Vu la procédure suivante :
Procédure administrative et contentieuse antérieure :
Par une ordonnance du 24 novembre 2020, n° 1901357-1901490, la présidente du tribunal administratif de Nice a, d'une part, taxé à la somme de 27 196 euros TTC les frais et honoraires de l'expertise confiée à M. A... B... par ordonnance du juge des référés près le même tribunal du 2 juillet 2019, d'autre part, mis ces frais à la charge pour moitié de la société Uniparc Cannes et pour l'autre moitié de la commune de Cannes.
Par une ordonnance du 15 janvier 2021, la présidente du tribunal administratif de Nice a transmis au tribunal administratif de Toulon le dossier de la requête, enregistrée à son greffe sous le n° 2100072, tendant à obtenir la réformation du montant taxé par cette ordonnance du 24 novembre 2020.
Par un jugement n° 2100128 du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Toulon a notamment rejeté la demande de la commune de Cannes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2023, la commune de Cannes, représentée par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 mai 2023 en tant qu'il a rejeté sa demande ;
2°) après avoir ordonné la communication de l'état des vacations, frais et débours de l'expert, de taxer ses frais et honoraires au seul montant de ses frais et débours.
Elle soutient que :
- l'expert a avantagé la société Uniparc Cannes en octroyant un délai supplémentaire pour la production de pièces alors que la commune de Cannes avait fait d'importants efforts pour respecter le délai initial ;
- le nombre d'heures d'études et de recherches ainsi que de rédaction du rapport pris en compte est excessif au regard du rapport établi qui ne compte qu'une dizaine de pages d'analyse ;
- l'utilité des opérations d'expertise peut être discutée ; en l'espèce les carences du rapport d'expertise le rendent inutile ;
- il ne fait état d'aucun des documents produits par les parties dont l'expert n'a manifestement pas pris connaissance ;
- il n'évalue pas les travaux conduits par la société Uniparc Cannes durant l'exécution de la convention de délégation de service public ;
- les chefs de mission relatifs à la détermination de l'origine des désordres, des travaux à entreprendre et de leur coût n'ont pas fait l'objet d'un traitement adéquat mais de considérations générales ; les coûts de travaux sont globalisés et non justifiés par une méthodologie ;
- aucune réponse n'est apportée aux observations des parties.
La procédure a été communiquée à M. A... B..., au garde des sceaux, ministre de la justice et au tribunal administratif de Nice qui n'ont pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poullain,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Bigas, représentant la commune de Cannes.
Considérant ce qui suit :
1. Par délibération du 16 juillet 2018, le conseil municipal de Cannes a décidé de la résiliation anticipée du contrat par lequel la commune avait concédé à la société Uniparc Cannes l'exploitation de huit parcs de stationnement. Dans la mesure où la collectivité et son concessionnaire s'opposaient, à la suite de cette décision, sur l'état d'entretien des ouvrages en cause et le coût de leur remise en état, le juge des référés près le tribunal administratif de Nice a prescrit, par ordonnance du 2 juillet 2019, une expertise afin principalement de déterminer l'origine des éventuelles dégradations des parcs, de définir les travaux à entreprendre et d'évaluer leur coût. L'expert a établi son rapport le 30 juin 2020, ainsi qu'un rapport complémentaire le 27 octobre 2020. Il a sollicité la taxation de ses frais et honoraires à la somme de 31 602 euros TTC. Par une ordonnance du 24 novembre 2020, la présidente du tribunal administratif de Nice a taxé ceux-ci à la somme de 27 196 euros TTC. La commune de Cannes relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la réformation de ce montant.
2. Aux termes de l'article R. 621-11 du code de justice administrative : " Les experts et sapiteurs mentionnés à l'article R. 621-2 ont droit à des honoraires, sans préjudice du remboursement des frais et débours. / Chacun d'eux joint au rapport un état de ses vacations, frais et débours. / Dans les honoraires sont comprises toutes sommes allouées pour étude du dossier, frais de mise au net du rapport, dépôt du rapport et, d'une manière générale, tout travail personnellement fourni par l'expert ou le sapiteur et toute démarche faite par lui en vue de l'accomplissement de sa mission. / Le président de la juridiction (...) fixe par ordonnance, conformément aux dispositions de l'article R. 761-4, les honoraires en tenant compte des difficultés des opérations, de l'importance, de l'utilité et de la nature du travail fourni par l'expert ou le sapiteur et des diligences mises en œuvre pour respecter le délai mentionné à l'article R. 621-2. Il arrête sur justificatifs le montant des frais et débours qui seront remboursés à l'expert. / (...) ". L'ordonnance par laquelle le président du tribunal liquide et taxe les frais et honoraires d'expertise revêt un caractère administratif et non juridictionnel. Le recours dont elle peut faire l'objet en application des dispositions de l'article R. 761-5 du code de justice administrative est un recours de plein contentieux par lequel le juge détermine les droits à rémunération de l'expert ainsi que les parties devant supporter la charge de cette rémunération. Ces dispositions donnent donc à la juridiction saisie d'un recours contre cette ordonnance non pas le pouvoir de se prononcer sur la régularité des opérations de l'expertise, mais celui d'apprécier l'utilité et la nature du travail fourni par l'expert.
