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24/01/2025 | FRANCE | N°23MA02041

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 24 janvier 2025, 23MA02041


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Ecoloc Cassis a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler, d'une part, la décision du 13 mai 2020, par laquelle la présidente du conseil départemental des Bouches-du-Rhône a rejeté sa candidature pour l'attribution d'une autorisation d'occupation du domaine public maritime à raison de 18 postes à flot dans le port de Cassis, d'autre part, l'autorisation attribuée à cette fin à la société Pierre Folco " Locbateau " le 23 juin 2020, pour la pério

de du 1er juin 2020 au 31 décembre 2029.





Par un jugement n° 2004810 du 15 juin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ecoloc Cassis a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler, d'une part, la décision du 13 mai 2020, par laquelle la présidente du conseil départemental des Bouches-du-Rhône a rejeté sa candidature pour l'attribution d'une autorisation d'occupation du domaine public maritime à raison de 18 postes à flot dans le port de Cassis, d'autre part, l'autorisation attribuée à cette fin à la société Pierre Folco " Locbateau " le 23 juin 2020, pour la période du 1er juin 2020 au 31 décembre 2029.

Par un jugement n° 2004810 du 15 juin 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 et 4 août 2023, la société Ecoloc Cassis, représentée par Me Sindres, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 juin 2023 ;

2°) d'annuler les décisions portant rejet de sa candidature et autorisant la société Pierre Folco " Locbateau " à occuper le domaine public ;

3°) de mettre à la charge du département des Bouches-du-Rhône une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que l'autorisation a été délivrée à la société Pierre Folco " Locbateau " en méconnaissance de l'article R. 5314-31 du code des transports ;

- le tribunal s'est mépris en analysant être en présence d'un contrat et en écartant pour ce motif la recevabilité de ses conclusions dirigées contre la décision portant rejet de sa candidature ;

- cette décision n'est pas motivée et méconnait les dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le département ne pouvait légalement, sans méconnaitre sa propre compétence ainsi que le principe d'indépendance des législations et préjuger la future décision du directeur du parc, prévoir que la délivrance d'une autorisation d'occupation de son domaine était subordonnée à l'assurance d'être autorisé à pénétrer dans le cœur marin du Parc national des Calanques ; de surcroît la réglementation adoptée à cet égard par le parc méconnaît la liberté d'entreprendre ; la consultation a été organisée en violation des dispositions de l'article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques ;

- dans la mesure où elle est candidate évincée à cette attribution, elle n'a pas à démontrer que les vices touchant l'autorisation l'ont lésée ;

- en tout état de cause, la flotte de la société Pierre Folco " Locbateau " est écologiquement moins performante que la sienne ; si sa candidature n'avait pas été irrégulièrement écartée, son offre aurait été mieux classée ;

- la société Pierre Folco " Locbateau " ne détenait pas l'antériorité d'autorisation requise aux termes de l'article 5 du règlement de la procédure de sélection ;

- la durée de l'autorisation consentie méconnaît les dispositions d'ordre public de l'article R. 5314-31 du code des transports.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2024, le département des Bouches-du-Rhône, représenté par la SELAS Charrel et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 200 euros soit mise à la charge de la société Ecoloc Cassis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le moyen tiré de l'incompétence négative du président du département est nouveau en appel et de ce fait irrecevable ;

- la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.

Par un mémoire, enregistré le 13 mai 2024, la société Pierre Folco " Locbateau ", représentée par Me Plantard, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la société Ecoloc Cassis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code des transports ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Poullain,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Chavalarias, représentant la société Ecoloc Cassis, et de Me Harket, représentant le département des Bouches-du-Rhône.

Une note en délibéré, présentée par Me Charrel représentant le département des Bouches-du-Rhône, a été enregistrée le 15 janvier 2025.

