Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Les Jardins d'Alysson a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la délibération du 27 juin 2019 par laquelle le conseil municipal de Biot a approuvé la modification n° 6 du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 1906125 du 21 juin 2023, le tribunal administratif de Nice a annulé la délibération du 27 juin 2019 et la décision implicite rejetant le recours gracieux de la société requérante en tant qu'elles suppriment la zone non aedificandi dans le secteur de Saint-Eloi et rejeté le surplus de cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 10 août 2023, La société à responsabilité limitée (SARL) Les Jardins d'Alysson, représentée par Me Borrel, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 21 juin 2023 en tant qu'il n'a annulé que partiellement la délibération et la décision en litige et rejeté le surplus de sa demande ;
2°) d'annuler la délibération du 27 juin 2019 du conseil municipal de Biot en litige et la décision rejetant son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Biot la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal, d'une part, n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance du 2° de l'article L. 153-31 du code de l'urbanisme au motif de la réduction d'un espace boisé classé par l'opération d'aménagement et de programmation (OAP) des Soulières et, d'autre part, s'est abstenu de motiver l'annulation seulement partielle de la délibération en litige ;
- le PLU a été illégalement approuvé par la délibération en litige au terme d'une procédure de modification, alors qu'une procédure de révision s'imposait en application du 2° de l'article L. 153-31 du code de l'urbanisme dès lors que l'opération d'aménagement et de programmation (OAP) des Soulières aboutit à la réduction de l'espace boisé classé situé au nord du chemin des Soulières ;
- la délibération en litige est irrégulière dès lors qu'a été annexé au PLU le projet de zonage du plan de prévention du risque inondation en cours d'élaboration postérieurement à l'enquête publique, alors que cet ajout ne procédait pas de l'enquête publique et a remis en cause l'économie générale de ce document d'urbanisme ; la délibération en litige a été adoptée en méconnaissance des articles L. 151-43 et R. 151-53 du code de l'urbanisme dès lors que ce projet de zonage du plan de prévention du risque inondation ne fait pas partie, selon ces dispositions, des documents pouvant être annexés au PLU ;
- une évaluation des incidences du site Natura 2000 - Dôme de Biot aurait dû être réalisée compte tenu des effets significatifs de la modification du PLU en litige sur ce site, du fait en particulier de la suppression de la zone non aedificandi dans le secteur de Saint Eloi ;
- le vice entachant la délibération en litige retenu par le jugement attaqué, fondé sur le 3° de l'article L. 153-31 du code de l'urbanisme, justifiait son annulation en totalité dès lors qu'elle a été adoptée au terme d'une procédure de modification du plan local d'urbanisme (PLU) alors que s'imposait une procédure de révision qui présente davantage de garanties pour les administrés de la commune, d'autant que ladite délibération aboutit également à la réduction d'un espace boisé classé qui relève également de la procédure de révision, en application du 2° du même article.
La requête a été communiquée à la commune de Biot, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Claudé-Mougel,
- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,
- et les observations de Me Sicoli, représentant la SARL Les Jardins d'Alysson.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 27 juin 2019, le conseil municipal de la commune de Biot a approuvé la modification n° 6 du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune. Par un jugement du 21 juin 2023, le tribunal administratif de Nice a, à la demande de la société à responsabilité limitée (SARL) Les Jardins d'Alysson, annulé cette délibération en tant seulement que la modification du PLU qu'elle a approuvée a supprimé la zone non aedificandi dans le secteur de Saint-Eloi, en annulant également dans cette seule mesure la décision rejetant le recours gracieux de la SARL. Cette dernière relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande tendant à l'annulation de cette délibération dans sa totalité.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, en mentionnant dans le point 17 de son jugement que la délibération en litige est entachée d'une irrégularité tirée de ce que la suppression de la zone non aedificandi dans le secteur de Saint-Eloi ne pouvait intervenir qu'aux termes d'une procédure de révision du PLU de la commune et que, par suite, cette délibération et la décision rejetant le recours gracieux de la SARL Les Jardins d'Alysson devaient être annulées en tant qu'elles suppriment cette zone, le tribunal a, contrairement à ce que soutient ladite société, suffisamment motivé son jugement.
