Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Firma I Garantia Centre C... SL a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2009 à 2013 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 25 juin 2009 au 31 décembre 2013.
Par un jugement n° 1901093 du 2 février 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er juin 2023 et 15 septembre 2024, la société Firma I Garantia Centre C... SL, représentée par Me Collet, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1901093 du 2 février 2023 du tribunal administratif de Nice ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2010, 2011, 2012 et 2013, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 25 juin 2009 au 31 décembre 2013 et de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2013 ;
3°) d'ordonner la restitution des sommes versées ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal ne s'est pas prononcé sur le bien-fondé de la base légale des rectifications ;
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée, ce qui l'a empêché d'exercer ses droits à la défense, et entachée d'erreur de droit ainsi que de défaut de base légale ;
- elle ne pouvait être imposée à l'impôt sur les sociétés, en l'absence d'établissement autonome, de représentant dépendant ou de cycle commercial complet en France ;
- la pénalité de 80 % pour activité occulte n'est pas applicable, notamment à la retenue à la source, ce que confirme l'interprétation administrative référencée BOI-CF-INF-10-20-10, n° 30 du 12 septembre 2012.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 décembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par la société Firma I Garantia Centre C... SL ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Platillero,
- les conclusions de M. Ury, rapporteur public,
- et les observations de Me Roux, pour la société Firma I Garantia Centre Assistiv de Disseny SL.
Considérant ce qui suit :
1. La société de droit andorran Firma I Garantia Centre Assistiv de Disseny SL a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle une proposition de rectification du 23 mars 2016 lui a été notifiée. Au terme de la procédure, elle a été assujettie à des cotisations d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos le 31 décembre 2010 à 2013, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 25 juin 2009 au 31 décembre 2013 et à la retenue à la source au titre de l'année 2013, assortis des intérêts de retard et de la majoration de 80 % pour découverte d'une activité occulte prévue au c. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts. La société Firma I Garantia Centre C... SL relève appel du jugement du 2 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à une décharge en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des pénalités y afférentes.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Il ressort de la demande de première instance que la société Firma I Garantia Centre C... SL n'a invoqué devant le tribunal que des moyens relatifs à la procédure d'imposition et à la pénalité prévue au c. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts. Elle n'est ainsi pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé, faute pour les premiers juges de s'être prononcés, en l'absence de moyen qui aurait dû être relevé d'office, sur le bien-fondé de la base légale des impositions en litige.
Sur le principe de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés en France :
4. Aux termes de l'article 206 du code général des impôts : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 8 ter, 239 bis AA, 239 bis AB et 1655 ter, sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes (...) et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif ". Aux termes de l'article 209 du même code général des impôts : " I. (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45,53 A à 57, 108 à 117, 237 ter A et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, de ceux mentionnés aux a, e, e bis et e ter du I de l'article 164 B ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) ".
5. La société Firma I Garantia Centre C... SL, dont le siège est en Andorre et dont M. A... est associé et secrétaire de l'assemblée générale des associés depuis la création de la société le 25 juin 2009, sous la dénomination ...Centre C...jusqu'en 2013, avant d'en devenir l'administrateur unique en 2014, exerce l'activité d'infographie et toutes activités complémentaires. M. A..., établi dans les Alpes-Maritimes, était par ailleurs au cours des années en litige gérant et associé de la société à responsabilité limitée d'architecture ... Architecte qui exerce des activités d'architecture, d'ingénierie et de contrôle et analyse techniques. A la suite d'une procédure de visite et de saisie prévue à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, autorisée par le juge des libertés et de la détention près le tribunal de grande instance de Grasse, exécutée le 24 juillet 2014 dans les locaux et dépendances constitués du domicile de M. et Mme A... et de locaux occupés à titre professionnel par M. A..., l'administration fiscale a engagé une vérification de comptabilité de la société Firma I Garantia Centre C... SL, au cours de laquelle elle a mis en œuvre la procédure d'assistance administrative prévue par l'article 5 de l'accord relatif à l'échange de renseignements signé le 22 septembre 2009 entre la France et la Principauté d'Andorre, les autorités andorranes ayant répondu en novembre 2015, et a exercé son droit de communication en septembre 2015 auprès d'une société tierce. A l'issue de ces opérations, l'administration a estimé que la société Firma I Garantia Centre C... SL avait exercé intégralement son activité en France dans les locaux à disposition de M. A... où elle dispose d'un établissement stable, permanent et autonome générant des profits, relevant ainsi de l'impôt sur les sociétés en France à raison de l'ensemble de son activité, en application des articles 206 et 209 du code général des impôts, cette activité étant par ailleurs soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, en application des articles 256 et 269 du même code. En l'absence de déclaration au greffe du tribunal de commerce et au centre de formalités des entreprises, ainsi que de toute déclaration fiscale en France, l'administration a déterminé la base imposable de l'activité occulte ainsi exercée en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée à partir du compte de résultat figurant sur les déclarations déposées en Andorre et obtenues dans le cadre de l'assistance administrative, les bénéfices après imputation de l'impôt sur les sociétés ayant par ailleurs été regardés comme des revenus distribués, soumis à la retenue à la source en application des articles 115 quinquies, 119 bis et 187 du code général des impôts.