Considérant ce qui suit :

1. Au début de l'année 2020, le département des Bouches-du-Rhône a lancé un avis d'appel à candidature pour la mise à disposition de 18 postes à flot dans le port de Cassis, constituant un lot, en vue de l'exercice d'une activité de location de bateaux. La candidature de la société Ecoloc Cassis a été rejetée par décision du 13 mai 2020. Celle-ci relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ainsi que de l'autorisation d'occupation du domaine public attribuée le 23 juin 2020 dans le cadre de cette procédure à la société Pierre Folco " Locbateau ", exerçant sous l'enseigne " Locbateau ", pour la période du 1er juin 2020 au 31 décembre 2029.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, si les premiers juges n'ont pas fait référence aux dispositions de l'article R. 5314-31 du code du transport, il ressort du point 7 du jugement attaqué qu'ils ont néanmoins explicitement écarté le moyen tiré de ce que l'autorisation d'occupation du domaine public attribuée à la société Pierre Folco " Locbateau " était illégale en raison de sa durée, en relevant que ce moyen était, parmi d'autres, dépourvu de lien avec l'éviction de la société Ecoloc Cassis et par suite inopérant. Le moyen tiré de ce que le tribunal aurait omis d'examiner ce moyen doit de ce fait être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique (...) ". Aux termes du 1er alinéa de l'article L. 2122-1-1 du même code : " Sauf dispositions législatives contraires, lorsque le titre mentionné à l'article L. 2122-1 permet à son titulaire d'occuper ou d'utiliser le domaine public en vue d'une exploitation économique, l'autorité compétente organise librement une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d'impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester ". L'article R. 2122-1 dispose : " L'autorisation d'occupation ou d'utilisation du domaine public peut être consentie, à titre précaire et révocable, par la voie d'une décision unilatérale ou d'une convention ".

4. Si l'autorisation d'occupation du domaine public a été délivrée à la société Pierre Folco " Locbateau " au terme d'une procédure de sélection, dans le cadre fixé par l'article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques dès lors qu'il s'agissait de permettre l'exercice d'une activité économique, elle prend la forme d'un acte unilatéral de l'exécutif départemental et les conditions d'occupation qu'elle définit ont été fixées par la collectivité seule, indépendamment du contenu du dossier de candidature du bénéficiaire. C'est dès lors à tort que le tribunal administratif a estimé être en présence d'un acte contractuel et a écarté comme irrecevables les conclusions de la requérante tendant à l'annulation de la décision du 13 mai 2020 portant rejet de sa candidature.

5. Le jugement attaqué doit ainsi être annulé en tant qu'il statue sur ces conclusions. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Ecoloc Cassis devant le tribunal administratif tendant à l'annulation de cette décision et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions tendant à l'annulation de l'autorisation d'occupation du domaine public attribuée à la société Pierre Folco " Locbateau " le 23 juin 2020.

Sur la décision de rejet du 13 mai 2020 :

6. La délibération n° CA 2019-12.17 du 6 décembre 2019, adoptée par le conseil d'administration du Parc national des Calanques, établit un régime d'autorisation relatif aux activités commerciales ayant pour objet la location de navires à moteur dans le périmètre du cœur marin du parc. Elle prévoit qu'à compter du 1er mai 2020, seuls les navires inscrits sur une liste recognitive tenue par le directeur du parc au titre de ses dispositions pourront être utilisés pour l'exercice d'une telle activité à titre professionnel dans ce périmètre. Cette délibération vise à réguler la fréquentation des espaces naturels et maîtriser les impacts des activités humaines conformément à la charte du parc.

7. La localisation du port de Cassis, dès lors qu'il est totalement entouré par le cœur marin du parc national, impose nécessairement que les navires donnés en location par des professionnels depuis celui-ci soient inscrits sur la liste recognitive ainsi établie. Dès lors, le département ne s'est pas départi de sa compétence quant au choix de son cocontractant en prévoyant, au point 5 de son avis d'appel à candidature, afin que celui-ci ait un effet utile, que " dans le cadre du dispositif de régulation et d'encadrement des activités maritimes commerciales en cœur marin, le candidat devra, avant de déposer son dossier, s'assurer auprès du Parc national des Calanques que sa flotte de bateaux pourra prétendre à être autorisée à pénétrer dans le cœur du parc (...) ". Aucun principe d'indépendance des législations n'y faisait par ailleurs obstacle.

