Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
Par un jugement n° 2304122 du 5 décembre 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 avril 2024, Mme B..., représentée par Me Gossa, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 5 décembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2023 du préfet des Alpes-Maritimes ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et, dans l'attente, de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
La requête a été transmise au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 février 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Danveau.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante géorgienne née le 15 novembre 1993, déclare être entrée en France le 3 avril 2017. Elle a sollicité, le 5 juin 2023, son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 juillet 2023, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office. Celle-ci relève appel du jugement du 5 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête dirigée contre cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".
3. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 435-1, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".
4. Mme B... soutient qu'elle est entrée sur le territoire français le 3 avril 2017, accompagnée de ses deux enfants nés en 2010 et 2014 ainsi que de son conjoint dont elle est désormais séparée. Elle affirme résider de manière continue en France depuis cette date et précise que ses enfants sont scolarisés sur le territoire, qu'elle ne dispose plus d'attaches familiales en Géorgie, ses parents étant décédés, et qu'elle est parfaitement intégrée dans la société française. Toutefois, la situation personnelle et familiale de Mme B... ainsi décrite ne permet pas de considérer que son admission exceptionnelle au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels. En outre, la requérante ne livre pas davantage d'éléments précis sur les liens amicaux, sociaux ou associatifs qu'elle aurait noués en France, se prévalant essentiellement, par les pièces produites, d'hébergements dans des lieux d'accueil, d'une élection de domicile au centre communal d'action sociale de Nice pendant un an, d'un bail à usage d'habitation, de certificats de scolarité de ses enfants et de quelques témoignages de tiers attestant de son sérieux et de l'attention portée à l'éducation de ses enfants. S'agissant de son insertion professionnelle, la requérante se prévaut d'une activité auprès de la société Korian, pour laquelle elle produit seulement une attestation d'un responsable hôtelier postérieure à l'arrêté contesté, et de deux promesses d'embauche sur des postes de serveuse et d'agent d'accueil établies les 4 avril 2022 et 26 octobre 2023 par la société Sandri, lesquelles ne permettent pas, en tout état de cause, d'attester une stabilité et une continuité professionnelles. Enfin, le préfet relève dans l'arrêté contesté que la requérante a vu sa demande d'asile rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la cour nationale du droit d'asile et s'est soustraite à l'exécution de deux précédentes mesures d'éloignement en 2019 et 2021. Compte tenu de ces éléments, le préfet des Alpes-Maritimes a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, considérer que ni la situation personnelle, ni la situation professionnelle de Mme B... ne révélaient l'existence de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires de nature à lui ouvrir droit au séjour sur le fondement des dispositions précitées.
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
6. Eu égard à ce qui a été dit au point 4, Mme B... n'établit pas que le préfet des Alpes-Maritimes aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B..., qui est divorcée d'un compatriote dont elle indique qu'il a été condamné à une peine d'emprisonnement de quatorze ans, ne pourrait pas rentrer en Géorgie avec ses enfants alors que sa demande d'asile et sa demande de réexamen ont été définitivement rejetées. Si, par ailleurs, ses enfants, respectivement nés en Géorgie le 6 février 2010 et le 29 décembre 2014, sont scolarisés en France, la requérante n'apporte aucun élément probant attestant qu'ils ne pourraient poursuivre leur scolarité dans des conditions normales en Géorgie, alors même que sa fille aînée poursuit sa scolarité en France depuis l'âge de sept ans. Dans ces conditions, il n'existe pas d'obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue dans son pays d'origine, où la requérante a elle-même vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-trois ans. La requérante n'est donc pas fondée à soutenir que le préfet des Alpes-Maritimes a pris l'arrêté contesté en méconnaissance des stipulations précitées. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet doit être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées. Par suite, doivent également être rejetées ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Gossa et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025, où siégeaient :
- Mme Fedi, présidente de chambre,
- Mme Rigaud, présidente assesseure,
- M. Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 janvier 2025.
N° 24MA00870 2
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