Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Free Mobile a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 17 mai 2023 par laquelle le maire de la commune d'Orgon s'est opposé à sa déclaration préalable portant sur l'installation d'une antenne-relais de radiotéléphonie mobile sur une parcelle cadastrée section CO n° 7.
Par un jugement n° 2306868 du 2 mai 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er juillet et 27 septembre 2024, la société Free Mobile, représentée par Me Martin, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 mai 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté d'opposition à déclaration préalable du 17 mai 2023 ;
3°) d'enjoindre au maire de la commune d'Orgon de lui délivrer un arrêté de non-opposition à déclaration préalable dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a fait droit à la demande de substitution de motif présentée par la commune sur le fondement des articles R. 421-1 et R. 421-9 du code de l'urbanisme, l'emprise du projet étant inférieure à 20 m2 ;
- la décision du 17 mai 2023 méconnaît les dispositions de l'article L.111-4 2° du code de l'urbanisme, l'antenne-relais constituant un équipement d'intérêt collectif pouvant être implanté en dehors des parties urbanisées de la commune ;
- les demandes de substitution de motifs tirées de la méconnaissance des articles R.111-16 et R.111-17 du code de l'urbanisme ne sont pas fondées, l'antenne-relais n'étant pas un bâtiment.
Par un mémoire, en enregistré le 26 août 2024, la commune d'Orgon, représentée par Me Ladouari, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Free Mobile en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;
- c'est à bon droit que le tribunal a fait droit à la demande de substitution de motif tirée de ce que le projet est soumis à permis de construire ;
- elle est fondée à demander une substitution de motifs sur les dispositions des articles R. 111-16 et R.111-17 du code de l'urbanisme.
Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, qui a reçu communication de la requête, n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la cour a désigné Mme Courbon, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement de la 1ère chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Courbon,
- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,
- et les observations de Me Bezol, représentant la commune d'Orgon.
Considérant ce qui suit :
1. La société Free Mobile a déposé une déclaration préalable le 23 mars 2023 en vue de l'installation d'une station relais de téléphonie mobile sur un terrain cadastré section CO n° 7, situé lieudit La Lauzette à Orgon. Par une décision du 17 mai 2023, le maire de la commune d'Orgon s'est opposé à cette déclaration préalable, au motif que le projet est situé en dehors des parties urbanisées de la commune et n'entre pas dans les dérogations prévues par l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme. La société Free Mobile relève appel du jugement du 2 mai 2024 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme : " En l'absence de plan local d'urbanisme, de tout document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions ne peuvent être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune. ". Ces dispositions interdisent en principe, en l'absence de plan local d'urbanisme, de tout document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions implantées " en dehors des parties urbanisées de la commune ", c'est-à-dire des parties du territoire communal qui comportent déjà un nombre et une densité significatifs de constructions. Il en résulte qu'en dehors du cas où elles relèvent des exceptions expressément et limitativement prévues par l'article L. 111-4 du même code, les constructions ne peuvent être autorisées dès lors que leur réalisation a pour effet d'étendre la partie urbanisée de la commune. Aux termes de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme : " Peuvent toutefois être autorisés en dehors des parties urbanisées de la commune : 2° Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole, à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées, à la réalisation d'aires d'accueil ou de terrains de passage des gens du voyage, à la mise en valeur des ressources naturelles et à la réalisation d'opérations d'intérêt national ".
3. Il ressort des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas contesté, que le projet en litige est situé en dehors des parties urbanisées de la commune d'Orgon, soumise au règlement national d'urbanisme. La société Free Mobile, qui s'est engagée à couvrir le territoire national en téléphonie mobile participe ainsi à la réalisation d'une mission reconnue par la loi comme de service public. Eu égard à l'intérêt général qui s'attache à sa réalisation, une antenne-relais de téléphonie mobile doit être regardée comme ayant le caractère d'un équipement collectif au sens des dispositions du 2° de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme, pouvant, sous conditions, être implanté en dehors des parties urbanisées de la commune. Compte tenu de sa localisation, en bordure de parcelle et de la route et à son emprise limitée par rapport à la superficie de 28 927 m2 du terrain d'assiette, l'antenne-relais en litige ne peut être regardée comme étant incompatible avec l'exercice d'une activité agricole sur ce terrain. Par suite, la société Free Mobile est fondée à soutenir qu'en s'opposant à sa déclaration préalable, le maire d'Orgon a fait une inexacte application des dispositions énoncées au point 2.
4. En deuxième lieu, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
5. En première instance, le tribunal administratif a fait droit à la demande de la commune d'Orgon tendant à ce que soit substitué au motif de la décision du 17 mai 2023 celui tiré de ce que le projet aurait dû faire l'objet d'une demande de permis de construire.
6. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de l'urbanisme : " Les constructions nouvelles doivent être précédées de la délivrance d'un permis de construire, à l'exception : / a) Des constructions mentionnées aux articles R. 421-2 à R. 421-8-2 qui sont dispensées de toute formalité au titre du code de l'urbanisme ; / b) Des constructions mentionnées aux articles R. 421-9 à R. 421-12 qui doivent faire l'objet d'une déclaration préalable ". Aux termes de l'article R. 421-9 du même code, dans sa rédaction issue du décret du 10 décembre 2018 relatif à l'extension du régime de la déclaration préalable aux projets d'installation d'antennes-relais de radiotéléphonie mobile et à leurs locaux ou installations techniques au titre du code de l'urbanisme : " En dehors du périmètre des sites patrimoniaux remarquables, des abords des monuments historiques et des sites classés ou en instance de classement, les constructions nouvelles suivantes doivent être précédées d'une déclaration préalable, à l'exception des cas mentionnés à la sous-section 2 ci-dessus : / (...) c) Les constructions répondant aux critères cumulatifs suivants : / - une hauteur au-dessus du sol supérieure à douze mètres ; / - une emprise au sol inférieure ou égale à cinq mètres carrés ; / - une surface de plancher inférieure ou égale à cinq mètres carrés. / Toutefois, ces dispositions ne sont applicables ni aux éoliennes, ni aux ouvrages de production d'électricité à partir de l'énergie solaire installés au sol, ni aux antennes-relais de radiotéléphonie mobile ; (...) / j) Les antennes-relais de radiotéléphonie mobile et leurs systèmes d'accroche, quelle que soit leur hauteur, et les locaux ou installations techniques nécessaires à leur fonctionnement dès lors que ces locaux ou installations techniques ont une surface de plancher et une emprise au sol supérieures à 5 m² et inférieures ou égales à 20 m² ".
7. Pour l'appréciation des seuils applicables aux antennes-relais de téléphonie mobile fixés par l'article R. 412-9 j) du code de l'urbanisme, seules la surface de plancher et l'emprise au sol des locaux et installations techniques doivent être prises en compte, et non l'emprise au sol des pylônes. Il ressort des pièces du dossier de déclaration préalable que le projet litigieux consiste en l'implantation d'un pylône monotube destiné à recevoir des antennes de téléphonie mobile et des installations techniques nécessaires à son fonctionnement et que l'emprise au sol tant du pylône que des installations techniques est limitée à 5,10 m2. Si, comme le relève la commune d'Orgon, la surface de la dalle bétonnée sur laquelle s'implante le projet atteint, selon les mentions figurant dans le dossier de déclaration, 36 m2, la surface de cette dalle, qui ne dépasse pas le niveau du sol, n'a pas à être prise en compte dans le calcul de l'emprise au sol du projet. Par suite, la société Free Mobile est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont fait droit à la demande de substitution de motif présentée par la commune en première instance, tirée de ce que le projet aurait dû faire l'objet d'un permis de construire et non d'une déclaration préalable.
8. Aux termes de l'article R.111-6 du code de l'urbanisme : " Lorsque le bâtiment est édifié en bordure d'une voie publique, la distance comptée horizontalement de tout point de l'immeuble au point le plus proche de l'alignement opposé doit être au moins égale à la différence d'altitude entre ces deux points. Lorsqu'il existe une obligation de construire au retrait de l'alignement, la limite de ce retrait se substitue à l'alignement. Il en sera de même pour les constructions élevées en bordure des voies privées, la largeur effective de la voie privée étant assimilée à la largeur réglementaire des voies publiques. / Toutefois une implantation de la construction à l'alignement ou dans le prolongement des constructions existantes peut être imposée ". Aux termes de l'article R.111-17 du code de l'urbanisme : A moins que le bâtiment à construire ne jouxte la limite parcellaire, la distance comptée horizontalement de tout point de ce bâtiment au point de la limite parcellaire qui en est le plus rapproché doit être au moins égale à la moitié de la différence d'altitude entre ces deux points, sans pouvoir être inférieure à trois mètres ".
9. Une antenne de radiotéléphonie mobile, qui ne constitue pas une construction couverte et close, ne peut être regardée comme un bâtiment au sens des dispositions des articles R.111-16 et R.111-17 du code de l'urbanisme. Par suite, les demandes de substitution de motifs présentées par la commune d'Orgon, fondées sur la méconnaissance, par le projet, de ces dispositions, ne peuvent être accueillies.
10. Il résulte de ce qui précède que la société Free Mobile est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 mai 2023 par laquelle le maire d'Orgon s'est opposé à sa déclaration préalable.
Sur les conclusions à fin d'injonction
11. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ".
12. Lorsque le juge annule un refus d'autorisation ou une opposition à une déclaration après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation ou de prendre une décision de non-opposition. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, qui eu égard aux dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme demeurent applicables à la demande, interdisent de l'accueillir pour un motif que l'administration n'a pas relevé, ou que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle.
13. En l'absence de dispositions ou de circonstances décrites au point précédent y faisant obstacle, le présent arrêt, qui annule la décision du 17 mai 2023, implique nécessairement, eu égard à ses motifs, que le maire de la commune d'Orgon délivre une décision de non-opposition à la déclaration préalable déposée par la société Free Mobile, et ce dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros à la société Free Mobile en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Free Mobile, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la commune d'Orgon au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2306868 du tribunal administratif de Marseille du 2 mai 2024 est annulé.
Article 2 : La décision du 17 mai 2023 par laquelle le maire de la commune d'Orgon s'est opposé, à la déclaration préalable déposée par la société Free Mobile est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au maire d'Orgon de prendre une décision de non-opposition à la déclaration préalable déposée par la société Free Mobile dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à la société Free Mobile une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions présentées par la commune d'Orgon sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Free Mobile, au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation et à la commune d'Orgon.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025, où siégeaient :
- Mme Courbon, présidente,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller,
- Mme Dyèvre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 janvier 2025.
N° 24MA01685 2