6. La société Firma I Garantia Centre C... SL, constituée sous la forme d'une " societat de responsabilitat limitada ", dont il est constant qu'elle est assimilable à une société à responsabilité limitée de droit français, et qui exerce une activité lucrative, soutient qu'aucun des critères permettant de la qualifier d'entreprise exploitée en France au sens du I de l'article 209 du code général des impôts n'est rempli. Toutefois, il est constant que la société est dirigée par M. A..., domicilié en France dans les Alpes-Maritimes, où se trouve également le siège de la société D...qui y dispose de locaux pour l'exercice de son activité. Lors de la procédure de visite et de saisie opérée en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, il a été constaté la présence du timbre humide de la société andorrane dans les locaux de la société ... Architecte, ainsi que des factures émises par la société requérante, concernant d'ailleurs des clients qui ne sont pas établis en Andorre, des lettres à en-tête de cette société ou de B..." concernant des virements de fonds pour l'achat d'un véhicule en France ou pour l'achat d'une maison à l'île Maurice, et un tableau de répartition non daté des honoraires mentionnant " 30 % en France / 70 % en Andorre " pour une étude sur un terrain en France.
7. Il résulte par ailleurs de l'instruction que la société Firma I Garantia Centre C... SL ne disposait pas des moyens humains en Andorre lui permettant d'exercer son activité. Ainsi, il n'est pas contesté qu'elle ne disposait d'aucun personnel salarié jusqu'au 31 décembre 2012 et qu'elle a déclaré 40 000 euros de salaires bruts en 2013 à une personne qui n'est pas identifiée, ses seuls moyens humains étant ainsi constitués de M. A..., qui a réalisé les prestations. Contrairement à ce qu'elle soutient, elle n'y disposait pas plus des moyens matériels nécessaires à son activité. En effet, il n'est pas plus contesté que les immobilisations corporelles inscrites à l'actif de son bilan étaient seulement constituées d'un véhicule de marque Aston Martin acquis dans les Alpes-Maritimes, l'exercice par l'administration de son droit de communication ayant révélé que les factures d'entretien de ce véhicule étaient adressées à M. A... et à sa société française, entretien au demeurant réalisé en France, alors qu'aucun justificatif de déplacement entre le département des Alpes-Maritimes où résidait M. A... et Andorre n'a été produit.
8. En outre, les locaux mis à disposition en Andorre correspondent à une adresse de domiciliation et l'attestation du bailleur produite ne précise pas les conditions matérielles d'utilisation des locaux, fait état de frais fixes qui ne varient pas en fonction du niveau d'activité de la société, notamment en ce qui concerne les télécommunications, et ne mentionne pas de matériel qui serait à la disposition exclusive de la société Firma I Garantia Centre C... SL. En particulier, si l'attestation du bailleur fait état de la mise à disposition d'un secrétariat, la société n'apporte aucun élément, qu'elle seule est en mesure de produire, à l'appui de ses allégations selon lesquelles sa correspondance commerciale, sa facturation et sa comptabilité auraient été assurées par un service de secrétariat mis à disposition. Si la société Firma I Garantia Centre C... SL fait également valoir que des moyens informatiques serait mis à sa disposition en Andorre pour exercer son activité, le ministre fait valoir sans être contredit que le matériel mis à disposition, constitué d'un ordinateur et d'une imprimante, n'est pas compatible avec l'activité d'édition de plans et d'images de synthèse de projets immobiliers, la requérante ne justifiant aucunement de l'utilisation de logiciels spécifiques à son activité dont elle disposerait en Andorre. Par ailleurs, si un compte bancaire a été ouvert en Andorre au nom de la société, il n'est pas contesté que les cartes bancaires rattachées à ce compte, ouvert par M. A... et dont le registre des signatures ne mentionne que l'intéressé, sont au nom de ce dernier.