3. En second lieu, il ressort du dossier de première instance que la SARL Les Jardins d'Alysson a soulevé, dans un mémoire enregistré le 26 avril 2023, un moyen tiré de la méconnaissance du 2° de l'article L. 153-31 du code de l'urbanisme au motif que l'opération d'aménagement et de programmation (OAP) des Soulières aboutit à la destruction de l'espace boisé classé situé au nord du chemin des Soulières. Le jugement attaqué ne répond pas à ce moyen et, par suite, est irrégulier.
4. L'omission de réponse à un moyen relevée au point précédent n'affecte la régularité que de la seule partie de ce jugement relative à la méconnaissance du 2° de l'article L. 153-31 du code de l'urbanisme du fait de la création de l'OAP des Soulières par la délibération attaquée, laquelle est divisible du reste du plan local d'urbanisme, et est sans portée sur la légalité du reste de ce document d'urbanisme. Dès lors, il y a lieu de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions à fin d'annulation de cette OAP au soutien desquelles avait été soulevé le moyen demeuré sans réponse et, par l'effet dévolutif de l'appel, sur les conclusions à l'encontre du reste du PLU approuvé par la délibération attaquée.
Sur la légalité de la délibération en tant qu'elle institue l'OAP des Soulières :
5. Aux termes de l'article L. 153-31 du code de l'urbanisme : " I.- Le plan local d'urbanisme est révisé lorsque l'établissement public de coopération intercommunale ou la commune décide : / (...) / 2° (...) de réduire un espace boisé classé, une zone agricole ou une zone naturelle et forestière (...) "
6. Il ressort des pièces du dossier que la délibération en litige institue une OAP dite " des Soulières " consistant en la réalisation de trois unités de logements avec une typologie d'habitat mixte, individuel, intermédiaire et collectif. Si l'unité de logement n° 3, composée de deux bâtiments en R+2, est, selon le document graphique de cette OAP, destinée à s'implanter au nord du chemin des Soulières où se trouve un espace boisé classé, aucun des deux bâtiments n'est prévu pour être implanté sur cet espace, comme le démontre la comparaison entre ce document graphique et la délimitation dans ce secteur de la zone naturelle (N) figurant dans le plan de zonage annexé au PLU, laquelle inclut cet espace. L'OAP des Soulières n'a donc pas pour effet de réduire cet espace boisé classé et le moyen tiré de la méconnaissance du 2° de l'article L. 153-31 du code de l'urbanisme ne peut, dès lors, qu'être écarté.
Sur les autres moyens soulevés et le bien-fondé du jugement :
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 151-43 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme comportent en annexe les servitudes d'utilité publique affectant l'utilisation du sol et figurant sur une liste dressée par décret en Conseil d'Etat. " Aux termes de l'article R. 151-53 de ce code : " Figurent également en annexe au plan local d'urbanisme, s'il y a lieu, les éléments suivants :/ (...) 9° Les dispositions d'un projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles rendues opposables en application de l'article L. 562-2 du code de l'environnement (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 153-37 du même code : " La procédure de modification est engagée à l'initiative du président de l'établissement public de coopération intercommunale ou du maire qui établit le projet de modification. " Aux termes de l'article L. 153-43 dispose : " A l'issue de l'enquête publique, ce projet, éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire ou de la commission d'enquête, est approuvé par délibération de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale ou du conseil municipal. " Il résulte de ces dernières dispositions que le projet de PLU ne peut subir de modifications, entre la date de sa soumission à l'enquête publique et celle de son approbation, qu'à la double condition que ces modifications ne remettent pas en cause l'économie générale du projet et qu'elles procèdent de l'enquête. Doivent être regardées comme procédant de l'enquête les modifications destinées à tenir compte des réserves et recommandations du commissaire ou de la commission d'enquête, des observations du public et des avis émis par les autorités, collectivités et instances consultées et joints au dossier de l'enquête.
8. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'au demeurant de la requête elle-même, que l'annexion du projet de zonage du plan de prévention du risque inondation (en cours de révision) résulte d'une recommandation du commissaire-enquêteur à la suite d'une demande de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), et procède donc, conformément au principe rappelé au point précédent, de l'enquête publique. En outre, si les dispositions des articles L. 151-43 et R. 151-53 du code de l'urbanisme imposent que les servitudes d'utilité publique affectant l'utilisation du sol ainsi que les dispositions d'un projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles rendues opposables par le préfet dans les conditions fixées par l'article L. 562-2 du code de l'environnement soient annexées aux plans locaux d'urbanisme, elles ne proscrivent pas l'annexion d'autres documents qui ne deviennent au demeurant pas, de ce seul fait, opposables. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société appelante, le point 4 de l'article 2 du règlement du PLU litigieux ne rend pas ce projet applicable sur le territoire de la commune, mais uniquement le plan de prévention des risques inondation (PPRI) en vigueur et annexé au PLU. Cependant, il ressort de la comparaison entre ce PPRI en vigueur et ce projet de zonage que ce dernier étend substantiellement les zones de la commune considérées comme exposées à un risque fort d'inondation dans lesquelles les occupations et utilisations des sols sont particulièrement limitées, en ne permettant, pour l'essentiel, que les extensions des constructions existantes. De ce fait, son annexion au PLU est susceptible d'orienter de manière significative les autorités compétentes dans l'instruction des autorisations d'urbanisme. Dans ces conditions, eu égard à la portée des règles applicables en zone rouge dans ce projet de zonage et à leur extension significative à des quartiers entiers, la société appelante est fondée à soutenir que cette annexion a remis en cause l'économie générale du projet du PLU après l'enquête publique et avant son approbation par la délibération en litige.
9. En second lieu, aux termes de l'article L. 414-4 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après " Evaluation des incidences Natura 2000 " :/ 1° Les documents de planification qui, sans autoriser par eux-mêmes la réalisation d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations, sont applicables à leur réalisation (...) "
10. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que les modifications du PLU qu'opère la délibération en litige serait susceptible d'affecter de manière significative le site Natura 2000 - Dôme de Biot, en particulier de par la suppression de la zone non aedificandi dans le secteur de Saint Eloi, distant d'au moins 650 mètres de ce site et qui en est séparé par de nombreux secteurs urbanisés. Au demeurant, cette servitude a été annulée par le jugement attaqué dont il n'a pas été relevé appel et qui est donc devenu définitif sur ce point.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme :
11. Aux termes de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme : " Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre un schéma de cohérence territoriale, un plan local d'urbanisme ou une carte communale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'une illégalité entachant l'élaboration ou la révision de cet acte est susceptible d'être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation et pendant lequel le document d'urbanisme reste applicable (...). / (...) / Si, après avoir écarté les autres moyens, le juge administratif estime que le vice qu'il relève affecte notamment un plan de secteur, le programme d'orientations et d'actions du plan local d'urbanisme ou les dispositions relatives à l'habitat ou aux transports et déplacements des orientations d'aménagement et de programmation, il peut limiter à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce. ".
12. Dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment de la portée limitée de l'annulation résultant de l'illégalité relevée au point 8, il n'y a pas lieu de prononcer un sursis à statuer sur le fondement de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme, mais seulement de limiter à cette illégalité la portée de l'annulation prononcée. Pour ce même motif, et compte tenu du caractère divisible des autres dispositions du PLU de la suppression de la zone non aedificandi dans le secteur de Saint Eloi, la SARL Les Jardins d'Alysson n'est pas fondée à soutenir que le tribunal aurait dû annuler la délibération en litige dans sa totalité.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Les Jardins d'Alysson est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon n'a pas retenu le vice tiré de la méconnaissance de l'article L. 153-43 du code de l'urbanisme du fait de l'annexion au PLU du projet de zonage du plan de prévention du risque inondation et n'a pas annulé, dans cette mesure également, la délibération attaquée.
Sur les frais liés au litige :
14. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la commune de Biot la somme demandée par la SARL Les Jardins d'Alysson sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice est annulé en tant qu'il a omis de se prononcer sur le moyen tiré de la méconnaissance du 2° de l'article L. 153-31 du code de l'urbanisme au motif de la réduction d'un espace boisé classé par l'opération d'aménagement et de programmation (OAP) des Soulières instituée par la délibération du 27 juin 2019.
Article 2 : La délibération du 27 juin 2019 du conseil municipal de Biot approuvant la modification n° 6 du plan local d'urbanisme de la commune et la décision rejetant le recours gracieux de la SARL Les Jardins d'Alysson sont annulées en tant qu'est annexé audit document le projet de zonage du plan de prévention du risque inondation.
Article 3 : Le jugement n° 1906125 du 21 juin 2023 du tribunal administratif de Nice est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Les Jardins d'Alysson est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Les Jardins d'Alysson et à la commune de Biot.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2025, où siégeaient :
- M. Portail, président,
- Mme Courbon, présidente-assesseure,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 janvier 2025.
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N° 23MA02095
nb