Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015, 2016 et 2017, ainsi que des majorations correspondantes. M. B... a également demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, ainsi que des majorations correspondantes.
Par un jugement nos 2008795, 2008796 du 27 janvier 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 mars 2023, M. et Mme B..., représentés par Me Ben Samoun, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 27 janvier 2023 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et des majorations en litige ;
3°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de l'État en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le vérificateur ne pouvait remettre en cause l'exercice 2014, qui était prescrit ;
- la détermination du coefficient de marge reposait sur une méthode excessivement sommaire ;
- M. B... pouvait bénéficier de la franchise en base et du régime micro-BIC au titre de l'année 2015 ;
- il convenait de retenir un taux de perte de 20 % s'agissant des fruits et légumes, ainsi qu'un taux supplémentaire de 5% pour tenir compte des offerts et de la consommation du personnel ;
- la majoration pour manquement délibéré est injustifiée, dès lors qu'il ignorait avoir perçu des salaires ;
- la majoration pour manœuvres frauduleuses était injustifiée pour l'année 2015, dès lors que les achats non déclarés qu'il a réalisés en son nom propre au cours de cette année n'avaient pas pour objet d'égarer l'administration fiscale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mérenne,
- les conclusions de M. Ury, rapporteur public,
- et les observations de Me Ben Samoun, représentant M. et Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., qui exerce une activité individuelle de commerce d'alimentation générale et de vente au détail de fruits et légumes, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale, par une première proposition de rectification, datée du 23 août 2018, a écarté sa comptabilité comme non probante, reconstitué son chiffre d'affaires, et l'a assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre des années 2015, 2016 et 2017, ainsi qu'à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017.
2. M. B... est par ailleurs le gérant et l'associé unique de l'EURL Transports Nassou. Après avoir procédé à la vérification de comptabilité de la société, l'administration fiscale, par une seconde proposition de rectification, datée du 24 août 2018, a réintégré les salaires versés par l'EURL à M. B... et l'a assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires au titre des années 2015, 2016 et 2017.
3. M. et Mme B... font appel du jugement du 27 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires et des majorations correspondantes.
Sur le régime d'imposition applicable à l'année 2015 :
4. Pour remettre en cause l'application, du régime des micro-entreprises prévu à l'article 50-0 du code général des impôts pour l'année 2015, l'administration fiscale s'est attachée à vérifier le chiffre d'affaires réalisé par M. B... au cours de l'année 2014 afin de déterminer si le seuil applicable au titre de cette année avait été dépassé. Elle a reconstitué le chiffre d'affaires de l'année 2014 dans des conditions semblables à celles des années vérifiées pour retenir des achats non comptabilisés d'un montant de 24 929 euros, auquel elle a appliqué un coefficient de bénéfice brut de 1,82, correspondant à la moyenne de ces coefficients résultant des achats déclarés pour les années 2015, 2016 et 2017. Après avoir ajouté le montant du chiffre d'affaires non déclaré ainsi reconstitué au chiffre d'affaires déclaré, l'administration a estimé que le chiffre d'affaires total pour l'année 2014 s'élevait à 126 096 euros hors taxe, et était ainsi supérieur au seuil permettant d'appliquer le régime des micro-entreprises à l'année 2015.
5. Si l'année 2014 était la dernière année prescrite, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que l'administration puisse établir que, dès cette année, le chiffre d'affaires réel dépassait la limite au-delà de laquelle le régime des micro-entreprises ne pouvait être légalement maintenu en 2015, première année non prescrite. M. B... n'est fondé ni à soutenir que l'administration fiscale aurait dû procéder à une vérification de comptabilité portant sur l'année 2014 en tant que telle ni que l'administration aurait dû s'en tenir au seul chiffre d'affaires déclaré au titre de cette année.
6. En outre, en appliquant aux achats non comptabilisés un coefficient de bénéfice brut correspondant à la moyenne de ces coefficients résultant des achats déclarés pour les années 2015, 2016 et 2017, l'administration s'est fondée sur les éléments constatés dans l'entreprise pour dégager sa marge bénéficiaire. Cette méthode n'est ni radicalement viciée ni excessivement sommaire, d'autant plus que rien ne vient établir l'existence d'une différence de marge bénéficiaire entre les achats déclarés et les achats non comptabilisés.
7. Enfin, le tribunal a retenu que la charge de la preuve incombait au contribuable par des motifs non contestés, figurant aux points 6 à 9 du jugement attaqué, qu'il convient d'adopter en appel. Cette charge comprend la détermination du régime d'imposition applicable à l'année 2015, première année non prescrite. En se bornant à faire valoir qu'il n'a pas reconnu explicitement ou implicitement les achats non comptabilisés au cours de la vérification de la comptabilité, que cette circonstance est une supposition probable et que les éléments retenus par l'administration seraient insuffisants, M. B... n'apporte pas la preuve que le chiffre d'affaires de son entreprise au cours de l'année 2014 aurait été en deçà du seuil offrant le bénéfice du régime des micro-entreprises pour l'année 2015.