3. En l'espèce, il ressort de l'état des frais et honoraires établi par l'expert le 30 juin 2020, complété le 27 octobre suivant, qu'il a sollicité, outre le remboursement de ses frais et l'indemnisation de 16 heures de trajet, le paiement, à 135 euros HT de l'heure, de 17 heures de réunion, 56 heures de rédaction de comptes rendus de réunion, 80 heures d'études et de recherches et 24 heures de rédaction de rapport, soit un total de 177 heures d'expertise. Pour fixer la taxation à la somme totale de 27 196 euros TTC, la présidente du tribunal administratif de Nice a retenu un montant de 2 896 euros TTC au titre du remboursement des frais et de l'indemnisation du temps de trajet, et estimé que le décompte établi par l'expert, s'agissant des heures d'études et de recherches ainsi que des heures de rédaction de rapport, était excessif à raison de 27 heures, ne retenant qu'un total de 150 heures d'expertise, soit un montant total de 24 300 euros TTC à ce titre (135 x 150 x 1,2).
4. En premier lieu, si la commune de Cannes soutient que l'expert aurait, de façon partiale, octroyé un délai supplémentaire à la société Uniparc Cannes afin que celle-ci produise des documents, il n'appartient pas à la juridiction de se prononcer sur cette question qui relève de la régularité des opérations de l'expertise.
5. En deuxième lieu, d'une part, alors même que, pour étayer son raisonnement ou ses calculs, l'expert ne fait pas référence de façon précise à chacune des pièces produites par les parties, tels les rapports normalisés qu'aurait produit la commune, il résulte des mentions de son rapport, particulièrement de son point 8.1, qu'il a pris connaissance des 3 888 pages du dossier versées au débat, notamment des documents dont il a demandé la communication au cours de ses opérations, dûment listés, comme la description détaillée et chiffrée de ses préjudices estimés par la commune.
6. D'autre part, il a, pour l'ensemble des huit parcs de stationnement en litige, détaillé chacune des dégradations qu'il a constatées au cours de ses visites en l'illustrant d'une annexe photographique précise. Dans ces descriptions, il a distingué, certes de façon un peu sommaire, les désordres qu'il estimait structurels et, par suite non imputables au concessionnaire, tel par exemple les infiltrations d'eau de mer dans le parking " port Canto ", d'une part, et l'ensemble des autres dégradations relevant de l'usage, de la vétusté, du défaut d'entretien ou de sinistres, d'autre part.
7. En troisième lieu toutefois, son rapport ne répond pas au point 3 de la mission relatif à l'évaluation des travaux conduits par la société Uniparc Cannes pendant l'exécution du contrat. Par ailleurs, il permet difficilement d'identifier, pour chaque ouvrage, les équipements de fonctionnement remplacés ou à remplacer, ainsi que les mises aux normes à effectuer, ainsi que requis selon le point 4 de la mission. En outre, le chiffrage du coût des travaux à engager, exigé par les points 6 et 7 de la mission, est réalisé, pour chaque parking, de façon globale, en distinguant seulement les dégradations d'une part, et les équipements de fonctionnement et mises aux normes de sécurité d'autre part, sans donner aucune autre précision ni identifier les documents justificatifs sur le fondement desquels les montants en cause ont été déterminés. Il n'est ainsi nullement possible de discuter utilement ce chiffrage.
8. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le rapport d'expertise ne présente pas l'utilité attendue pour la résolution du litige. Ainsi, même si sa concision n'est pas à elle seule révélatrice de la difficulté des opérations, de l'importance et de la nature du travail fourni par l'expert, et si ce dernier n'avait pas nécessairement à répondre aux observations des parties à la suite de la remise de son rapport, il sera, sans qu'il soit besoin d'ordonner la production de pièces complémentaires, fait une juste appréciation de ses honoraires en les ramenant à la moitié de ses prétentions initiales. Il s'en suit que le montant des frais et honoraires de l'expertise doit être fixé à la somme de 17 233 euros TTC (2 896 + 135 x 177 x 1,2 / 2).
9. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Cannes est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
D É C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Toulon du 11 mai 2023 est annulé.
Article 2 : Les frais et honoraires de l'expertise confiée à l'expert M. A... B... par l'ordonnance n° 1901357-1901490 du juge des référés près le tribunal administratif de Nice du 2 juillet 2019 sont taxés à la somme de 17 233 euros TTC qui comprend le montant de l'allocation provisionnelle accordée par ordonnance du 12 novembre 2019.
Article 3 : Les frais et honoraires mentionnés à l'article 2 sont mis à la charge pour 8 616,50 euros TTC à la société Uniparc Cannes et pour 8 616,50 euros TTC à la commune de Cannes sous déduction de l'allocation provisionnelle éventuellement versée et devront être réglés directement à l'expert.
Article 4 : L'ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Nice du 24 novembre 2020 est modifiée conformément aux articles 2 et 3.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Cannes est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Cannes, à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Copie en sera adressée à la société Uniparc Cannes et au tribunal administratif de Nice.
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Poullain, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2025.
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N° 23MA01769
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