8. Toutefois, il ressort de la délibération du 6 décembre 2019 qu'elle prévoit que seuls les opérateurs bénéficiant, à la date de sa signature, " dans le port de départ des navires, d'une autorisation d'occupation du domaine portuaire, ou d'une autorisation de mise à l'eau de navires, pérenne " voient les navires dont ils sont propriétaires ou dont ils sont en cours d'acquisition à cette date, inscrits sur cette liste. Un nouvel opérateur ne peut y être inscrit que par l'acquisition ou la prise en gestion d'un navire y figurant, ou en sollicitant son inscription à raison de celle d'un nouveau navire, qui doit dans ce cas répondre à un certain nombre de critères, dont celui d'être doté d'une motorisation hybride. Cette délibération institue ainsi une différence de traitement, qui n'est pas justifiée par l'objectif qu'elle poursuit, selon que les opérateurs bénéficient ou non, à la date de son adoption, d'une autorisation d'occupation du domaine public ou de mise à l'eau, et ce quelle que soit la date d'échéance de cette autorisation. Dans ces conditions, afin de respecter les principes d'égalité de traitement des candidats et de libre concurrence, il appartenait au département d'organiser sa consultation de telle sorte que, par l'effet du renvoi à cette réglementation, les candidats déjà bénéficiaires d'une autorisation ne soient pas privilégiés. Il pouvait, par exemple, exiger de tous les candidats qu'ils satisfassent aux critères requis pour l'inscription d'un nouveau navire sur la liste recognitive. Faute d'avoir pris pareille précaution, sa procédure de sélection a été organisée au mépris desdits principes, ainsi que l'a explicitement soulevé la requérante devant les premiers juges, et en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

9. Dès lors que la candidature de la société Ecoloc Cassis a été écartée au seul motif que sa flotte ne pouvait prétendre à être autorisée à pénétrer dans le cœur du parc, il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête et de la demande de première instance, qu'elle est fondée à demander l'annulation de la décision du 13 mai 2020 portant rejet de sa candidature.

Sur l'autorisation d'occupation du domaine public du 23 juin 2020 :

10. L'annulation de la décision du 13 mai 2020 implique, eu égard à son motif qui est en l'espèce susceptible d'avoir eu une incidence sur le choix de l'attributaire, celle de l'autorisation d'occupation du domaine public délivrée à la société Pierre Folco " Locbateau " le 23 juin 2020.

11. Il résulte de ce qui précède que la société Ecoloc Cassis est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Ecoloc Cassis qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département des Bouches-du-Rhône une somme de 2 000 euros à verser à la société Ecoloc Cassis sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 juin 2023, la décision du 13 mai 2020 portant rejet de la candidature de la société Ecoloc Cassis et l'autorisation d'occupation du domaine public délivrée à la société Pierre Folco " Locbateau " le 23 juin 2020 sont annulés.

Article 2 : Le département des Bouches-du-Rhône versera une somme de 2 000 euros à la société Ecoloc Cassis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par le département des Bouches-du-Rhône et la société Pierre Folco " Locbateau " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ecoloc Cassis, au département des Bouches-du-Rhône et à la Société Pierre Folco " Locbateau ".

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Poullain, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 janvier 2025.

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N° 23MA02041

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02041
Date de la décision : 24/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Domaine - Domaine public - Régime - Occupation.

Marchés et contrats administratifs - Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : SCP PLANTARD ROCHAS & VIRY

Origine de la décision
Date de l'import : 26/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-24;23ma02041 ?
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