Sur la reconstitution du chiffre d'affaires du commerce d'alimentation générale :
8. En appel, M. B... conteste la méthode retenue par le vérificateur, le coefficient de bénéfice brut appliqué aux achats non comptabilisés pour reconstituer les chiffres d'affaires des années 2015, 2016, et 2017 et l'absence de réfaction du chiffre d'affaires pour tenir compte des pertes, des offerts et de sa consommation personnelle.
9. En premier lieu, la méthode employée par le vérificateur était destinée à reconstituer le chiffre d'affaires réalisé sur les achats non comptabilisés. Par suite, elle ne peut être tenue pour excessivement sommaire du seul fait de l'existence et de l'importance de ces achats non comptabilisés. En outre si M. B... soutient que le service aurait dû appliquer les prix effectivement pratiqués pour chaque article aux achats correspondants, il n'apporte pas les éléments, en particulier le détail des prix et des achats, permettant de mettre en œuvre cette méthode, à supposer qu'elle aurait été effectivement plus précise pour déterminer les bases d'impositions.
10. En deuxième lieu, M. B... demande l'application du coefficient de bénéfice brut de 1,65, retenu par l'administration au titre de l'année 2016, aux chiffres d'affaires des années 2015 et 2017, pour lesquelles elle a retenu un coefficient plus élevé. Cependant, le coefficient de bénéfice brut pour les années 2015 et 2017 a été déterminé en fonction des données réelles de l'exploitation propres à chacune de ces années, alors que le coefficient de bénéfice brut a été déterminé en fonction des données propres à l'année 2016. En se bornant à faire valoir que l'année 2016 est celle où la quantité d'achats non comptabilisés est la plus faible et que le coefficient retenu pour cette année lui est plus favorable, M. B... n'établit pas que le coefficient établi pour l'année 2016 reflèterait mieux la réalité de son commerce au cours des années 2015 et 2017 que les coefficients établis pour ces deux années.
11. Enfin, la méthode de l'administration pour déterminer le coefficient de bénéfice brut, qui se fonde sur le rapport entre les achats et le chiffre d'affaires, tient compte des pertes, des offerts et de la consommation personnelle du commerçant. M. B... n'apporte pas d'élément qui pourrait justifiait l'application d'une réfaction correspondant à 25 % du chiffre d'affaires omis.
12. Il suit de là que M. et Mme B... n'apportent pas la preuve de l'exagération des bases d'imposition.
Sur les majorations :
13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) / c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...) ".
14. D'une part, ainsi que l'a retenu le tribunal administratif, il résulte de l'instruction que M. B..., en tant que gérant de l'EURL Transports Nassou, dont il est également l'associé unique, a reçu des rémunérations au cours des années 2015, 2016 et 2017, libellées comme telles dans la comptabilité de la société. Ces éléments permettent d'établir que l'omission de déclarer ces rémunérations revêtait un caractère délibéré, y compris dans l'hypothèse où M. B... aurait éprouvé des doutes sur la licéité des sommes reçues au regard du droit des sociétés. Dès lors, l'administration fiscale a pu faire application à bon droit de la majoration pour manquement délibéré prévue par les dispositions du a. de l'article 1729 du code général des impôts.
15. D'autre part, ainsi qu'il a été dit, il résulte de l'instruction que M. B..., dont la comptabilité a été rejetée à bon droit comme non probante, a réalisé, dans le cadre de son activité de commerce alimentaire, d'importants volumes d'achats auprès de ses fournisseurs, réglés en espèces, et sans avoir comptabilisé les factures correspondantes. S'agissant du fournisseur Métro, les factures fournisseurs ont été libellées alternativement au nom de l'EURL Transports Nassou et au nom de M. B.... Les achats ont été réalisés sous couvert de cartes d'achats libellées au nom de la société à hauteur de 21 929 euros hors taxe pour l'année 2014, 94 230 euros pour l'année 2015, 42 009 euros pour l'année 2016, et 49 735 euros pour l'année 2017. Ils ont également été réalisés sous couvert d'une carte d'achat libellée au nom de M. B... à hauteur de 8 565 euros hors taxe pour l'année 2015. Ainsi, M. B... a systématiquement occulté une partie de ses achats au cours de la période vérifiée, en particulier en entretenant une confusion entre l'activité de sa société de transports et son activité de commerce d'alimentation générale, révélant ainsi une intention délibérée d'éluder l'impôt et d'en empêcher le contrôle. La réalisation d'une petite partie de ses achats sous couvert d'une carte d'achat libellée à son nom personnel ne retire pas à ses agissements le caractère de manœuvres frauduleuses. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a assorti les impositions supplémentaires résultant de la reconstitution de recettes, y compris celles établies au titre de l'année 2015, de la majoration de 80 % prévue par les dispositions du c de l'article 1729 du code général des impôts.
16. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes. Leur requête doit donc être rejetée, y compris leurs conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée pour information à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025, où siégeaient :
- M. Duchon-Doris, président de la cour,
- M. Platillero, président-assesseur,
- M. Mérenne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2025.
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No 23MA00726