9. Enfin, si la société Firma I Garantia Centre C... SL fait valoir que son activité de conception technique de projets immobiliers à construire en Andorre aurait effectivement été réalisée par M. A... dans cet Etat, ainsi qu'il a été dit précédemment, elle n'apporte aucun élément, qu'elle seule est en mesure d'apporter, qui attesterait de l'existence de déplacements de l'intéressé en Andorre et de moyens matériels appropriés qui y seraient situés. Elle n'apporte ainsi aucun élément permettant de justifier de l'exercice effectif de l'activité dans les locaux loués dans cet Etat, en se bornant à produire des plans et des courriels, au demeurant adressés à M. A... personnellement et non à l'adresse électronique de la société, aucun contrat ni compte-rendu de réunion ou de visite n'étant au demeurant produit, la seule circonstance que la société aurait eu des clients en Andorre ne justifiant pas de l'exercice effectif de l'activité dans cet Etat.
10. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Firma I Garantia Centre C... SL dispose de son centre décisionnel dans les Alpes-Maritimes en la personne de M. A..., et qu'elle est gérée et exerce son activité de façon habituelle depuis la France par le biais des moyens matériels et humains mis à disposition par ce dernier et par la société ... Architecte, caractérisant ainsi un établissement doté d'une autonomie de gestion en France. Dans ces conditions, la société Firma I Garantia Centre C... SL constituait au titre des années en litige une entreprise exploitée en France au sens des dispositions précitées de l'article 209 du code général des impôts, qui, contrairement à ce qui est soutenu, constitue la base légale retenue par l'administration pour justifier de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés en France.
11. A cet égard, la société Firma I Garantia Centre C... SL n'est pas fondée à se prévaloir des instructions administratives référencées BOI-IS-CHAMP-60-10-10, BOI-IS-CHAMP-60-10-20 et BOI-IS-CHAMP-60-10-30, qui ne donnent pas d'interprétation différente de la notion d'entreprise exploitée en France.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
12. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Aux termes de l'article L. 76 du même livre : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions (...) ".
13. En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, le document du 23 mars 2016 intitulé " proposition de rectification ", après avoir rappelé et détaillé les procédures de visite et de saisie, d'assistance administrative internationale et de droit de communication mises en œuvre ainsi que le déroulement du contrôle, expose précisément les motifs sur lesquels le vérificateur s'est fondé pour estimer que la société Firma I Garantia Centre C... SL exerçait sur la période vérifiée l'intégralité de son activité de prestataire de services dans le domaine de l'immobilier en France où elle disposait d'un établissement stable, permanent, autonome, générant des profits. Ce document précise ensuite les motifs sur lesquels s'est fondée l'administration pour qualifier l'activité exercée à titre habituel en France d'occulte et justifier la procédure de taxation d'office, cite les articles 206 et 209 du code général des impôts qui, contrairement à ce qui est soutenu, constituent la base légale des rectifications, et mentionne que la société, étant l'équivalent d'une société à responsabilité limitée française, relève de l'impôt sur les sociétés en France à raison de l'ensemble de son activité en l'absence d'activité avérée en Andorre. Enfin, ce document expose les années d'imposition et la détermination de la base imposable, fixée à partir du compte de résultat figurant sur les déclarations déposées en Andorre.
14. Dans ces conditions, la société Firma I Garantia Centre C... SL, qui ne conteste pas la régularité de la taxation d'office en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, n'ayant ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'elle était tenue de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, son activité étant ainsi réputée occulte, aucune mise en demeure n'étant dès lors nécessaire, et n'allègue pas qu'elle aurait commis une erreur justifiant qu'elle ne se soit acquittée d'aucune de ses obligations déclaratives, n'est pas fondée à soutenir que l'article L. 76 du livre des procédures fiscales aurait été méconnu en matière d'impôt sur les sociétés, les explications figurant dans le document précisant sans ambiguïté les motifs des rectifications notifiées, sans qu'elle puisse utilement faire valoir que les motifs retenus par l'administration seraient mal fondés.
15. En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée, outre les éléments précédemment cités en commun à l'ensemble des impositions, notamment ceux qui ont permis à l'administration de conclure que l'intégralité de l'activité de prestataire de services dans le domaine de l'immobilier était exercée en France, le document intitulé " proposition de rectification " cite les articles 256 et 269 du code général des impôts en rappelant qu'ils sont applicables à cette activité et précise que la taxe sur la valeur ajoutée due est déterminée à partir du chiffre d'affaires mentionné sur les déclarations des résultats souscrites en Andorre, aucun droit à déduction n'étant reconnu en l'absence de factures produites par la société contribuable. Si ce document ne cite pas l'article 259 du code général des impôts, l'administration, qui ne disposait d'aucun élément permettant de rattacher la taxe sur la valeur ajoutée à un autre lieu que la France au regard des articles 259 et 259 A du code général des impôts, dès lors que la société Firma I Garantia Centre C... SL ne s'est pas manifestée à la suite de la réception de l'avis de vérification de comptabilité, pouvait se borner à constater que l'intégralité de l'activité était exercée dans cet Etat pour y justifier de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée sans induire en erreur la société sur le fondement des rectifications, les explications figurant dans le document précisant sans ambiguïté leurs motifs et lui permettant de discuter utilement des rectifications à un stade ultérieur de la procédure, notamment s'agissant du lieu d'exécution des prestations, de leur nature exacte et de leurs preneurs. Ainsi, la société Firma I Garantia Centre C... SL n'est pas fondée à soutenir que l'article L. 76 du livre des procédures fiscales a été méconnu en matière de taxe sur la valeur ajoutée.
