enquête administrative dont il a fait l'objet n'a pas été menée dans des conditions impartiales, et les pièces et documents sur lesquels la sanction de déplacement d'office litigieuse est fondée ont été obtenus en méconnaissance de l'obligation de loyauté à laquelle l'administration est tenue ; ce moyen, qui se rapporte à l'illégalité interne de l'arrêté contesté, est, contrairement à ce que fait valoir en défense le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, recevable ;

- la matérialité des faits qui lui sont reprochés, et en particulier celle des faits de harcèlement moral, n'est pas établie ;

- la sanction de déplacement d'office qui lui a été infligée est disproportionnée ;

- cette sanction a porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- si M. A... dénonce le " caractère partial de l'enquête administrative et [le] caractère déloyal du comportement de l'administration à [son] égard ", ce moyen d'illégalité externe ne pourra prospérer dès lors qu'il s'agit d'un moyen reposant sur une cause juridique distincte, exposé pour la première fois devant le juge d'appel ; en tout état de cause, ce moyen est dénué de fondement ;

- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 27 décembre 2024, l'instruction, close le 16 décembre 2024 conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, dans le cadre du calendrier prévisionnel dont les parties avaient été informées le 20 septembre 2024, a été rouverte suite à la communication d'une pièce, le 26 décembre 2024, par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et une nouvelle clôture a été fixée le 14 janvier 2025, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lombart,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- et les observations de Me Micaleff, substituant Mes Silleres et Rosier, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Contrôleur principal des douanes et droits indirects, M. A... était affecté, depuis le 2 janvier 2017, à l'antenne du bureau des douanes et droits indirects de Montpellier, laquelle est située au sein de l'aéroport de cette commune. Mais, par un arrêté du 16 décembre 2020, la directrice générale des douanes et des droits indirects lui a infligé la sanction disciplinaire de déplacement d'office et l'a, en conséquence, affecté à la résidence de Fos / Port-de-Bouc, à compter du 15 janvier 2021. M. A... relève appel du jugement du 1er décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant principalement à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué et la légalité de l'arrêté de la directrice générale des douanes et des droits indirects du 16 décembre 2020 :

En ce qui concerne la déloyauté des preuves et la partialité de l'enquête :

2. En l'absence de disposition législative contraire, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen. Toutefois, tout employeur public est tenu, vis-à-vis de ses agents, à une obligation de loyauté. Il ne saurait, par suite, fonder une sanction disciplinaire à l'encontre de l'un de ses agents sur des pièces ou documents qu'il a obtenus en méconnaissance de cette obligation, sauf si un intérêt public majeur le justifie. Il appartient au juge administratif, saisi d'une sanction disciplinaire prononcée à l'encontre d'un agent public, d'en apprécier la légalité au regard des seuls pièces ou documents que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire pouvait ainsi retenir.

3. En l'espèce, contrairement à ce que M. A... soutient, il ne ressort pas des pièces du dossier, et, en particulier, des divers rapports rédigés sur la situation litigieuse ou des interrogatoires écrits réalisés dans le cadre de l'enquête, que les supérieurs hiérarchiques de M. A... auraient manifesté une hostilité ou un préjugé défavorable à son encontre, ni qu'ils auraient, dans la conduite de la procédure disciplinaire, manqué à l'impartialité requise ou manifesté une animosité particulière à l'égard de l'appelant, ni davantage que l'enquête diligentée l'aurait été à charge et de manière déloyale. Si des compléments d'enquête ont été sollicités, dont l'un, au demeurant, l'a été par la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline, il ressort des pièces du dossier qu'ils l'ont été pour procéder à toutes constatations utiles à la manifestation de la vérité. Si M. A... soutient que l'enquête a été menée sans rigueur, cette seule circonstance, à la supposer avérée, ce qui ne ressort pas des pièces du dossier, n'est pas de nature à la rendre irrégulière. Le choix de l'enquêteur n'est pas davantage de nature à entacher d'irrégularité la procédure, la circonstance qu'il ait auparavant été chargé d'une enquête précédente relative au même fonctionnaire étant à cet égard sans effet. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, les moyens tirés de la déloyauté dans l'administration de la preuve et du défaut d'impartialité de l'enquête doivent être écartés.

En ce qui concerne les fautes et la proportionnalité de la sanction infligée à M. A... :

4. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

S'agissant de la matérialité des faits reprochés à M. A... et de leur qualification de fautes disciplinaires :