16. En ce qui concerne la retenue à la source, outre l'ensemble des éléments précités, la proposition de rectification rappelle les dispositions du 1. de l'article 115 quinquies du code général des impôts, précise le montant des bénéfices réputés distribués après imputation de l'impôt sur les sociétés et réalisés en France et cite les articles 119 bis et 187 du même code pour justifier le taux d'imposition. Compte tenu de tous ces éléments, la proposition de rectification respecte ainsi les exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.
Sur les pénalités :
17. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration (...) entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable (...) d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte (...) ".
18. Il résulte de ces dispositions que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives. S'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un État autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte tant du niveau d'imposition dans cet autre État que des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux États.
19. En premier lieu, la société Firma I Garantia Centre C... SL n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'elle était tenue de souscrire ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce. Elle n'établit pas qu'elle a commis une erreur justifiant qu'elle ne se soit acquittée d'aucune de ses obligations déclaratives en France, alors même qu'un accord relatif à l'échange de renseignements a été conclu entre la France et la Principauté d'Andorre, dès lors qu'il est constant, ainsi que l'a relevé le tribunal, que le taux d'imposition à l'impôt sur les sociétés en Andorre était largement inférieur à celui applicable en France et que le taux maximal à compter de 2012 était de 10 %, ce qui a permis à la société de bénéficier d'une franchise totale d'impôt sur les sociétés durant trois années. Dans ces conditions, et compte tenu de ce qui a été dit précédemment, la société Firma I Garantia Centre C... SL n'est pas fondée à soutenir que la majoration prévue au c. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts en cas de découverte d'une activité occulte appliquée par l'administration à l'ensemble des impositions doit être déchargée en conséquence des moyens qu'elle invoque.
20. En second lieu, depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités, l'administration a la possibilité de procéder auprès du redevable à un rappel de droits correspondant au montant de la retenue à la source non effectuée et assorti d'intérêts de retard ainsi que, le cas échéant, des majorations prévues aux articles 1728 et 1729 du code général des impôts en cas de défaut de déclaration, d'activité occulte ou d'insuffisance délibérée de déclaration. Ainsi, dès lors que sont en litige des bénéfices professionnels issus d'une activité occulte réalisée en France par une société étrangère, réputés distribués conformément à l'article 115 quinquies du code général des impôts, la société Firma I Garantia Centre C... SL n'est pas fondée à soutenir que la majoration prévue au c. du 1. de l'article 1728 du même code n'est pas applicable à la retenue à la source.
21. A cet égard, la société Firma I Garantia Centre C... SL n'est pas fondée à se prévaloir de l'interprétation administrative référencée BOI-CF-INF-10-20-10 n° 30 du 12 septembre 2012 selon laquelle " Les activités susceptibles de donner lieu à l'application de la majoration de 80 % (...) s'entendent de celles qui sont imposables à l'impôt sur les sociétés ou sont soumises à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices non commerciaux ou bénéfices agricoles. Les revenus tirés de l'exploitation du patrimoine (revenus fonciers, revenus de capitaux mobiliers, plus-values) ou d'une activité salariée ne sont pas, en revanche, visés par le dispositif ", qui ne donne pas de la loi d'interprétation différente, dès lors que l'exercice d'une activité occulte imposable à l'impôt sur les sociétés est établie et que le litige ne porte pas sur des revenus tirés de l'exploitation du patrimoine ou d'une activité salariée.
22. Il résulte de tout ce qui précède que la société Firma I Garantia Centre C... SL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation de ce jugement, de décharge, en droits et majorations, des impositions en litige et, en tout état de cause, de restitution des sommes versées doivent dès lors être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Firma I Garantia Centre C... SL demande au titre des frais qu'elle a exposés.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Firma I Garantia Centre C... SL est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Firma I Garantia Centre C... SL et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025, où siégeaient :
- M. Duchon-Doris, président de la Cour,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 janvier 2025.
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N° 23MA01440