5. Aux termes de l'article 29 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier des interrogatoires écrits concordants tant des agents en poste au sein de l'antenne du bureau des douanes et droits indirects que du chef de ce service, qu'alors même qu'à l'occasion d'entretiens professionnels précédents, conduits en 2009, 2010, 2012, 2013 et 2018, ses supérieurs hiérarchiques l'avaient invité à améliorer son comportement relationnel et à adopter un " comportement apaisé ", M. A... entretenait des relations difficiles avec ses collègues avec lesquels il avait eu des altercations, qu'il tenait régulièrement des propos déplacés et s'énervait facilement. Il ressort en outre des mêmes pièces qu'une agente nouvellement affectée dans le service à compter du 3 septembre 2018 et dont M. A... s'était vu confier la formation s'est plainte que son travail soit régulièrement dénigré par ce dernier, lequel avait adopté à son endroit un comportement autoritaire qu'elle a qualifié de " dominateur ". Le 2 janvier 2019, à son retour de congés annuels, cette agente a demandé à rencontrer le chef du service afin de lui faire part " de son angoisse à l'idée de reprendre le travail dans le même service que Monsieur A... ". Ces comportements inappropriés à l'égard de ses collègues de travail, relevés par la directrice générale des douanes et des droits indirects et dont la matérialité est établie au vu des pièces versées, constituent des manquements de l'appelant à ses obligations professionnelles et présentent le caractère de fautes disciplinaires.

7. En revanche, si la directrice générale des douanes et des droits indirects a également, dans son arrêté contesté du 16 décembre 2020, fait grief à M. A... d'avoir " volontairement fait se lever et s'asseoir, à plusieurs reprises, une déclarante en douane qui était enceinte " et qui " aurait alors quitté le bureau de douane en pleurs ", ces faits, que l'appelant conteste, ne sont rapportés que par l'un de ses collègues de travail avec lequel il est notoire qu'il entretenait des relations conflictuelles et, contrairement à ce qu'indique ladite directrice, dans cet acte, ces faits ne sont pas corroborés par le courriel de l'employeur de cette déclarante, lequel se borne à indiquer qu'" une personne de [son] agence de (...) Montpellier qui ne souhaite pas s'identifier [lui] a fait remonter une altercation verbale concernant le comportement négatif de M. A.... / Cette altercation verbale fait suite à une demande de visa de document Douane (...) pour lequel M. A... n'a pas fait preuve de diplomatie. / Suite à cela, le salarié (...) a souhaité ne plus se déplacer dans vos locaux pour ne plus avoir de contact avec M. A... ". Sans autre élément versé aux débats pour déterminer les causes et circonstances précises de cette " altercation verbale ", aucune faute ne saurait être reprochée à cet égard à l'appelant.

S'agissant de la proportionnalité de la sanction infligée à M. A... :

8. Aux termes de l'article 66 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / Premier groupe : / - l'avertissement ; / - le blâme ; / - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours. / Deuxième groupe : / - la radiation du tableau d'avancement ; / - l'abaissement d'échelon à l'échelon immédiatement inférieur à celui détenu par l'agent ; / - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; / - le déplacement d'office. / Troisième groupe : / - la rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à l'échelon correspondant à un indice égal ou, à défaut, immédiatement inférieur à celui afférent à l'échelon détenu par l'agent ; / - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans. / Quatrième groupe : / - la mise à la retraite d'office ; / - la révocation. (...) ".

9. Les griefs énoncés au point 6 ci-dessus du présent arrêt, dont la matérialité est établie, caractérisent des manquements de M. A... à ses obligations professionnelles qui justifient, notamment eu égard à leurs répercussions sur le fonctionnement du service, que soit infligée à ce dernier, comme l'a d'ailleurs proposé, le 9 septembre 2020, la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline et sans erreur d'appréciation, la sanction disciplinaire de déplacement d'office, la seule absence de précédente sanction disciplinaire ou encore les bonnes évaluations de l'appelant n'étant pas de nature à permettre de regarder cette sanction comme revêtant un caractère disproportionné. Il suit de là que ce moyen doit être écarté.

10. Il résulte de l'instruction que la directrice générale des douanes et des droits indirects aurait infligé la même sanction disciplinaire de déplacement d'office à l'encontre de M. A... en se fondant sur les seuls griefs tenant aux comportements inadaptés de ce dernier à l'égard de ses collègues, et sans retenir le motif non établi, en l'état des pièces du dossier, tenant à son attitude vis-à-vis d'une usagère.

En ce qui concerne le respect du droit à la vie privée et familiale de M. A... :

11. M. A... soutient que cette sanction de déplacement d'office, en ce qu'elle l'affecte à la résidence Fos / Port-de-Bouc, à compter du 15 janvier 2021, porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale. Il indique à cet égard, de nouveau en appel, qu'il est installé à Montpellier, à plus de cent-quinze kilomètres, de son lieu de travail et qu'il doit " quasi " quotidiennement s'occuper de sa mère, octogénaire et malade et handicapée. Toutefois, cette distance n'est pas à elle seule suffisante pour considérer que la sanction litigieuse porterait atteinte à la vie privée et familiale de l'appelant et ce dernier n'établit, ni même n'allègue être la personne la mieux à même de porter à sa mère l'assistance dont elle aurait besoin. Par suite, ce moyen doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

14. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... sollicite au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2025, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2025.

2

No 24MA00221

ot


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00221
Date de la décision : 04/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-03-01 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Motifs. - Faits de nature à justifier une sanction.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS CGCB & ASSOCIES MONTPELLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-04;24ma00221 ?
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